CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 237772
FEDERATION C.F.D.T. DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES
Mme Denis-Linton
Rapporteur
M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement
Séance du 27 janvier 2003
Lecture du 21 février 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 30 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la FEDERATION C.F.D.T. DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES, dont le siège est 47-49, avenue Simon Bolivar à Paris (75019) ; la FEDERATION C.F.D.T. DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES demande au Conseil d’Etat
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil général de la Banque de France du 6 juillet 2001 relative au passage à l’euro fiduciaire, diffusée par une circulaire n° 2001-72 du 17 août 2001 ;
2°) de condamner la Banque de France au versement d’une somme de 20 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) du Conseil n° 3820-85 du 20 décembre 1985 ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Denis-Linton, Conseiller d’Etat,
les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de FEDERATION C.F.D.T. DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES de Me Delvolvé, avocat de la Banque de France,
les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la Banque de France qui, aux termes de l’article L.141-5 du code monétaire et financier, "a pour mission d’assurer l’entretien de la monnaie fiduciaire et gérer la bonne qualité de sa circulation sur l’ensemble du territoire", a été chargée de responsabilités déterminantes dans la mise en circulation des billets de banque et des pièces métalliques libellés en euros qui doivent être utilisés dans les paiements en France à compter du 1er janvier 2002 ; que pour faire face au surcroît exceptionnel d’activité qu’impliquent les opérations afférentes à la mise en circulation de nouveaux instruments de paiement et au rets des anciens, le Conseil général de la Banque de France a, par une décision du 6 juillet 201 agréée par le ministre de l’économie et des finances, complété les statuts du personnel, modifiant certaines règles relatives à la durée du travail des personnels concourant directement l’exécution des opérations liées à la mise en circulation des billets et des pièces métalliques libellés en euros pour la période du 1er septembre 2001 au 30 avril 2002 ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 4 août 1993, codifié à l’article L.142-1 du code monétaire et financier : "la Banque de France est une institution dont le capital appartient à l’Etat" ; qu’elle constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui, ayant principalement pour objet la mise en oeuvre de la politique monétaire, le bon fonctionnement des systèmes de compensation et de paiement et stabilité du système bancaire, sont pour l’essentiel de nature administrative ; qu’elle n’a pas caractère d’un établissement public mais revêt une nature particulière et présente de caractéristiques propres ; qu’au nombre de ces caractéristiques figure l’application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ; que dans la mesure où cette dernière incompatibilité est constatée, il appartient aux autorités compétentes de la Banque de France de fixer les règles dérogatoires à celles du code du travail que nécessite l’accomplissement de cette missions de service public ;
Considérant, en deuxième lieu, que le code du travail comporte de dispositions permettant des dérogations exceptionnelles en cas de surcroît temporaire d’activité aux prescriptions relatives à la durée quotidienne du travail, à sa durée maximale hebdomadaire moyenne, au contingent d’heures supplémentaires, à la règle du repos dominical par la voie soit d’une convention ou d’un accord collectif étendu, soit par des décisions administratives prises dans le ressort de chaque lieu d’établissement par l’inspecteur du travail ou par le directe départemental du travail ; que toutefois ces dispositions, tant par leurs modalités que par l’ampleur des dérogations requises et la nécessité que des règles identiques soient applicables sur l’ensemble du territoire national, n’étaient pas compatibles avec les exigences qui s’attachaient à la bonne exécution par la Banque de France des missions de service public liées aux opérations afférentes à la mise en circulation de nouveaux instruments de paiement ; que dès lors, la Banque de France était fondée dans ces circonstances particulières à prendre des dispositions dérogatoires temporaires relatives à la durée du travail et strictement adaptées aux exigences d’une opération revêtant par son ampleur un caractère exceptionnel ;
Considérant, en troisième lieu, qu’en vertu de l’article L. 146-2 du code monétaire et financier, le Conseil général administre la Banque de France et délibère des statuts du personnel, qui sont soumis à l’agrément des ministres compétents ; que ces dispositions donnaient compétence au Conseil général pour décider de mettre en application des règles dérogatoires à celles du code du travail, alors même que les statuts des personnels ne comportaient pas de dispositions sur la durée du temps de travail ;
Considérant enfin, que si la requérante invoque le règlement du conseil des communautés européennes du 20 décembre 1985 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, il résulte de l’article 4 de ce règlement qu’il n’est pas applicable aux transports placés sous l’autorité des forces responsables du maintien de l’ordre public, ce qui est le cas des transports visés par la décision contestée ; que ce moyen ne peut dès lors qu’être écarté ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION CFDT DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du Conseil général de la Banque de France du 6 juillet 2001 aménageant pour une période limitée certaines règles relatives au temps de travail des personnels concourant à l’exécution des opérations liées à la mise en circulation des billets de banque et des pièces métalliques ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Banque de France, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la FEDERATION CFDT DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES la somme qu’elle demande pour les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la fédération requérante à verser à la Banque de France la somme de 3 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la FEDERATION CFDT DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES est rejetée.
Article 2 : La FEDERATION CFDT DES SYNDICATS DE BANQUES ET SOCIETIES FINANCIERES est condamnée à verser à la Banque de France la somme de 3 000 euros sur fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article : 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION C.F.D.T. DES SYNDICAT DE BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES, à la Banque de France et au ministre l’économie, des finances et de l’industrie.