CONSEIL D’ETAT
N° 246921
SOCIETE MAJ BLANCHISSERIES DE PANTIN
M. Bouchez, Rapporteur
M. Piveteau, Commissaire du gouvernement
Séance du 5 juillet 2002
Lecture du 29 juillet 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
Le Conseil d’Etat (Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu, enregistré le 14 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’arrêt du 25 avril 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE MAJ BLANCHISSERIES DE PANTIN tendant à l’annulation du jugement du 6 juillet 2001 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande de la société G.L.S.T., aux droits de laquelle elle vient, tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soit condamné à lui payer la somme de 92 977,89 F représentant le montant des factures correspondant aux prestations fournies par ladite société à ce centre, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Les dispositions de l’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, aux termes desquelles "les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs", s’appliquent-elles aux marchés passés en application du code des marchés publics dans la rédaction antérieure à celle que lui a donnée le décret no 2001-210 du 7 mars 2001 ?
2°) Ces dispositions s’appliquent-elles à tous les marchés entrant dans le champ d’application du code des marchés publics ou seulement à ceux qui ont été passés ou auraient dû être passés selon l’une des procédures organisées par ce code, en excluant ainsi les marchés passés sans formalités préalables ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, notamment son article 2 ;
Vu le code des marchés publics, ensemble le décret no 2001-210 du 7 mars 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Bouchez, Conseiller d’Etat,
les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
REND L’AVIS SUIVANT :
Aux termes des dispositions de l’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 : "Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. / Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi".
1°) Il résulte de ces dispositions, qui ont pour objet, en vue d’une bonne administration de la justice, d’éviter que le contentieux des marchés publics puisse être porté, selon le cas, devant l’un ou l’autre ordre de juridiction, que le législateur n’a pas entendu opérer une distinction entre les marchés conclus en application du code des marchés publics dans la rédaction que lui a donnée le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 et ceux qui ont été conclus en application de ce code dans sa rédaction antérieure et que seuls les litiges qui relevaient de la compétence du juge judiciaire avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et ont été portés devant lui avant cette date demeurent de sa compétence.
2°) Aux termes du premier alinéa du I de l’article 1er du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2001 : "Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l’article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (Y)". Aux termes de l’article 2 de ce même code : "I. - Les dispositions du présent code s’appliquent : / 1° Aux marchés conclus par l’Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ; / 2° Aux marchés conclus en vertu d’un mandat donné par une des personnes publiques mentionnées au 1o du présent article, sous réserve des adaptations éventuellement nécessaires auxquelles il est procédé par décret. / II. - Sauf dispositions contraires, les règles applicables à l’État le sont également à ceux de ses établissements publics auxquels s’appliquent les dispositions du présent code ; les règles applicables aux collectivités territoriales le sont également à leurs établissements publics".
Les marchés qui sont conclus sans formalités préalables après l’entrée en vigueur du décret du 7 mars 2001, alors qu’ils entrent dans le champ d’application du code des marchés publics tel qu’il est défini par ses articles 1er et 2 précités issus de ce décret, réserve étant faite des exceptions prévues aux articles 3 et 4, ne peuvent l’être que par l’application des dispositions du code qui l’autorisent. Ils sont donc passés en application du code des marchés publics, au même titre que les marchés pour la passation desquels le code impose le respect de règles de procédure. Ces marchés demeurent du reste soumis aux principes généraux posés aux deuxième et troisième alinéas du I de l’article 1er du code, selon lesquels "les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures" et "l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse". En revanche, l’article 2 précité de la loi du 11 décembre 2001 ne vise pas les marchés conclus à la seule initiative des cocontractants selon l’une des procédures prévues par le code des marchés publics, lorsque ces marchés n’entrent pas dans le champ d’application de ce code.
Pour les marchés conclus avant l’entrée en vigueur du décret du 7 mars 2001, le champ d’application de la règle fixée à l’article 2 précité de la loi du 11 décembre 2001 comprend les marchés qui étaient de nature à se voir appliquer les dispositions du code des marchés publics en vertu de dispositions particulières ou des règles jurisprudencielles applicables, y compris ceux qui échappaient aux règles de passation prévues par ce code du seul fait de leur montant.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d’appel de Lyon, à la SOCIETE M.A.J. BLANCHISSERIES DE PANTIN, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.