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Cour administrative d’appel de Marseille, 30 septembre 2003, n° 99MA01627, René T.

Aux termes de l’article L.412-49 du code des communes dans sa version applicable à l’espèce, "les agents de la police municipale nommés par le maire doivent être agréés par le procureur de la république". Cet agrément a pour objet de vérifier que l’intéressé présente les garanties d’honorabilité requises pour occuper l’emploi de l’administration communale auquel il a été nommé.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 99MA01627, 99MA01705

M. René T.

M. LAPORTE
Président

Mme FERNANDEZ
Rapporteur

M. BOCQUET
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 30 septembre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

(2ème chambre)

1°) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 18 août 1999 sous le n°99MA01627, présentée pour M. René T., par Me GAULMIN, avocat ;

M. T. demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement en date du 11 mai 1999 du Tribunal administratif de Nice en tant qu’il a annulé, à la demande de la commune de Rocbaron, l’avis du 15 octobre 1998 du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’azur estimant qu’aucune sanction disciplinaire ne devait être prise à son encontre et a rejeté, sa propre demande, tendant à sa réintégration dans ses fonctions de policier municipal et à la reconstitution de sa carrière ;

2°/ de rejeter la demande de la commune de Rocbaron tendant à l’annulation de l’avis du 15 octobre 1998 du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’azur estimant qu’aucune sanction disciplinaire ne devait être prise à son encontre ;

3°/ de prononcer toute mesure nécessaire à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière sur le fondement de l’article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

4°/ de condamner la commune de Rocbaron à lui verser la somme de 10.000 F ( 1.524,49 euros) au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Il soutient :

- que la demande de la commune de Rocbaron devant le tribunal administratif était irrecevable dès lors que le maire de celle-ci n’était pas régulièrement habilité pour ester en justice par le conseil municipal ;

- que contrairement à ce qu’a estimé le jugement attaqué, aucun des manquements dont il lui est fait grief par la commune n’est établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 18 décembre 2000 présenté pour la commune de Rocbaron, représentée par son maire en exercice, par Me MSELLATI, avocat ;

La commune demande à la Cour de rejeter la requête et de condamner M. T. à lui verser la somme de 10.000 F (1.524,49 euros) au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Elle soutient :

- que M. T. a commis de nombreux manquements à son obligation de réserve et des incorrections caractérisées à l’égard de ses supérieurs et des administrés ;

- qu’il a fait preuve d’indiscipline et de rétention d’information ;

- qu’il a recueilli des informations sur les administrés communaux et a commis des infractions à la loi du 6 janvier 1978 en constituant un fichier de personnes ;

- qu’il a volontairement trompé l’autorité territoriale dès lors qu’à sa prise de fonction sur la commune, il a tu son passé professionnel notamment eu égard au fait qu’il avait été condamné pour constitution illicite d’un fichier informatique et d’un retrait d’agrément ;

- qu’il n’a pas non plus indiqué qu’un contentieux était pendant devant un tribunal administratif du fait d’un recours d’un syndicat de policiers municipaux contre sa mutation de la Tremblade Ronces les Bains à Vichy malgré son retrait d’agrément par le procureur de la République ;

- qu’il continue à dénigrer le maire et la municipalité ;

- que l’arrêté mettant fin aux fonctions de M. T. se fonde sur le retrait d’agrément ;

2°) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 18 août 1999 sous le n°99MA01705, présentée pour M. René T., demeurant chemin Saint Sauveur Rocbaron (83136), par Me GAULMIN, avocat ;

M. T. demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement en date du 11 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant d’une part, à l’annulation de la décision en date du 28 mai 1997 du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Draguignan lui retirant son agrément en qualité de policier municipal et de l’arrêté en date du 11 juin 1997 du maire de la commune de Rocbaron mettant fin à ses fonctions de policier municipal par sa révocation et d’autre part, au prononcé de toute mesure nécessaire à sa réintégration dans ses fonctions de policier municipal et à la reconstitution de sa carrière ;

