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Conseil d’Etat, 12 juillet 2002, n° 239083, Elections municipales de Champigny-sur-Marne et autres

Les dispositions combinées des articles L. 260, L. 268 et L. 66 du Code électoral ont seulement pour objet d’entraîner la nullité des votes des électeurs qui auraient apporté des modifications, par voie de panachage, de vote préférentiel, d’adjonction ou de suppression de noms ou de tout autre procédé, aux listes proposées à leur choix. Elles n’ont pas pour effet de rendre nuls les suffrages des électeurs qui auraient émis un vote contenant une désignation suffisante de cette liste.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

Nos 239083,239148,239175,239197, 239247

Elections municipales de Champigny-sur-Marne et autres

M. Struillou, Rapporteur

Mme Roul, Commissaire du gouvernement

Séance du 21 juin 2002

Lecture du 12 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 239083, la requête, enregistrée le 17 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Yves FUCHS et pour l’association FORUM DES BOUCLES DE LA MARNE, dont le siège est BP 305 à Champigny (94503 Cedex), représentée par ses représentants légaux ; M. FUCHS et l’association FORUM DES BOUCLES DE LA MARNE demandent que le Conseil d’Etat :

1°) annule le jugement en date du 13 septembre 2001 du tribunal administratif de Melun en tant que ce dernier a rejeté leurs conclusions tendant à l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 pour l’élection des conseillers municipaux de la commune de Champigny-sur-Marne ;

2°) annule les opérations électorales organisées le 11 mars 2001 ;

3°) condamne M. Bargero à leur verser à chacun d’entre eux la somme de 20 000 F sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 239148, la requête, enregistrée le 18 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Jacques REINHARDT ; M. REINHARDT demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule le même jugement en date du 13 septembre 2001 du tribunal administratif de Melun en tant que ce dernier a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 pour l’élection des conseillers municipaux de la commune de Champigny-sur-Marne ;

2°) annule les opérations électorales organisées le 11 mars 2001 ;

3°) ordonne qu’en application de l’article L. 118-1 du code électoral la présidence des bureaux de vote soit assurée par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance lors de l’élection devant être organisée à la suite de l’annulation demandée ;

Vu 3°), sous le n° 239175, la requête, enregistrée le 19 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Philippe VALETTE ; M. VALETTE demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule le même jugement en date du 13 septembre 2001 du tribunal administratif en tant qu’il n’a pas annulé les opérations électorales organisées le 11 mars 2001 ;

2°) annule ces opérations ;

3°) ordonne qu’en application de l’article L. 118-1 du code électoral la présidence des bureaux de vote soit assurée par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance lors de l’élection devant être organisée à la suite de l’annulation demandée ;

Vu 4°), sous le n° 239197, la requête, enregistrée le 19 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE que le Conseil d’Etat annule le même jugement en date du 13 septembre 2001 du tribunal administratif de Melun ;

Vu 5°), sous le n° 239247, la requête présentée pour M. BARGERO et ses colistiers ; M. BARGERO et ses colistiers demandent que le Conseil d’Etat :

1°) annule le même jugement en date du 13 septembre 2001 du tribunal administratif de Melun ;

2°) condamne MM. Fuchs et Derouineau à leur verser la somme de 25 000 F en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. FUCHS et de l’ASSOCIATION FORUM DES BOUCLES DE LA MARNE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Bargero,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 239083, 239148, 239175, 239197 et 239247 sont dirigées contre le même jugement du 13 septembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Melun a statué sur les protestations dont il était saisi concernant les opérations électorales organisées le 11 mars 2001 dans la commune de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) en vue de la désignation des membres du conseil municipal de cette commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur l’élection des conseillers municipaux de la commune de Champigny-sur-Marne :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes :

En ce qui concerne la validité des bulletins dits de la "première série" de la liste "Osons Champigny" :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 260 du code électoral : "Les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de la présentation" ; qu’aux termes de l’article L. 268 : "Est nul tout bulletin qui ne répond pas aux conditions de l’article L. 260" ; qu’enfin selon l’article L. 66 : "Les bulletins (...) ne comportant pas une mention suffisante n’entrent pas en ligne de compte dans le résultat du dépouillement" ; que ces dispositions combinées ont seulement pour objet d’entraîner la nullité des votes des électeurs qui auraient apporté des modifications, par voie de panachage, de vote préférentiel, d’adjonction ou de suppression de noms ou de tout autre procédé, aux listes proposées à leur choix ; qu’elles n’ont pas pour effet de rendre nuls les suffrages des électeurs qui auraient émis un vote contenant une désignation suffisante de cette liste ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la liste conduite par M. FUCHS, intitulée "Osons Champigny", régulièrement enregistrée, comportait autant de candidats que de sièges à pourvoir soit 49 noms ; qu’elle a été portée à la connaissance des électeurs, notamment par voie d’affichage ; que s’il est constant que les bulletins dits de la "première série" de cette liste, mis à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote durant les premières heures du scrutin, ne comportaient pas l’indication du nom et du prénom du 26ème candidat en raison d’une erreur matérielle d’impression, il ne résulte pas de l’instruction que cette omission aurait fait obstacle à l’identification de la liste, laquelle, en application des dispositions rappelées ci-dessus, ne pouvait comporter ni adjonction, ni suppression de noms et dont l’ordre de présentation ne pouvait être modifié ; que, dans ces conditions, les électeurs ayant utilisé ces bulletins doivent être regardés comme ayant émis un vote contenant une désignation suffisante des candidats conformément aux prescriptions de l’article L. 66 du code électoral et comme ayant clairement manifesté leur intention de voter pour les candidats de cette liste ; que, par suite, le tribunal administratif de Melun était fondé, par le jugement attaqué, à juger que 822 bulletins de vote de la liste "Osons Champigny" de cette "première série" avaient été à tort décomptés comme nuls par les trente six bureaux de vote institués dans la commune et à ajouter ces bulletins au nombre de suffrages exprimés ainsi qu’au nombre de voix obtenues par cette liste ;

