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Une telle convention conclue entre deux personnes publiques pour organiser leurs services publics, ayant à ce titre un caractère administratif, peut, ainsi qu’il a été demandé en l’espèce, faire l’objet d’une résiliation par le juge administratif pour un motif d’intérêt général ou en raison d’un bouleversement de son économie. Aucun principe régissant le fonctionnement du service public n’impose qu’une telle convention qui, ainsi qu’il vient d’être dit, peut faire l’objet d’une résiliation, comporte un terme déterminé.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 290540

SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC SAINT LOUP

M. Jacky Richard
Rapporteur

M. Bertrand Dacosta
Commissaire du gouvernement

Séance du 17 septembre 2008
Lecture du 24 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 19 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT MIXTE D’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC SAINT LOUP, dont le siège est Route de Saint Gély, Les Matelles (34270), représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT MIXTE D’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC SAINT LOUP demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 5 décembre 2005 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a déclaré nulle la convention approuvée le 16 avril 1980 relative au prélèvement d’eau potable dans la source du Lez ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de la ville de Montpellier dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2002 en tant qu’il a rejeté sa demande tendant au constat de la nullité de la convention approuvée le 16 avril 1980 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacky Richard, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC SAINT LOUP et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Montpellier,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’une convention liant la commune de Montpellier, le syndicat intercommunal à vocation multiple de la région du Pic Saint-Loup et le syndicat intercommunal d’adduction d’eau de la région du Pic Saint-Loup, devenu SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP, approuvée par le préfet de l’Hérault le 16 avril 1980, a autorisé la ville de Montpellier à augmenter ses prélèvements d’eau potable dans la nappe phréatique du Lez où le SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP dispose également de deux captages ; que pour éviter de compromettre l’approvisionnement des communes membres du syndicat mixte, la convention a prévu en son article 4 la réalisation d’ouvrages dont ceux nécessaires à l’interconnexion des réseaux de la ville et du syndicat mixte ainsi que, en son article 3, la restitution par la ville de Montpellier " de façon définitive et permanente " d’un débit de 167, 5 litres par seconde dans la limite d’un volume journalier de 12 340 mètres cubes ; que l’article 6 de la convention prévoit la garantie par la ville de Montpellier de l’alimentation en eau du syndicat mixte en quantité comme en qualité ; que l’article 8 de cette convention fixe une redevance payée par le syndicat mixte à la ville pour l’eau ainsi restituée à un montant inférieur au prix de revient, redevance faisant l’objet d’une révision annuelle conformément aux stipulations de l’article 9 ; qu’enfin, l’article 14 de la convention confère à l’obligation de fourniture d’eau par la ville au syndicat mixte une " durée illimitée ", tout en limitant à 15 ans, à compter de la mise en service des ouvrages, la durée de validité de l’article 8 relatif au montant de la redevance ; qu’un arrêté inter-préfectoral des préfets du Gard et de l’Hérault du 5 juin 1981, portant déclaration d’utilité publique des travaux de dérivation des eaux de la source du Lez et délimitation des périmètres de protection de cette source, a fixé le débit total des prélèvements autorisés et a imposé à la ville de Montpellier, en son article 6, de restituer " de façon définitive et permanente " au SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP un volume de 155, 5 litres d’eau par seconde ;