2°/ d’annuler la décision en date du 28 mai 1997 du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Draguignan lui retirant son agrément en qualité de policier municipal et l’arrêté en date du 11 juin 1997 du maire de la commune de Rocbaron mettant fin à ses fonctions de policier municipal par sa révocation ;

3°/ de prononcer toute mesure nécessaire à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière sur le fondement de l’article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

4°/ de condamner la commune de Rocbaron et l’Etat à lui verser la somme de 20.000 F (3.048,98 euros) au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Il soutient :

- que le maire de la commune de Rocbaron n’était pas régulièrement habilité pour ester en justice par le conseil municipal ;

- qu’en ce qui concerne le retrait d’agrément, celui-ci fait état d’une condamnation par le Tribunal correctionnel de Rochefort sur Mer alors que celle-ci a été amnistiée et dès lors encourt la nullité ;

- que les faits ayant justifié ce retrait ne sont pas établis ;

- que si l’avis du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne s’impose pas au juge, il convient de préciser que celui-ci a été pris après avoir entendu pendant plusieurs heures tant l’exposant que le maire de Rocbaron, ce qui en souligne la pertinence ;

- que le tribunal administratif a estimé à tort qu’il avait commis un manquement grave à l’honneur ;

- qu’en ce qui concerne la décision de révocation, le même tribunal a estimé à tort que le maire était en compétence liée et que dès lors tous les vices susceptibles d’affecter la procédure disciplinaire étaient sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;

- qu’il a ainsi commis une erreur de droit ;

- qu’en effet privé de son agrément, un policier municipal a la possibilité de poursuivre sa carrière dans la fonction publique territoriale grâce à un reclassement dans un autre cadre d’emploi ;

- que cette approche est confirmée par la version de l’article L.412-49 du code des communes issue de la loi n°99-291 du 15 avril 1999 et par l’article 25 de cette même loi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 20 octobre 1999 présenté par le Garde des Sceaux, ministre de la justice ;

Le ministre demande à la Cour de rejeter la requête et de condamner M. T. à lui verser la somme de 5.000 F (762,25 euros) au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Il soutient que l’agrément du procureur de la République des policiers municipaux nommés par le maire, prévu à l’article L.412-49 du code des communes, a pour objet de vérifier que les intéressés présentent les garanties d’honorabilité requises pour occuper leur emploi ; que M. T., sans contester le caractère manifestement attentatoire à l’honorabilité des griefs qui lui sont faits, en conteste la réalité et estime que le procureur de la république ne pouvait régulièrement prendre la décision de retrait litigieuse en considérant une condamnation amnistiée ; que d’une part, l’amnistie d’une condamnation ne fait pas disparaître les faits dans leur matérialité ; que d’autre part, il est établi que M. T. a refusé d’obéir aux directives de ses supérieurs, les a discrédités ; qu’il a tenu des propos diffamatoires à l’encontre du maire de Rocbaron ; qu’il a constitué illégalement un fichier informatique nominatif ; qu’il a eu des excès de comportement vis-à-vis des administrés ; que ces éléments justifient le retrait d’agrément ;

Vu le mémoire enregistré le 18 décembre 2000 présenté pour la commune de Rocbaron, représentée par son maire en exercice, par Me MSELLATI, avocat ;

La commune demande à la Cour de rejeter la requête et de condamner M. T. à lui verser la somme de 10.000 F (1524,49 euros) au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Elle soutient :

- que M. T. a commis de nombreux manquements à son obligation de réserve et des incorrections caractérisées à l’égard de ses supérieurs et des administrés ;

- qu’il a fait preuve d’indiscipline et de rétention d’information ;

- qu’il a recueilli des informations sur les administrés communaux et a commis des infractions à la loi du 6 janvier 1978 en constituant un fichier de personnes ;

