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En privilégiant, sur la fréquence 98 MHZ, un service thématique à vocation nationale ciblé sur une population particulière de préférence à une radio associative remplissant une mission locale de proximité, le Conseil Supérieur de l’audiovisuel a, dans les circonstances particulières de l’espèce, méconnu les critères dont l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 lui prescrivent de tenir compte, en particulier celui de la sauvegarde des courants d’expression socioculturels et des services accomplissant une mission de communication sociale de proximité et favorisant les échanges entre les groupes sociaux et culturels.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 313513

ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE

M. Olivier Rousselle
Rapporteur

M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement

Séance du 27 juin 2008
Lecture du 11 juillet 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE, dont le siège est 15 allée Léon Gambetta B.P. 2129 à Marseille (13205) ; l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision en date du 5 février 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a refusé de l’autoriser à exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le ressort du comité technique radiophonique de Marseille ;

2°) d’annuler la décision n° 2008-18 du 5 février 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé la SARL Groupe Norsucom à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé " France Maghreb 2 " ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et du Conseil supérieur de l’audiovisuel la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 juin 2008, présentée pour l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 juillet 2008, présentée par " France Maghreb 2 " ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d’Etat

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de L’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE est dirigée, d’une part, contre le refus opposé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 5 février 2008 à la demande qu’elle avait présentée, à la suite de l’appel aux candidatures lancé par le Conseil le 27 mars 2007 en vue d’être autorisée à exploiter un service de radio de catégorie A (service associatif) par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le ressort du comité technique radiophonique de Marseille et, d’autre part, contre la décision en date du 5 février 2008 autorisant, dans ce même ressort, sur la fréquence 98 MHz, la SARL Groupe Norsucom à exploiter un service de radio en catégorie D par voie hertzienne, intitulé " France Maghreb 2 " ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 5 février 2008, rejetant la candidature de l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE :

Sur les conclusions présentées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à fin de non lieu à statuer sur la requête en tant qu’elle est dirigée contre le refus du 5 février 2008 :

Considérant que la circonstance que postérieurement à l’introduction de la requête, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la suite d’une décision du juge des référés du Conseil d’Etat en date du 14 mars 2008 ordonnant la suspension de la décision par laquelle le Conseil avait rejeté la candidature de l’association requérante et lui enjoignant de réexaminer celle ci, ait par une décision du 9 avril 2008, procédé à un réexamen des demandes d’autorisation dans la zone et confirmé les choix qu’il avait arrêtés le 5 février, n’a pas pour effet de priver d’objet les conclusions de la requête dirigées contre la décision de refus du 5 février 2008 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l’article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée, relative à la liberté de communication, fixe les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel délivre les autorisations d’usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre ; que cet article dispose notamment que : " Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : 1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service (.) ; / Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. / Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part (.) " ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, à l’issue de l’appel à candidatures dans la zone de Marseille, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé six radios en catégorie A ; que ses choix se sont portés sur Radio Galère " service local à caractère culturel et social ", Radio Grenouille " destinée en partie à un public d’étudiants ", Dialogue " radio de proximité à dominante religieuse ", Radio JM " qui s’adresse principalement à la communauté juive ", Radio Culture Outre Mer " qui s’adresse aux auditeurs originaires des départements d’outre-mer " et Radio Soleil ; que pour rejeter la candidature de " Radio Gazelle ", qui en vertu d’autorisations plusieurs fois renouvelées ou prorogées exploitait depuis 1981 un service de radio sur la fréquence 98 MHz dans la zone de Marseille, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est fondé, dans la décision contestée du 5 février 2008, sur ce que " la ressource en fréquences dans la zone de Marseille étant importante, il était en mesure de retenir des services s’adressant spécifiquement à la communauté maghrébine plutôt que " Radio Gazelle " qui par son axe pluricommunautaire s’adresse au public sans répondre plus particulièrement aux attentes de l’importante communauté franco-maghrébine résidant à Marseille " ; qu’il a en conséquence " autorisé des services ciblés " et à ce titre retenu la candidature de Radio Soleil " radio thématique destinée aux auditeurs originaires d’Afrique du Sud " et, selon les termes mêmes de sa décision, autorisé " en complément, en catégorie D, " France Maghreb 2 " radio thématique communautaire franco-maghrébine " ;

Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que dans la zone considérée, où le nombre total de fréquences attribuées à l’issue de l’appel à candidatures a augmenté de 4 unités le nombre de radios à caractère associatif autorisées (catégorie A) a été ramené de 8 à 6 tandis que celui des services thématiques à vocation nationale (catégorie D) était porté de 4 à 8, ceux des services de catégorie B et de catégorie E de 2 à 3 ; qu’en réduisant ainsi significativement la part des services édités par des associations et en multipliant par deux celle des services thématiques nationaux, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, a, compte tenu des caractéristiques particulières de la zone, méconnu les dispositions de l’article 29 de la loi qui lui prescrivent de veiller à un juste équilibre entre réseaux nationaux et services locaux, régionaux, thématiques indépendants et à ce que des ressources suffisantes en fréquences soient réservées à des services accomplissant une mission sociale de proximité ; que, d’autre part, en se fondant, pour rejeter la candidature de " Radio Gazelle " sur la préférence qu’il souhaitait donner aux services de formats spécifiques, s’adressant à un public communautaire ciblé, plutôt que des services qui, par leur axe pluricommunautaire, s’adressent à un large public sans répondre plus particulièrement aux attentes de chacune des communautés auxquelles ils s’adressent et en lui opposant que la ressource en fréquences dans la zone de Marseille étant importante, il était en mesure de retenir des services s’adressant spécifiquement à la communauté maghrébine, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des critères dont l’article 29 de la loi lui prescrit de tenir compte pour départager les candidats à l’exploitation d’une fréquence, en particulier celui de la sauvegarde des courants d’expression socioculturels et des services favorisant les échanges entre les groupes sociaux et culturels ; qu’il s’ensuit que l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE est fondée à demander l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 5 février 2008 rejetant sa candidature à l’exploitation d’un service de radiodiffusion par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le ressort du comité technique de Marseille ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 5 février 2008 autorisant la SARL Groupe Norsucom à exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé " France Maghreb 2 " dans le ressort du comité technique radiophonique de Marseille :

Sur la fin de non recevoir opposée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel :

Considérant que le moyen tiré de ce que les conclusions de la requête ne seraient assorties d’aucun moyen dirigé contre l’autorisation accordée à la SARL Groupe Norsucom et ne seraient par suite pas recevables, manque en fait ;

Sur la légalité de la décision :

Considérant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, après avoir comme il a été dit ci-dessus, diminué de 8 à 6 le nombre de fréquences allouées en catégorie A et doublé celui des fréquences à attribuer en catégorie D, a autorisé " France Maghreb 2 " à exploiter sur la fréquence antérieurement attribuée à " Radio Gazelle ", un service " communautaire généraliste, laïque, à destination des franco-maghrébins de toutes générations " ; que ce service propose essentiellement des programmes de musique orientale et des émissions d’informations achetées à l’extérieur ; que pour justifier sa décision le Conseil supérieur de l’audiovisuel a indiqué que la ressource en fréquences dans la zone de Marseille le mettait en mesure de retenir des " services ciblés sur la communauté franco-maghrébine ", alors qu’il avait écarté la candidature de la requérante en raison de son " axe pluricommunautaire " ; qu’ainsi en privilégiant, sur la fréquence 98 MHZ, un service thématique à vocation nationale ciblé sur une population particulière de préférence à une radio associative remplissant une mission locale de proximité, le Conseil Supérieur de l’audiovisuel a, dans les circonstances particulières de l’espèce, méconnu les critères dont l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 lui prescrivent de tenir compte, en particulier celui de la sauvegarde des courants d’expression socioculturels et des services accomplissant une mission de communication sociale de proximité et favorisant les échanges entre les groupes sociaux et culturels ; qu’il y a lieu pour ce motif d’annuler l’autorisation délivrée à la SARL Groupe Norsucom ;

Sur les conclusions tendant à l’application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution " ; que, à la suite de l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel autorisant " France-Maghreb 2 " à exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre sur la fréquence 98 MHz et de celle rejetant la candidature de " Radio Gazelle ", il incombe au Conseil supérieur de l’audiovisuel de réattribuer cette fréquence en réexaminant l’ensemble des candidatures présentées dans le ressort du comité technique radiophonique de Marseille à la suite de l’appel à candidatures lancé le 27 mars 2007 et qu’il n’a pas retenues aux termes de ses décisions du 5 février 2008 ; qu’il a lieu d’enjoindre au Conseil supérieur de l’audiovisuel sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative de procéder à cette réattribution dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du Conseil supérieur de l’audiovisuel une somme de 4000 euros au titre des frais exposés par l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de cette association, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SARL Norsucom à ce titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 5 février 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a refusé à l’ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE l’autorisation d’exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le ressort du comité technique radiophonique de Marseille et la décision du 5 février 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé la SARL Groupe Norsucom à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé " France Maghreb 2 " dans cette zone sont annulées.

 


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