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19 octobre 2003

Le Conseil d’Etat valide le référendum sur la Corse

Par une décision rendue par l’Assemblée du contentieux le 17 octobre 2003, le Conseil d’Etat a rejeté l’ensemble des protestations dirigées contre le résultat du référendum organisé le 6 juillet 2003 sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse.

Pour la première fois, le Conseil d’Etat a eu à statuer sur un contentieux relatif à un scrutin d’une telle nature. Saisi par deux partisans du "Oui", le Conseil d’Etat a communiqué les mémoires des protestataires, d’une part, aux élus auxquels des irrégularités étaient personnellement imputées et, d’autre part, aux onze partis et groupements politiques habilités, en vertu de la loi du 10 juin 2003, à participer à la campagne en vue de la consultation référendaire.

Le ministère de l’intérieur, qui n’a pas produit d’observation, a versé au dossier l’intégralité des pièces nécessaires au jugement de l’affaire. La commission de contrôle de cette campagne a également transmis au Conseil d’Etat l’ensemble des éléments en sa possession. Ces pièces, conservées au Conseil d’Etat pendant toute la durée de l’instruction, ont pu être consultées sur place par toutes les parties qui l’ont voulu.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a rejeté la demande à surseoir à statuer qui lui était présentée. En effet, parallèlement au recours administratif, une plainte avait été déposée devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio. La Haute Assemblée rejette cet argument estimant que "les instances pénales relatives à des faits relevés au cours d’un scrutin sont indépendantes de l’examen des protestations présentées, dans les formes et délais prévus à cet effet, devant la juridiction administrative contre le résultat de ce scrutin"

Sur le fond, le Conseil d’Etat a fait application de sa jurisprudence traditionnelle en matière de droit électoral. Tout d’abord, il a écarté une série de griefs relatifs aux conditions dans lesquelles la campagne s’est déroulée au regard notamment de l’article L. 52-1 du Code électoral rendu applicable à la consultation des électeurs de Corse par la loi du 10 juin 2003.

Aux termes du premier alinéa de cet article, "l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite" et aux termes du deuxième alinéa, "aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin".

En particulier, le juge administratif suprême rejette les arguments critiquant l’insertion d’un encart publicitaire dans le quotidien "Corse Matin" et par lequel le président du conseil général de la Corse du sud a adressé des félicitations au club de football d’Ajaccio.

Ensuite, et faisant application de la traditionnelle théorie du bilan, le Conseil d’Etat a vérifié que les diverses irrégularités constatées ont pu porter atteinte à la sincérité du scrutin. Cela n’a pas été le cas d’un encart publicitaire de l’Association pour la défense des droits de la Corse dans la République, intitulé "Consultation du 6 juillet : les raisons de dire non" publié dans Corse Matin qui doit être regardée comme une publicité commerciale prohibée mais qui n’a pas toutefois, été de nature à altérer le résultat de la consultation dès lors que les partisans du vote "oui" ont eu la possibilité, dans les cinq jours précédant le scrutin, de répondre aux arguments ainsi diffusés.

De même, si les encarts relatifs aux actions du conseil général de la Corse du sud qui ont été publiés dans les éditions des mois de mai et juin 2003 du magazine "Corsica", diffusées en partie après le 11 juin 2003, peuvent être regardés comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations de cette collectivité au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, cette irrégularité n’a pas été, en l’espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin, eu égard au contenu anodin des pages en cause et au caractère limité de leur diffusion.

Enfin, si le numéro de la publication "Terres du sud" daté des mois d’avril et mai 2003, diffusé en partie après le 11 juin 2003, comprenait certains éléments de propagande électorale, en ce que l’éditorial du président du Conseil général de la Corse du sud présentait la position de ce dernier en faveur du vote "non" et qu’un argumentaire en faveur du vote "oui" était présenté par un autre élu du conseil général, ces éléments de propagande, publiés dans un périodique d’informations départementales, ne peuvent être regardés comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion du département de la Corse du sud au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral.