- qu’il a volontairement trompé l’autorité territoriale dès lors qu’à sa prise de fonction sur la commune, il a tu son passé professionnel notamment eu égard au fait qu’il avait été condamné pour constitution illicite d’un fichier informatique et d’un retrait d’agrément ;

- qu’il n’a pas non plus indiqué qu’un contentieux était pendant devant un tribunal administratif du fait d’un recours d’un syndicat de policiers municipaux contre sa mutation de la Tremblade Ronces les Bains à Vichy malgré son retrait d’agrément par le procureur de la République ;

- qu’il continue à dénigrer le maire et la municipalité ;

- que l’arrêté mettant fin aux fonctions de M. T. se fonde sur le retrait d’agrément ;

Vu les autres pièces du dossier et notamment la décision en date du 20 mars 2000 par laquelle le bureau d’aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Marseille a accordé à M. T. l’aide juridictionnelle totale pour l’instance n°99MA01705 ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi 95-884 du 5 août 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Les parties ayant été informées, en application de l’article L.611-7 du code de justice administrative, que la décision relative à la requête n°99MA01627 paraissait susceptible d’être fondée sur le moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité de la demande de la commune de Rocbaron tendant à l’annulation de l’avis en date du 15 octobre 1998 par lequel le Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a estimé que M. T. ne justifiait pas d’une sanction disciplinaire ; qu’en effet le maire de la commune étant tenu de mettre fin aux fonctions de M. T. dès lors que celui-ci n’avait plus d’agrément du procureur de la république pour les exercer, l’arrêté municipal du 11 juin 1997 mettant fin aux fonctions de M. T. ne présentait pas un caractère disciplinaire et le Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur n’avait pas compétence pour examiner le recours dont il a été saisi par M. T. à la suite de l’arrêté en cause ; qu’il suit de là que l’avis du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne liait pas la commune et ne présente pas le caractère d’une décision faisant grief ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 septembre 2003 :
- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;
- les observations de M. T. ;
- les observations de Me GONTARD substituant Me MSELLATI pour la commune de Rocbaron ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que les requêtes n°99MA01627 et n°99MA01705 sont relatives à la situation d’un même agent public et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que M. T., brigadier chef aux services de la police municipale de la commune de Rocbaron a fait l’objet d’un retrait d’agrément le 28 mai 1997 par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Draguignan ; que le 11 juin 1997 le maire de la commune de Rocbaron a mis fin à ses fonctions ; que M. T. l’ayant saisi, le Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a estimé, par un avis du 15 octobre 1998, que la matérialité des faits reprochés à l’agent n’étant pas établie, il n’y avait pas lieu de lui infliger une sanction disciplinaire ; que par un premier jugement en date du 11 mai 1999, le Tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de M. T. tendant à l’annulation de la décision du procureur de la République lui retirant son agrément en qualité de policier municipal et de l’arrêté du maire de Rocbaron mettant fin à ses fonctions ; que par la requête n°99MA01705 M. T. conclut à ce qu’il soit fait droit à ses demandes ; que par un second jugement de la même date, le même tribunal administratif a annulé, à la demande de la commune de Rocbaron, l’avis du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ; que par la requête n°99MA01627 M. T. conclut à ce que la Cour rejette la demande d’annulation de l’avis du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur présentée par la commune de Rocbaron ; que dans les deux requêtes M. T. demande à la Cour d’enjoindre à la commune de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière ;

Sur la requête n°99MA01705 :

En ce qui concerne l’habilitation du maire de Rocbaron :

