COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
N° 01BX02618
CENTRE NATIONAL DE LA CINEMATOGRAPHIE
M. Chavrier
Président Rapporteur
M. Rey
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 25 novembre 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
(2ème chambre)
Vu, enregistrés les 10 décembre 2001 et 15 mars 2002 au greffe de la cour, la requête et le mémoire ampliatif présentés pour le CENTRE NATIONAL DE LA CINEMATOGRAPHIE (CNC), dont le siège est 12 rue de Lubeck, 75016 Paris, représenté par son directeur général, par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ;
Le CNC demande à la cour :
1° d’annuler le jugement du 26 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision du 12 juillet 1994 et sa décision implicite résultant du silence gardé sur la demande d’autorisation d’exploitation dans le secteur non commercial présentée le 26 mars 1996 par la SARL Organisation des circuits cinématographiques privés (OCCP) ;
2° de rejeter les demandes de cette société ;
3° de condamner celle-ci à lui verser la somme de 2 738,84 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’industrie cinématographique ;
Vu le décret du 28 décembre 1946, modifié, portant règlement d’administration publique relatif aux modalités générales d’application du titre premier du code susvisé ;
Vu la décision réglementaire n° 12 du 2 mars 1978, modifiée, du centre national de la cinématographie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 octobre 2003 :
le rapport de M. Chavrier, président de chambre ;
les observations de Me Molinie de la SCP Piwnica-Molinie pour le CENTRE NATIONAL DE LA CINEMATOGRAPHIE ;
les observations de Me Bordier du cabinet d’avocat Bordier pour la la SARL OCCP ;
et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;
Sur l’appel principal :
En ce qui concerne la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant, en premier lieu, qu’en réponse à la lettre par laquelle la société OCCP lui a demandé si elle pouvait reprendre son activité dans le secteur non commercial du cinéma, le CENTRE NATIONAL DE LA CINEMATOGRAPHIE (CNC) a, le 12 juillet 1994, indiqué à ladite société qu’elle ne pouvait, eu égard aux conditions dans lesquelles elle exerçait cette activité, se prévaloir ni des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 16 de la décision réglementaire n° 12 du CNC ni de celles de l’article 15 du décret du 28 décembre 1946 en ce que lesdites dispositions font échapper à la réglementation des projections commerciales et du contrôle des recettes dont elles prévoient les modalités certaines séances telles que celles qui sont proposées gratuitement ; qu’eu égard aux conséquences pouvant en découler en ce qui concerne l’activité de la société OCCP, une telle réponse est constitutive d’une décision faisant grief à celle-ci et donc susceptible d’un recours pour excès de pouvoir ; que la demande de cette société, enregistrée le 9 septembre 1994 au greffe du tribunal administratif, qui tendait à l’annulation de cette décision, était donc recevable ;
Considérant, en second lieu, que la demande de la société OCPP enregistrée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 1996, qui est présentée comme un " recours pour illégalité d’un refus tacite d’autorisation " formé à la suite de l’absence de réponse du CNC à sa demande d’autorisation d’exploiter dans le secteur non commercial du cinéma en date du 26 mars 1996 et qui reprend l’argumentation développée par la société à l’appui de ses conclusions enregistrées le 9 septembre 1994, comporte l’exposé des conclusions et moyens exigé par l’article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, alors applicable ; que cette demande était donc également recevable ;
Sur la légalité des décisions litigieuses :
Considérant qu’en vertu de l’article 15 du décret précité du 28 décembre 1946, les séances de projections cinématographiques sont soumises à des modalités de contrôle des recettes imposant notamment aux directeurs de salles de délivrer aux spectateurs, comme titre de paiement de leurs places, des billets réglementaires portant la marque du CNC et de tenir un registre spécial d’exploitation comportant pour chaque programme les numéros de billets utilisés ; que ce même article prévoit, cependant, dans sa rédaction issue du décret n° 63-904 du 6 août 1963, que ces dispositions ne sont pas applicables à certaines catégories de séances, au nombre desquelles figurent les séances gratuites ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’activité de la société OCCP consiste en la programmation, dans le cadre de contrats conclus avec des personnes publiques ou privées, de séances de projection dont il n’est pas contesté qu’elles sont gratuites pour les spectateurs qui y assistent ; que de telles séances figurent au nombre de celles, énumérées au dernier paragraphe de l’article 15 précité, auxquelles ne sont pas applicables les modalités de contrôle des recettes prévues par cet article ; que, contrairement à ce que soutient le CNC, la gratuité de ces séances au sens des dispositions susmentionnées n’est pas remise en cause par la circonstance qu’OCCP soit constituée sous forme de société commerciale et perçoive de l’établissement dans lequel est organisée la projection une rémunération forfaitaire couvrant le prix de la location du film et les frais liés à l’organisation du spectacle ; que le centre requérant ne peut, à cet égard, opposer les dispositions de sa décision réglementaire n° 12, dont l’article 10 prévoit les conditions d’exercice, sous forme de sociétés commerciales, des entreprises qui exercent leur activité exclusivement dans le secteur non commercial, et dont l’article 16 fait échapper à son champ d’application les représentations publiques d’œuvres et de documents cinématographiques ou audiovisuels organisées accessoirement à une activité principale et proposées gratuitement, les séances dont s’agit étant précisément organisées à l’initiative de personnes publiques ou privées dont ce n’est pas l’activité principale et qui les proposent gratuitement à leurs membres ou à leurs pensionnaires ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le CNC n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux décisions par lesquelles il a refusé à la société OCPP le bénéfice des dispositions relatives au secteur non commercial de la cinématographie ;
Sur l’appel incident :
Considérant que la requête du CNC ne porte, dans ses écritures enregistrées avant l’expiration du délai d’appel, que sur le recours pour excès de pouvoir formé par la société OCCP ; que les conclusions indemnitaires présentées par celle-ci portent sur un litige distinct de celui soulevé par cette requête ; que, dès lors, de telles conclusions, formées par voie d’appel incident après l’expiration du délai d’appel, sont irrecevables ;
Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la société OCCP, qui n’est pas la partie perdante, soit condamnée à verser au CNC la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du CENTRE NATIONAL DE LA CINEMATOGRAPHIE et l’appel incident de la SARL Organisation des circuits cinématographiques privés sont rejetés.