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Cour administrative d’appel de Nancy, 4 décembre 2003, n° 98NC00739, Mme Evelyne L.

Le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est lié non aux corps d’appartenance ou aux grades des fonctionnaires ou militaires concernés mais aux emplois qu’ils occupent compte-tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

N° 98NC00739

Mme L.

M. KINTZ
Président

M. DEWULF
Rapporteur

M. TREAND
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 4 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

(Troisième Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 1998 au greffe de la Cour, complétée par mémoires enregistrés les 3 juillet 1998, 6 mai et 23 septembre 1999, présentée pour Mme Evelyne L., par la SCP d’avocats Miravete-Capelli ;

Mme Evelyne L. demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 94-1086 du 3 février 1998 par lequel le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 13 octobre 1993 par laquelle le directeur du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims lui a refusé l’attribution de la nouvelle bonification indiciaire, d’autre part, à la condamnation du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires à lui payer les primes dues pour la période du 1er janvier 1992 au 1er avril 1993, la somme de 15 000 F à titre de dommages et intérêts et la somme de 6 000 F sur le fondement des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de condamner le Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims ;

- à lui payer les indemnités lui revenant au titre de la nouvelle bonification indiciaire pour la période allant du 1er janvier 1992 au 1er avril 1993 ;

- à lui verser la somme de 15 000 F à titre de dommages-et-intérêts ;

- à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- sa requête devant le tribunal administratif est recevable ;

- la suppression de l’indemnité a été envisagée sous l’aspect d’une sanction disciplinaire ;

- les fonctions qu’elle exerçait effectivement sur la période considérée lui ouvrent droit à la nouvelle bonification indiciaire ;

- elle a subi un préjudice tenant au non-versement desdites bonifications ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la mise en demeure adressée le 10 mars 1999 au Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims, en application de l’article R.612-3 du code de justice administrative et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mars 1999, complété par mémoire enregistré le 7 novembre 2003, présenté par la SCP d’avocats Brissart-Lechesne pour le Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims ;

Le Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires demande le rejet de la requête :

Il soutient que :

- la requête devant le tribunal administratif est irrecevable car tardive ;

- il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire ;

- le seul fait d’exercer les fonctions n’ouvre pas droit à l’attribution de la NBI ;

- la demande indemnitaire n’a pas été précédée d’une demande préalable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 93-71 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et à l’assurance maladie ;

Vu le décret n° 93-375 du 17 mars 1993 instituant la nouvelle bonification indiciaire dans certains établissements nationaux à caractère administratif relevant du ministère de l’Education Nationale et de la culture ;

Vu l’arrêté du 17 mars 1993 fixant les conditions d’attribution de la nouvelle bonification indiciaire dans les services du centre national et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 novembre 2003 :
- le rapport de M. DEWULF, Premier conseiller,
- les observations de Me LESCHENE de la SCP BRISSART-LECHESNE, avocat du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims,
- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme L. a demandé le 22 novembre 1993 au directeur du Centre National des Oeuvres Universitaires et Scolaires l’annulation de la décision en date du 13 octobre 1993 par laquelle celui-ci lui a refusé l’attribution de la nouvelle bonification indiciaire ; que le directeur du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims soulève la tardiveté de la demande de Mme L. en faisant valoir que cette dernière doit être regardée comme ayant eu connaissance de la décision en date du 13 octobre 1993 au plus tard le 22 novembre 1993 ; que si la formation d’un recours administratif contre la décision établit que l’auteur de ce recours administratif a eu connaissance de la décision qu’il a contestée au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours, une telle circonstance est par elle-même sans incidence sur l’application des dispositions de l’article R. 4251-5 du code de justice administrative selon lesquelles : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la décision de la notification" ; qu’en l’espèce, la décision initiale du 13 octobre 1993 ne mentionnait pas les délais et voies de recours et le recours a été implicitement rejeté ; que, par suite, le délai de recours contentieux n’ayant pas commencé à courir, la requête de Mme L., enregistrée le 24 mai 1994 au greffe du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne, n’est pas tardive ; que, dans ces conditions, Mme L. est fondée à soutenir que c’est à tort que sa demande devant ledit tribunal a été jugée comme irrecevable en raison de sa tardiveté ; que, par suite, le jugement du 3 février 1998 du Tribunal administratif de Chalons-en- Champagne doit être annulé ;

Considérant qu’il y lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme L. devant le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article 27 de la loi 91-73 susvisée du 18 janvier 1991 : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret" ; qu’il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est lié non aux corps d’appartenance ou aux grades des fonctionnaires ou militaires concernés mais aux emplois qu’ils occupent compte-tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois ;

Considérant qu’aux termes du décret n° 93-375 du 17 mars 1993 instituant la nouvelle bonification indiciaire dans certains établissements nationaux à caractère administratif relevant du ministère de l’Education Nationale et de la Culture : "Article 1er : Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires exerçant dans certains établissements publics nationaux relevant du ministère de l’éducation nationale et de la culture et assurant une des fonctions figurant en annexe au présent décret. Article 2 : La perception de la nouvelle bonification indiciaire est liée à l’exercice des fonctions y ouvrant droit" ; qu’aux termes du paragraphe 7 de l’annexe suscitée au décret n° 93-376 : "Fonctions pouvant donner lieu au versement d’une nouvelle bonification indiciaire et exercées ... dans les Centres Régionaux des Oeuvres Universitaires et Scolaires : .. - directeurs de cités et restaurants." ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’il est constant que Mme L. a été directrice de la cité universitaire sur la période du 1er janvier 1992 au 1er avril 1993 ; que, par suite, en refusant de lui octroyer la nouvelle bonification indiciaire sur ladite période, mesure ne faisant pas partie des sanctions disciplinaires prévues, le directeur du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims a commis une erreur de droit, quelle que soit la manière de servir de l’intéressée ; que, dès lors, la décision en date du 13 octobre 1993 par laquelle le directeur du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires a opposé un refus à la demande de Mme L. est entachée d’illégalité ; que Mme L. est fondée à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution" ; que l’annulation de la décision attaquée refusant l’octroi de la nouvelle bonification indiciaire à Mme L. implique nécessairement l’octroi de cette bonification sur la période allant du 1er janvier 2002 au 1er avril 2003 ; qu’il y a lieu pour la Cour d’ordonner cet octroi ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision.." ;

Considérant que les conclusions indemnitaires de Mme L. devant le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne tendant à ce que le Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims soit condamné à lui verser une indemnité de 15 000 F en réparation du préjudice qui résulterait pour elle du retard pris dans l’attribution de la nouvelle bonification indiciaire n’ont été précédées d’aucune demande adressée à l’administration et, par conséquent, d’aucune décision susceptible de lier le contentieux ; que, dès lors, ces conclusions sont manifestement irrecevables ; que cette irrecevabilité n’est pas susceptible d’être couverte en cours d’instance dès lors qu’elle est expressément opposée par le directeur du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims ;

Sur les conclusions de Mme L. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims à payer à Mme L. une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er :Le jugement du tribunal administratif de Chalons-en-Champagne du 3 février 1998 et la décision du 13 octobre 1993 du directeur du Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims sont annulés.

Article 2 :Il est enjoint au Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims d’octroyer à Mme L. la nouvelle bonification indiciaire sur la période du 1er janvier 1992 au 1er avril 1993.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims versera à Mme L. une somme de 1 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Madame Evelyne L. et au Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de Reims.

 


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