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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 25 novembre 2003, n° 99BX01374, Daniel T.

Le principe de spécialité, qui s’applique aux établissements publics tels que les chambres de métiers, signifie que la personne morale dont la création a été justifiée par la mission qui lui a été confiée n’a pas de compétence générale au-delà de cette mission. Il n’appartient pas à ces établissements d’entreprendre des activités extérieures à cette mission ou de s’immiscer dans de telles activités. Ce principe ne s’oppose pas, par lui-même, à ce qu’un établissement public se livre à des activités économiques à la double condition, d’une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément naturel de sa mission statutaire principale, d’autre part, que ces activités soient à la fois d’intérêt général et directement utiles à l’établissement public.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 99BX01374

M. Daniel T.

M. Chavrier
Président

M. Bayle
Rapporteur

M. Rey
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 25 novembre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

(2ème chambre)

Vu la requête, enregistrée le 7 juin 1999 au greffe de la cour, présentée par M. Daniel T. ;

M. T. demande à la cour :

1° d’annuler le jugement du 7 avril 1999 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande dirigée contre la délibération de l’assemblée générale de la Chambre de métiers de la Réunion en date du 9 juin 1997 portant approbation du budget rectifié de cet établissement et contre ce budget ;

2° d’annuler ledit budget rectifié ;

3° de condamner la chambre de métiers de la Réunion à lui payer la somme de 5 000 F au titre des frais de procès ainsi que la somme de 200 F en remboursement des frais de timbre exposés en première instance et en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’artisanat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 octobre 2003 :
- le rapport de M. Bayle, conseiller ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. T., membre de la chambre de métiers de la Réunion, demande à la cour l’annulation du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 7 avril 1999 rejetant sa demande dirigée contre la délibération en date du 9 juin 1997 par laquelle l’assemblée générale de cet établissement public a adopté son budget rectificatif de l’année 1997 et l’annulation de cette délibération ;

Sur la légalité externe de la délibération du 9 juin 1997 :

Considérant qu’aux termes de l’article 5 du code de l’artisanat : " Les chambres de métiers sont, auprès des pouvoirs publics, les organes représentatifs des intérêts généraux de l’artisanat et de leur circonscription " et qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 6 de ce code : " Elles sont des établissements publics économiques " ; qu’aux termes de l’article 20 du code de l’artisanat : " Les chambres de métiers se réunissent en assemblée générale au moins deux fois par an ( ...) Les membres de l’assemblée générale sont convoqués au moins huit jours avant la date de la réunion. La convocation qui est adressée au domicile des intéressés indique l’ordre du jour " ;

Considérant, en premier lieu, que les membres de l’assemblée générale des chambres de métiers, à qui il appartient de délibérer sur les affaires de ces établissements publics, ont le droit d’être informés de tout ce qui touche à ces affaires dans des conditions leur permettant de remplir normalement leurs fonctions ; qu’il ressort des pièces du dossier, et qu’il n’est pas contesté, que les membres de l’assemblée générale de la chambre de métiers de la Réunion ont reçu, avec la convocation à la séance du 9 juin 1997, le rapport du bureau de cet établissement, celui de la commission des finances de l’assemblée et le projet de budget rectifié ; que le rapport du bureau indiquait la nature et les motifs des modifications apportées au budget primitif ; qu’en particulier, ce rapport précisait qu’une dotation de 3 150 000 F était inscrite en provision en raison, d’une part, d’une précédente décision de l’assemblée générale d’accorder un abandon de créance à la SARL " Galerie artisanale ", assorti d’une clause de remboursement par cette société en cas de retour à une meilleure situation financière, d’autre part, du risque d’avoir à payer, en application d’un jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, dont elle avait interjeté appel, la somme de 2 000 000 F dans le cadre de la liquidation de l’ancien centre de formation des métiers de l’électricité ; que, même s’il ne mentionnait pas les modalités d’évaluation ou le caractère obligatoire de certaines dépenses, ce document informait ainsi suffisamment les membres de l’assemblée générale pour leur permettre de délibérer en toute connaissance de cause sur le projet de budget rectifié de l’établissement public pour 1997 : que, dès lors, à supposer même que les autres rapports transmis aient été lacunaires, le droit à l’information des membres de l’assemblée générale n’a pas été méconnu ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. T. soutient que le vote de la délibération litigieuse n’a pas fait l’objet d’un débat, il ressort du procès-verbal de séance que plusieurs membres de l’assemblée générale, dont le requérant, ont pu intervenir ; que, contrairement à ce que soutient ce dernier, les motifs des difficultés de la société " Galerie artisanale " ont été fournis aux membres de l’assemblée ; que, si aucune explication ne paraît avoir été donnée en ce qui concerne la situation de l’ancien centre de formation des métiers de l’électricité au cours des débats, il n’est pas établi que le président ou le rapporteur du projet de délibération aient été interrogés à ce sujet ;