Considérant qu’il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la mise en service des ouvrages étant intervenue en 1983, la ville de Montpellier a, par lettre du 10 mars 1997, demandé une révision de la redevance payée par le syndicat mixte en raison de la venue à échéance du terme des clauses de l’article 8 de la convention relatives au prix de l’eau ; que compte tenu du désaccord persistant entre la ville et le syndicat mixte pour réviser le prix de l’eau, après l’expiration de la durée de validité de cette clause de prix, la ville de Montpellier a saisi le tribunal administratif de Montpellier de conclusions tendant, en premier lieu, à ce que le juge du contrat constate la nullité de la convention et, à titre subsidiaire, à ce qu’il en prononce la résiliation, en deuxième lieu, à ce qu’il constate la nullité de l’article 6 de l’arrêté inter-préfectoral du 5 juin 1981 et, en troisième lieu, à ce qu’il condamne le syndicat mixte à lui verser une indemnité au titre des préjudices subis à raison de ses refus de réviser le prix de l’eau restituée ; que par jugement du 20 novembre 2002, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande ; que saisi par la ville de Montpellier, la cour administrative d’appel de Marseille, par son arrêt du 5 décembre 2005, a déclaré nulle la convention du 16 avril 1980, rejeté le surplus des conclusions de la ville et réformé en ce sens le jugement du 20 novembre 2002 ; que le SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP se pourvoit contre cet arrêt en tant qu’il a déclaré nulle la convention du 16 avril 1980 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que la convention liant la ville de Montpellier au SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP a été conclue entre ces personnes publiques dans le but d’organiser leurs services publics de distribution d’eau potable, de répartir les prélèvements d’eau dans la nappe phréatique du Lez et de garantir la restitution par la ville de Montpellier de volumes d’eau au syndicat mixte à un montant inférieur au prix de revient ; qu’une telle convention conclue entre deux personnes publiques pour organiser leurs services publics, ayant à ce titre un caractère administratif, peut, ainsi qu’il a été demandé en l’espèce, faire l’objet d’une résiliation par le juge administratif pour un motif d’intérêt général ou en raison d’un bouleversement de son économie ; qu’aucun principe régissant le fonctionnement du service public n’impose qu’une telle convention qui, ainsi qu’il vient d’être dit, peut faire l’objet d’une résiliation, comporte un terme déterminé ; que dès lors, en jugeant que l’absence de toute stipulation limitant la durée de la convention a pour effet d’entacher la nullité de l’ensemble de ses clauses, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP est fondé à demander l’annulation de l’article 1er de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 5 décembre 2005 constatant la nullité de la convention du 16 avril 1980 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie " ; que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond dans les limites de l’annulation ci-dessus prononcée ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit précédemment, la convention approuvée le 16 avril 1980, laquelle a un caractère administratif, n’est pas nulle du seul fait de son absence de terme déterminé ; qu’elle ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités territoriales ; que la ville de Montpellier n’est donc pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 20 novembre 2002, le tribunal administratif de Montpellier a refusé de constater la nullité de la convention ;

Considérant toutefois que la ville de Montpellier demande au juge, à titre subsidiaire, au cas où il ne constaterait pas la nullité de cette convention, d’en prononcer la résiliation ; qu’il résulte de l’instruction que les clauses fixant le montant de la redevance payée par le SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP à la ville de Montpellier à raison de la restitution d’eau ont cessé de produire leurs effets à compter de 1998 ; qu’en raison du désaccord persistant entre la ville et le syndicat mixte, les deux parties n’ont pu fixer une nouvelle redevance ; que le syndicat a continué à verser une redevance au titre de l’eau restituée par la ville à un même montant qu’auparavant, alors même que le coût de l’eau, ainsi que le montrent notamment les documents produits en appel, a significativement augmenté, entraînant un bouleversement des relations entre la ville et le syndicat mixte ; que, dès lors, la ville de Montpellier est fondée à demander la résiliation de la convention du 16 avril 1980 ; qu’il y a lieu de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP le paiement à la ville de Montpellier de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à charge de la ville de Montpellier le paiement au SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP de la somme que celui-ci demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 1er de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 5 décembre 2005 est annulé.

Article 2 : La convention approuvée le 16 avril 1980 est résiliée ;

Article 3 : Le SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP versera à la ville de Montpellier la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la ville de Montpellier devant la cour administrative d’appel de Marseille est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT MIXTE DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT DE LA REGION DU PIC-SAINT-LOUP et à la ville de Montpellier.

 


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