Considérant qu’aux termes de l’article L.316-1 du code des communes, dont les dispositions ont été reprises à l’article L.2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l’article L.122-20, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. " ; qu’aux termes de l’article L.122-20 du code des communes dont les dispositions ont été également reprises à l’article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou en partie et pour la durée de son mandat : (...) 16° D’intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ... " ; qu’il résulte de ces dispositions que le conseil municipal qui peut déléguer au maire pour la durée de son mandat la totalité des missions énumérées à l’article L.122-20 du code des communes (L.2122-22 du code général des collectivités territoriales), peut en particulier légalement donner au maire une délégation générale pour ester ou défendre en justice au nom de la commune pour la durée de son mandat ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 3 juillet 1995, le conseil municipal de Rocbaron a chargé le maire pour la durée de son mandat " de prendre les décisions prévues à l’article L.122-20 du code des communes " ; que la délibération du 17 août 1995 ne limite cette délégation que pour les compétences prévues aux 2°, 3° et 17° de l’article L.122-20 et ne concerne pas son 16° ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette délégation, bien qu’elle ne définit pas les cas dans lesquels le maire pourra agir ou défendre en justice, lui a donné qualité pour défendre au nom de la commune tant devant le Tribunal administratif de Nice que devant la présente Cour ;

Considérant qu’à supposer que par son moyen relatif au défaut d’habilitation du maire invoqué dans la présente requête, alors que la commune, tant en première instance qu’en appel, est défenderesse, M. T. ait entendu contester la qualité du maire à défendre au nom de la commune, il n’est pas fondé à soutenir que le jugement est irrégulier de ce fait ;

En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu’aux termes de l’article L.412-49 du code des communes dans sa version applicable à l’espèce : " Les agents de la police municipale nommés par le maire doivent être agréés par le procureur de la république. " ; que cet agrément a pour objet de vérifier que l’intéressé présente les garanties d’honorabilité requises pour occuper l’emploi de l’administration communale auquel il a été nommé ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. T. a, en dehors du cadre de ses attributions professionnelles, recherché et rassemblé des informations sur plusieurs habitants de la commune de Rocbaron et en particulier sur le maire de celle-ci ; qu’il a fait usage de ces renseignements pour porter, sans preuves sérieuses, devant des administrés et devant le procureur de la République, des accusations graves sur ledit maire ; qu’il a constitué un fichier informatique nominal des administrés de la commune illicitement ; qu’il a organisé de son propre chef des rondes de nuit sur la commune, durant lesquelles il était porteur de son arme personnelle, et a fait état devant des administrés de sa volonté d’organiser des commandos pour assurer une surveillance rapprochée de certains jeunes de la commune ; que bien que chapitré sur ce comportement par le procureur de la République et sa hiérarchie, laquelle lui a dûment rappelé les compétences limitées de la police municipale en matière de répression de la délinquance, il a continué à transgresser ses missions en intervenant seul, de nuit avec arme, sans directives de sa hiérarchie et sans avoir averti la brigade de gendarmerie compétente sur des lieux de tentatives d’effraction ; qu’il s’est plaint auprès de plusieurs administrés et lors de diverses réunions se tenant sur la commune, de ce que la municipalité l’empêchait de faire correctement son travail de répression de la délinquance ; qu’il a parallèlement propagé des rumeurs tendant à faire accroire que son supérieur hiérarchique immédiat, l’adjoint chargé de la sécurité dans la commune, cherchait à évincer le maire ; qu’enfin il a engagé des dépenses sur le budget de la commune, sans y être autorisé, pour acquérir des effets d’équipement et d’habillement de policier, n’entrant pas dans la composition réglementaire de la tenue et des matériels d’un policier de commune rurale ;

Considérant que ces faits, dont la matérialité est établie par des documents et témoignages et n’est pas sérieusement contestée, constituent des manquements graves aux obligations d’un policier municipal notamment eu égard à son devoir de réserve et à la probité et sont de nature à légalement justifier un retrait de l’agrément de M. T. ; que ce dernier ne peut utilement invoquer la circonstance que le procureur de la République a rappelée dans la décision dont s’agit des faits ayant donné lieu à sa condamnation pénale, quand bien même cette condamnation a été amnistiée ;

