CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 219093
SYNDICAT SOLIDAIRES-UNITAIRES-DEMOCRATIQUES-SUD DOUANES
M. J. Boucher
Rapporteur
M. Piveteau
Commissaire du gouvernement
Séance du 19 novembre 2003
Lecture du 10 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le SYNDICAT SOLIDAIRES-UNITAIRES-DEMOCRATIQUES-SUD DOUANES, dont le siège est 62, rue d’Aboukir à Paris (75002) ; le SYNDICAT SOLIDAIRES-UNITAIRES-DEMOCRATIQUES-SUD DOUANES demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 7 janvier 2000 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie relatif aux modalités de l’élection des représentants du personnel au conseil d’administration et aux commissions régionales de l’établissement public de la Masse des douanes ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 10 000 F (1524,49 euros) au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son préambule ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment son article 11 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, notamment son article 9 bis ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, notamment ses articles 14 et 15 ;
Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 modifié, notamment son article 12 ;
Vu le décret n° 97-1181 du 24 décembre 1997 modifié, notamment ses articles 13 et 21 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’ensemble de l’arrêté attaqué :
Considérant que, par arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 5 novembre 1999 publié au Journal officiel de la République française du 9 novembre, M. François Auvigne, directeur général des douanes et des droits indirects, a reçu délégation pour signer au nom du ministre tous actes, arrêtés, décisions ou conventions ; que, dès lors, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que M. Auvigne n’avait pas compétence pour signer l’arrêté attaqué au nom du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 12 du décret du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires, dans leur rédaction applicable à la date de publication de l’arrêté attaqué : "Les comités techniques paritaires connaissent dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 13 et 14 du présent décret des questions et des projets de textes relatifs : 1° Aux problèmes généraux d’organisation des administrations, établissements ou services ; 2° Aux conditions générales de fonctionnement des administrations et services (...)" ; que l’arrêté attaqué, qui fixe les conditions d’éligibilité et les modalités d’élection des représentants du personnel au conseil d’administration et aux commissions régionales de l’établissement public de la Masse des douanes, n’est relatif ni aux problèmes généraux d’organisation ni aux conditions générales de fonctionnement des administrations et services ; que, par suite, cet arrêté n’avait pas à être soumis à la consultation préalable d’un comité technique paritaire ; que le requérant n’est ainsi pas fondé à soutenir que l’arrêté attaqué serait entaché d’illégalité faute d’avoir fait l’objet d’une telle consultation ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Sur les conclusions dirigées contre les articles 6 et 7 de l’arrêté attaqué :
Sur le moyen tiré de l’incompétence du ministre :
Considérant qu’aux termes de l’article 13 du décret du 24 décembre 1997 portant statut de la Masse des douanes, le conseil d’administration de cet établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière et placé sous la tutelle du ministre chargé des douanes comprend, outre douze membres représentant l’administration, "douze représentants du personnel, élus pour trois ans, de la direction générale des douanes et droits indirects par collèges définis selon les catégories du statut général de la fonction publique de l’Etat et au scrutin de liste lorsqu’il y a plusieurs sièges à pourvoir. Leur mandat est renouvelable. Un arrêté du ministre chargé des douanes détermine les conditions de l’éligibilité et les modalités de l’élection. (...)" ; que l’article 21 du même décret renvoie dans des conditions identiques à un arrêté le soin de fixer les conditions de désignation des représentants du personnel membres des commissions régionales de l’établissement public ;
Considérant, d’une part, que les modalités d’élection des représentants du personnel au conseil d’administration et aux commissions régionales de l’établissement public de la Masse des douanes ne sauraient être regardées comme touchant à l’une des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires, dont les règles sont fixées par la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution ;
Considérant, d’autre part, que le ministre chargé des douanes a pu légalement se voir déléguer le pouvoir de déterminer par arrêté les conditions de l’éligibilité et les modalités de l’élection des représentants du personnel au conseil d’administration et aux commissions régionales de l’établissement public de la Masse des douanes par le décret du 24 décembre 1997, qui définit avec une précision suffisante la nature et l’objet des mesures devant ainsi être prises ; que le ministre pouvait, en vertu de cette délégation du pouvoir réglementaire, fixer les modalités de présentation des candidats aux élections précitées ; qu’en prévoyant, d’une part, que seules les organisations syndicales représentatives pourraient déposer une liste au premier tour de ces scrutins et que, pour le second tour, tout syndicat pourrait présenter une liste, et, d’autre part, que la représentativité des organisations syndicales serait appréciée au regard des critères fixés par les dispositions de l’article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l’article L. 133-2 du code du travail, le ministre n’a pas excédé la compétence réglementaire que lui avaient conférée les dispositions des articles 13 et 21 du décret du 24 décembre 1997 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie n’était pas compétent pour prendre les dispositions attaquées ;
Sur les moyens tirés de la violation du principe d’égalité, des droits des électeurs et des éligibles et de la liberté syndicale :
Considérant que le principe général d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, à la condition que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit ; que, les organisations syndicales qui sont représentatives au sens de l’article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 ou de l’article L. 133-2 du code du travail et celles qui ne le sont pas se trouvent dans des situations différentes ; que, dès lors, le ministre a pu, sans méconnaître le principe d’égalité, prévoir que la présentation des listes au premier tour du scrutin serait réservée aux seules organisations syndicales représentatives ; que ces dispositions ne méconnaissent les droits ni des électeurs, ni des éligibles et ne portent atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Considérant que, s’il résulte des stipulations de l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que toute personne a le droit de fonder avec d’autres un syndicat pour assurer la défense de ses intérêts, les dispositions des articles 6 et 7 de l’arrêté attaqué, qui se bornent à soumettre à une condition de représentativité syndicale la présentation des listes de candidatures aux élections des représentants du personnel au conseil d’administration de l’établissement public de la Masse des douanes, n’ont pas méconnu ces stipulations ;
Sur les conclusions dirigées contre l’article 16 de l’arrêté attaqué :
Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obstacle à ce que l’arrêté attaqué prévoie, dans son article 16, que le directeur régional - pour les commissions régionales - ou le directeur de l’établissement - pour le conseil d’administration -fixe la liste des organisations syndicales représentatives pouvant se présenter au premier tour de scrutin ;
Sur les conclusions dirigées contre l’article 2 de l’arrêté attaqué :
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que les agents de la catégorie C sont principalement concernés par la mission de l’établissement public de la Masse des douanes qui est de pourvoir au logement des agents des services déconcentrés de la direction générale des douanes et des droits indirects ; que, dès lors, en attribuant 9 sièges sur 12 au groupe des agents de la catégorie C alors qu’ils ne représentent que la moitié du personnel, le ministre n’a pas entaché son arrêté d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer au SYNDICAT SOLIDAIRES-UNITAIRES-DEMOCRATIQUES-SUD DOUANES la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du SYNDICAT SOLIDAIRES-UNITAIRES-DEMOCRATIQUES-SUD DOUANES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT SOLIDAIRES-UNITAIRES-DEMOCRATIQUES-SUD DOUANES, à l’établissement public de la Masse des douanes, et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.