En ce qui concerne la validité des bulletins dits de la "seconde série" de la liste "Osons Champigny" :

Considérant qu’aux termes de l’article L.O. 247-1 du code électoral : "(...) les bulletins de vote imprimés distribués aux électeurs comportent, à peine de nullité, en regard du nom des candidats ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France, l’indication de sa nationalité" ; que ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que la mention de la nationalité du candidat aux élections municipales ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France est nécessaire à l’information des électeurs, les dispositions de l’article L.O. 2122-4-1 du code général des collectivités territoriales et de l’article L.O. 286-1 du code électoral faisant respectivement obstacle à ce que les conseillers municipaux n’ayant pas la nationalité française puissent exercer des fonctions de maire ou d’adjoint au maire et participer à l’élection des sénateurs ; qu’il résulte des termes mêmes de l’article L.O. 247-1 que l’omission de l’indication de la nationalité sur les bulletins de vote des candidats ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France entache, à elle seule, ces bulletins de nullité ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au cours des opérations électorales organisées le 11 mars 2001 il a été procédé au remplacement par le responsable de la liste "Osons Champigny" des bulletins de vote "de la première série" par de nouveaux bulletins dits de la "seconde série" ; qu’il est constant que ces bulletins ne mentionnaient pas la nationalité de l’un des candidats figurant sur cette liste et qui était ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France ; qu’en application des dispositions précitées, ces bulletins étaient nuls ;

Considérant que cette nullité a affecté, outre 535 bulletins comptabilisés comme nuls par vingt-quatre des trente-six bureaux de vote de la commune, plus de 200 bulletins affectés de la même irrégularité comptabilisés comme valablement exprimés par les douze autres bureaux de vote ; que, compte tenu du nombre des électeurs qui n’ont pas été ainsi en mesure d’exprimer valablement leur suffrage pour la liste conduite par M. FUCHS, cette irrégularité entraîne une incertitude tant pour le calcul de la majorité absolue des suffrages exprimés que pour le décompte des voix obtenues par les listes en présence ; qu’ainsi le juge de l’élection est dans l’impossibilité de rectifier les résultats du scrutin ; que c’est dès lors à tort que le tribunal administratif de Melun a rectifié les résultats des opérations électorales ; que celles-ci doivent être annulées dans leur ensemble ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal a annulé l’élection organisée le 17 mars 2001 du maire et de ses adjoints :

Considérant qu’il y a lieu, par voie de conséquence de l’annulation des opérations électorales du 11 mars 2001, de confirmer l’annulation prononcée par le tribunal administratif de l’élection du maire de la commune de Champigny-sur-Marne et de ses adjoints organisée le 17 mars 2001 ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d’Etat fasse usage des dispositions de l’article L. 118-1 du code électoral :

Considérant qu’en l’absence de fraude avérée, il n’y a pas lieu de décider que la présidence d’un ou plusieurs bureaux de vote sera assurée par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance lors de l’élection consécutive à la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ni MM. REINHARDT et FUCHS, ni l’Etat ne peuvent être regardés comme les parties perdantes dans la présente instance ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu’ils soient condamnés sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. BARGERO à verser à M. FUCHS et à l’association FORUM DES BOUCLES DE LA MARNE les sommes qu’ils demandent aux titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Melun du 13 septembre 2001 est annulé.

Article 2 : Les opérations électorales organisées le 11 mars 2001 dans la commune de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) pour la désignation des conseillers municipaux sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par M. FUCHS, par l’association FORUM DES BOUCLES DE LA MARNE, par M. REINHARDT, par M. BARGERO et par le PREFET DU VAL-DE-MARNE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis BARGERO, à M. Yves FUCHS, à l’association FORUM DES BOUCLES DE LA MARNE, à M. Jacques REINHARDT, à M. Philippe VALETTE, au PREFET DU VAL-DE-MARNE et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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