CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 227868
CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE
M. J.Boucher
Rapporteur
M. Piveteau
Commissaire du gouvernement
Séance du 11 septembre 2002
Lecture du 2 octobre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2000 et 6 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE, dont le siège est 53, rue Stanislas à Nancy Cedex (54092) ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule l’arrêt du 28 septembre 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy, réformant le jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 novembre 1996, l’a condamnée à verser une somme de 10 000 F en réparation du préjudice subi par Mme F. du fait du refus qui lui a été opposé par la chambre d’engager la procédure de licenciement à son endroit pour inaptitude physique ;
2°) condamne Mme F. à lui verser la somme de 20 000 F en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique
le rapport de M. J.Boucher, Auditeur,
les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de Mme F.,
les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’en vertu de l’article 1er de la loi du 10 décembre 1952, la situation du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie "est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées... par le ministre de tutelle" ; qu’aux termes de l’article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie adopté en application de ces dispositions législatives : "La cessation de fonction de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : (...) 3°) par licenciement pour inaptitude physique, après avis d’un comité médical qui doit être désigné par la commission paritaire compétente (...)" ;
Considérant qu’il résulte d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l’employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé, son licenciement ; que l’application combinée de ce principe général du droit et de l’article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie implique que la chambre a l’obligation, en cas d’inaptitude d’un agent, d’engager la procédure prévue au 3° de cet article en saisissant le comité médical pour que celui-ci se prononce sur l’inaptitude physique de l’intéressé et sur le caractère définitif de celle-ci ; que, dans le cas où l’inaptitude s’avère définitive, il appartient à la chambre de chercher à reclasser l’agent concerné au sein de l’établissement et, si ce reclassement est impossible, de prononcer son licenciement, avec les conséquences de droit nécessaires et notamment le versement des indemnités prévues à l’article 34 du statut ; que ce motif de pur droit exclusif de toute appréciation de fait doit être substitué au motif erroné en droit de l’arrêt attaqué, lequel est suffisamment motivé, dont il justifie légalement le dispositif ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué par lequel la cour administrative d’appel de Nancy l’a condamnée à verser 10 000 F à Mme F. ;
Sur les conclusions de Mme F. à fins d’injonction et d’astreinte :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution" ; qu’aux termes de l’article L. 911-3 du même code : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte qu’elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet" ;
Considérant que Mme F. demande qu’il soit enjoint à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE de mettre en oeuvre la procédure de licenciement pour inaptitude physique prévue à l’article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie, sous une astreinte de 2 000 F par jour de retard, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision ;
Considérant que la présente décision implique nécessairement que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE saisisse le comité médical désigné par la commission paritaire compétente de l’état de santé de Mme F. au regard de son emploi, en application de l’article 33 du statut des personnels administratifs des chambres de commerce et d’industrie ; qu’il y a lieu d’enjoindre à la chambre de saisir ce comité médical ; que, compte tenu des circonstances de l’affaire, il y a lieu de prévoir, à défaut pour la chambre de justifier de cette saisine dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 100 euros par jour jusqu’à la date à laquelle le comité médical aura été saisi ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme F., qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE, la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE à payer à Mme Fardouet la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTHE-ET-MOSELLE est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTHE-ET-MOSELLE de saisir le comité médical de l’état de santé de Mme F. en application des dispositions de l’article 33 du statut des personnels administratifs des chambres de commerce et d’industrie. I
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l’encontre de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE, si elle ne justifie pas avoir, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, exécuté la présente décision en saisissant le comité médical du cas de Mme F.. Le montant de cette astreinte est fixé à 100 euros par-jour, à compter de l’expiration du délai d’un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : La CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET MOSELLE communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.
Article 5 : La chambre de commerce et d’industrie versera à Mme F. une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F. est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MEURTRE-ET-MOSELLE, à Mme F., au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.