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Conseil d’Etat, 12 février 2003, n° 235869, M. Louis F.

Le recours éventuel devant l’inspecteur du travail, sur le fondement des dispositions de l’article L. 241-10-1 du code du travail, est ouvert à l’employeur ou au salarié en cas de désaccord avec le médecin du travail lorsqu’il apprécie, au terme de l’examen médical mentionné à l’article R. 241-51 du même code, l’aptitude du salarié à reprendre un emploi approprié en application de l’article L. 122-32-5 de ce code.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 235869

M. F.

M. Eoche-Duval
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 15 janvier 2003
Lecture du 12 février 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistres les 11 juillet et 12 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Louis F. ; M. F. demande au Conseil d’Etat

1°) d’annuler l’arrêt du 17 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du 10 avril 1997 du tribunal administratif de Rennes ainsi que la décision du 6 décembre 1994 de l’inspecteur du travail de Saint-Brieuc relative à son aptitude professionnelle ;

2°) statuant au fond, de rejeter la requête d’appel de la société Fixarmor ;

3°) condamner la société SA Fixarmor à lui verser une somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. F. et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Fixarmor,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d’une part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 122-32-5 du code du travail, inséré dans une section relative aux " règles particulières aux salariés victimes d’un accident ou d’une maladie professionnelle " du titre deuxième du livre premier du code du travail relatif au " contrat de travail " : " Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l’issue des périodes de suspension, l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de verser à l’intéressé, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail " ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L.241-10-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, inséré dans un titre quatrième " médecine du travail" du livre deuxième : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé des travailleurs./ Le chef d’entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite./ En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l’inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail " ; qu’enfin, en vertu de l’article R. 241-51 de ce même code, pris en application des dispositions législatives insérées au titre quatrième du livre deuxième, les salariés bénéficient d’un examen par le médecin du travail après une absence, notamment, pour cause de maladie professionnelle ou après une absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail, et que l’examen dont s’agit a pour seul objet d’apprécier l’aptitude de l’intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation du salarié ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées, sans qu’il y ait lieu de recourir aux travaux préparatoires de la loi, que le recours éventuel devant l’inspecteur du travail, sur le fondement des dispositions de l’article L. 241-10-1 du code du travail, est ouvert à l’employeur ou au salarié en cas de désaccord avec le médecin du travail lorsqu’il apprécie, au terme de l’examen médical mentionné à l’article R. 241-51 du même code, l’aptitude du salarié à reprendre un emploi approprié en application de l’article L. 122-32-5 de ce code ; que, par suite, en déduisant des dispositions précitées, " éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 7 janvier 1981 " dont est issu l’article L. 122-32-5 du code du travail, qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne donne compétence au service de l’inspection du travail pour se prononcer sur l’aptitude d’un salarié auquel a été proposé un poste de reclassement conforme à l’avis du médecin du travail dans le cadre des dispositions de l’article L. 122-32-5, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ;

Considérant qu’il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Sur la légalité externe :

Considérant que si la décision attaquée, en date du 6 décembre 1994, par laquelle l’inspecteur du travail a déclaré M. F. inapte à occuper un poste d’agent de nettoyage mentionne la date du " 9 septembre 1994 " au lieu du 7 septembre pour la décision du médecin du travail constatant l’aptitude de M. F. à occuper l’emploi qui lui était proposé, et vise par erreur l’article " L. 241-11-1 " du code du travail au lieu de l’article L. 241-10-1, ces circonstances sont sans influence sur la légalité de la décision ; que si la société requérante fait valoir que l’avis du médecin-inspecteur du travail en date du 14 novembre 1994 confirmé le 2 décembre 1994 serait entaché de contradiction, l’autorité administrative a pu légalement prendre sa décision au vu de cet avis à caractère purement consultatif ;

Sur la légalité interne :

Considérant que si la société requérante soutient que les dispositions de l’article L. 241-10-1 du code du travail ne trouvaient pas à s’appliquer dans le cadre des pouvoirs que le médecin du travail tient de l’article L. 122-32-5 de ce même code, et, qu’en tout état de cause, seul l’employeur peut saisir l’inspecteur du travail sur le fondement de cet article L. 241-10-1, il résulte de ce qui a été dit plus haut que ce moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

Considérant que si la société SA Fixarmor fait valoir, après avoir soutenu qu’elle avait agi sur le fondement de l’article L. 122-32-5 du code du travail applicable dans le cas de maladie professionnelle, que, par un arrêt en date du 31 mars 1999, la cour d’appel de Rennes a jugé que la maladie dont souffre M. F. n’est pas d’origine professionnelle, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, légalement fondée sur l’article L. 241-10-1 du code du travail qui s’applique également dans les hypothèses, couvertes par l’article L. 122-24-4 du même code, d’accident ou de maladie non professionnelle ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Fixarmor n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement du 10 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 6 décembre 1994 de l’inspecteur du travail ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner la société Fixarmor à payer à M. F. une somme de 2 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que M. F., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société Fixarmor la somme demandée par celle-ci au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 17 mai 2001 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé.

Article 2 : La requête de la société Fixarmor présentée devant la cour administrative d’appel de Nantes est rejetée.

Article 3 : La société Fixarmor est condamnée à payer à M. F. la somme de 2 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Fixarmor tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Louis F., à la société Fixarmor au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

 


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