Considérant que dans la mesure où, ainsi qu’il a été jugé ci-dessus, le retrait d’agrément en qualité de membre de la police municipale de la commune de Rocbaron a été pris légalement par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Draguignan, le maire de Rocbaron était tenu d’en tirer les conséquences en mettant fin aux fonctions de M. T. ; que celui-ci ne peut utilement invoquer, à l’appui d’une demande tendant à l’annulation d’un arrêté du 11 juin 1997, les dispositions des articles 7 et 25 de la loi n°99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales pour soutenir que le maire pouvait le reclasser dans un autre cadre d’emploi de la fonction publique territoriale et ce alors qu’aucun texte applicable à l’espèce ne prévoyait un tel reclassement ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. T. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de la décision en date du 28 mai 1997 par laquelle le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Draguignan lui a retiré son agrément de policier municipal et de l’arrêté en date du 11 juin 1997 par lequel le maire de Rocbaron a mis fin à ses fonctions et a rejeté par voie de conséquence sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de Rocbaron de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ;

Sur la requête n°99MA01627 :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur l’habilitation du maire de Rocbaron à ester devant le tribunal administratif :

Considérant que par la décision en date du 28 mai 1997, prise légalement, ainsi qu’il a été jugé ci-dessus, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Draguignan a retiré l’agrément que M. T. avait obtenu lors de sa nomination en qualité de membre de la police municipale de la commune de Rocbaron nécessaire à l’exercice de ses fonctions en vertu des dispositions précitées de l’article L.412-49 du code des communes ; qu’en mettant fin, par son arrêté du 11 juin 1997, aux fonctions de policier municipal exercées par M. T., le maire de Rocbaron s’est borné, ainsi qu’il y était tenu, en application des dispositions de l’article L.412-49 applicable à la date de la décision litigieuse, à tirer les conséquences du retrait d’agrément ; qu’ainsi son arrêté, nonobstant des motifs surabondants tirés du comportement de M. T. et la procédure suivie, n’a pas eu le caractère d’une sanction ; que, dans ces conditions, si M. T., à la suite de son éviction, a introduit un recours devant le Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, cet organisme, auquel l’article 91 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale donne compétence pour examiner les recours formés par les fonctionnaires à l’encontre de sanctions qui leur ont été infligées, n’avait pas compétence pour examiner le recours dont l’a saisi M. T. à la suite de la décision du maire de Rocbaron mettant fin à ses fonctions ; qu’il suit de là que l’avis émis le 15 octobre 1998 par le Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne liait pas le maire de Rocbaron, et, par suite, ne présente pas le caractère d’une décision faisant grief ; qu’il y a lieu d’annuler le jugement en date du 11 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice n’a pas rejeté comme non recevable la demande de la commune de Rocbaron tendant à l’annulation de l’avis du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur dont s’agit ; que dès lors, les conclusions de M. T., présentées devant la Cour, tendant à ce que cette dernière enjoigne, en exécution du présent arrêt, à la commune de Rocbaron de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ne peuvent accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. T., dans la requête n°99MA01705, et par la commune de Rocbaron, dans la requête n°99MA01627, doivent dès lors être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la commune de Rocbaron et de l’Etat dans la requête n°99MA01705 ; que, dans la requête n°99MA01627, M. T. n’allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que d’autre part, l’avocat de M. T. n’a pas demandé la condamnation de l’Etat de lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu’il aurait réclamés de sa cliente si cette dernière n’avait pas bénéficié d’une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l’Etat au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 11 mai 1999, attaqué par la requête n°99MA01627, est annulé en tant qu’il annule l’avis du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en date du 15 octobre 1998.

Article 2 : La demande de la commune de Rocbaron devant le Tribunal administratif de Nice tendant à l’annulation de l’avis en date du 15 octobre 1998 du Conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. T. dans la requête n°99MA01627 est rejeté.

Article 4 : La requête n°99MA01705 de M. T. est rejetée.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Rocbaron présentées dans la requête n°99MA01627 et la requête N°99MA01705 et celles de l’Etat présentées dans la requête n°99MA01705 tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. T., à la commune de Rocbaron et au Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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