Dans le même ordre d’idées, le Conseil d’Etat a rejeté l’argument tiré de la violation du troisième alinéa de l’article L. 51 du code électoral, applicable à la campagne en cause à partir du 11 juin 2003, en vertu de l’article 5 de la loi du 10 juin 2003, selon lequel tout affichage à caractère électoral est interdit en dehors des emplacements spéciaux réservés par l’autorité municipale.

En effet, une banderole portant la mention "Bastia dit non à la suppression des départements", avait été exposée pendant plusieurs jours sur la façade de l’hôtel de ville de Bastia. Seulement et réitérant le mode d’appréciation des irrégularités en droit électoral, le Conseil d’Etat a jugé que cette violation des dispositions de l’article L. 51 du code électoral n’a pas été de nature à vicier la sincérité de la consultation, dès lors, d’une part, que la banderole illégalement affichée a été retirée le 23 juin 2003, lors de l’ouverture de la campagne électorale, à la demande du président de la commission de contrôle de la consultation et que, d’autre part, certains partisans du vote "oui" ont commis des abus analogues en procédant, dans diverses communes de Corse, à des affichages en dehors des emplacements spéciaux.

Néanmoins et dans le cadre de l’examen des irrégularités affectant les conditions d’expression, de dépouillement et de décompte des suffrages, le Conseil d’Etat a constaté que le bien-fondé de l’annulation de 621 suffrages par les bureaux de vote ne pouvait être établi.

A l’inverse, il a relevé qu’en raison de diverses irrégularités entachant les émargements et les procurations, 202 suffrages validés par les bureaux de vote devaient être regardés comme irrégulièrement émis. Si les requérants avaient avancé à cet égard des chiffres sensiblement plus élevés, l’instruction contradictoire et l’examen précis des pièces versées au dossier ont conduit à ne retenir que ces irrégularités.

A partir de ce constat, le Conseil d’Etat a appliqué ses méthodes traditionnelles de juge de l’élection. L’existence d’irrégularités affectant les suffrages n’entraîne pas nécessairement, en contentieux électoral, l’annulation des résultats du scrutin. Placé devant une telle situation, le juge refait les calculs pour déterminer si l’existence des irrégularités entachant un nombre donné de bulletins est susceptible de créer une incertitude arithmétique sur ce qu’aurait été l’issue du scrutin. En l’espèce, selon ces principes, le résultat de la consultation ne pouvait être annulé qu’en cas de doute arithmétique sur la victoire du "non".

Appliquant ce principe traditionnel, le Conseil d’Etat a, "pour déterminer si ces irrégularités ont été susceptibles d’affecter le résultat de la consultation, (…) recherch[é] s’il peut être tenu pour certain (…) qu’en l’absence de ces irrégularités le nombre des "non" serait demeuré supérieur à celui des "oui"."

Le Conseil d’Etat a fait, d’une part, comme si les 621 suffrages déclarés nuls à tort devaient s’ajouter à la réponse arrivée en seconde position, c’est-à-dire le "oui" et, d’autre part, comme si les 202 suffrages irrégulièrement émis l’avaient tous été en faveur du "non", réponse arrivée en tête.

Le score du "oui", ainsi calculé, se serait alors établi à 55588 voix (54967 + 621). Le score du "non", diminué de ces suffrages irréguliers, se serait ainsi élevé à 57003 voix (57205-202).

De la comparaison de ces résultats "hypothétiques", il ressortait que le "non" aurait obtenu, même dans l’hypothèse la plus favorable au "oui", un nombre de voix encore supérieur à celui obtenu par le "oui". Dans ces conditions, aucun doute arithmétique ne pesant sur le sens du scrutin, le Conseil d’Etat ne pouvait que rejeter les protestations dirigées contre le résultat du référendum. (BT)

 


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