Considérant, en troisième lieu, que les chambres de métiers, qui constituent, par application des dispositions précitées du code de l’artisanat, les établissements publics représentants les intérêts de l’artisanat auprès des pouvoirs publics, sont soumises à l’obligation générale d’impartialité qui incombe à tous les organes administratifs ; qu’il découle de cette exigence d’impartialité qu’un membre d’une chambre de métiers ne doit pas prendre part aux délibérations de l’assemblée générale de cet organisme lorsqu’il est intéressé à l’affaire qui en a fait l’objet ;

Considérant qu’il n’est pas contesté qu’à la date de la délibération attaquée, le président de la chambre de métiers n’était plus gérant de la SARL " Galerie artisanale ", bénéficiaire de l’abandon de créances inscrit en provision au budget rectificatif ; qu’ainsi, et alors même qu’il exerçait ces fonctions de gérant à la date à laquelle seraient nées les créances en cause, il ne peut être regardé comme intéressé à la modification du budget ; que, par suite, sa participation au vote de la délibération litigieuse n’a pas eu pour effet de vicier l’adoption de ce document ;

Sur la légalité interne :

Considérant que le principe de spécialité, qui s’applique aux établissements publics tels que les chambres de métiers, signifie que la personne morale dont la création a été justifiée par la mission qui lui a été confiée n’a pas de compétence générale au-delà de cette mission ; qu’il n’appartient pas à ces établissements d’entreprendre des activités extérieures à cette mission ou de s’immiscer dans de telles activités ; que ce principe ne s’oppose pas, par lui-même, à ce qu’un établissement public se livre à des activités économiques à la double condition, d’une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément naturel de sa mission statutaire principale, d’autre part, que ces activités soient à la fois d’intérêt général et directement utiles à l’établissement public ;

Considérant qu’aux termes de l’article 23 du code de l’artisanat : " Les chambres de métiers ont pour attributions : ... e) Dans le cadre de la politique de l’aménagement du territoire et conformément aux directives du plan de contribuer, le cas échéant, à l’expansion du secteur des métiers et au maintien ou à l’élargissement des débouchés, notamment par l’organisation d’exposition ... Les chambres de métiers peuvent être autorisées par le préfet du département dans lequel se trouve leur siège dans les domaines relevant de leur compétence à : ... Souscrire des parts ou des actions de sociétés " ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la SARL " Galerie artisanale ", dont la chambre de métiers était le principal associé, avait pour objet la promotion et la vente de produits artisanaux locaux ; que l’activité de promotion de ces produits, qui tendait à l’expansion du secteur des métiers et à l’élargissement des débouchés, entrait directement dans le champ de compétence de l’établissement public ; que la vente des produits artisanaux locaux constituait un complément commercial naturel de la mission de promotion assurée par la chambre, dont il n’est pas établi, ni même allégué, qu’elle n’ait pas été autorisée par le préfet de la Réunion à prendre des parts dans la société " Galerie artisanale ", et servait nécessairement l’intérêt général du secteur des métiers comme celui particulier de l’établissement ; que, dans ces conditions, l’assemblée générale a pu, sans méconnaître la spécialité de la chambre et sans détournement de pouvoir, décider d’un abandon de créance au profit de la société précitée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. T. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 7 avril 1999, le tribunal administratif Saint-Denis de la Réunion a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération de la chambre de métiers du 9 juin 1997 adoptant le budget rectifié de l’établissement pour l’année 1997 ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la chambre de métiers de la Réunion, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer les sommes que M. T. demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner ce dernier à payer à la chambre de métiers des frais non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. Daniel T. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la chambre de métiers de la Réunion tendant à la condamnation de M. T. à lui verser des frais non compris dans les dépens sont rejetées.

 


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