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Eu égard, d’une part, à l’absence de contiguïté des vergers de la société à ceux de l’INRA et, d’autre part, à l’existence d’autres causes possibles de contamination, résultant notamment de l’achat par certains arboriculteurs de plants contaminés auprès de pépiniéristes de la région, la responsabilité de l’institut ne saurait, en l’absence de lien certain et direct entre la contamination des deux vergers, être engagée, ni à raison des fautes qu’il aurait commises, ni sur le terrain de la responsabilité sans faute, à raison du risque que son activité aurait fait courir aux tiers.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 292243

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE

M. Xavier Domino
Rapporteur

M. François Séners
Commissaire du gouvernement

Séance du 2 juillet 2008
Lecture du 7 août 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 10 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE (INRA), dont le siège est 147, rue de l’Université à Paris (75338 Cedex 07) ; l’INRA demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 6 février 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 24 octobre 2002 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l’a condamné à payer à la société " Le Château de Campuget " la somme de 398 964, 41 euros en réparation des préjudices causés à l’exploitation arboricole de cette dernière par le virus de la sharka ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société " Le Château de Campuget " la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 juillet 2008, présentée pour l’INRA ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de l’INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société " Le château de Campuget ",

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société " Le Château de Campuget " a recherché la responsabilité de l’INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE (INRA) à raison des conséquences dommageables de la contamination, constatée en 1994, par la souche "Markus" du virus de la sharka, des 42 hectares de vergers de pêchers qu’elle exploitait à Manduel à proximité de deux vergers expérimentaux de l’INRA ; que, par un jugement du 24 octobre 2002, le tribunal administratif de Montpellier a reconnu la responsabilité sans faute de l’INRA et l’a condamné à dédommager la société à hauteur de 398 946, 41 euros ; que l’INRA se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 6 février 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille l’a jugé responsable sur le terrain de la faute et a confirmé le montant de l’indemnité retenue par les premiers juges ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que pour établir la responsabilité de l’INRA à l’égard de la société " Le Château de Campuget ", la cour administrative d’appel s’est fondée sur la circonstance que, dès lors que l’INRA avait importé des milliers d’arbres de plusieurs variétés de prunus en provenance de pays d’Europe de l’Est, fortement touchés par le virus, pour les utiliser dans ses stations expérimentales, notamment dans les deux stations voisines du domaine de Campuget, l’introduction à cette occasion d’arbres déjà infectés relevait, malgré les précautions qui avaient pu être prises, "statistiquement d’une quasi-certitude" et qu’à l’inverse, l’hypothèse selon laquelle les vergers de la société auraient pu être contaminés par une autre source apparaissait, en l’état de l’instruction, comme "invraisemblable" ; qu’elle en a déduit que le virus présent dans les stations expérimentales de l’INRA devait être regardé comme étant à l’origine de la contamination des vergers du domaine de Campuget ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le virus de la sharka, dénommé " Plum Pox Virus ", est à l’origine d’une maladie affectant les arbres fruitiers à noyaux de type prunus, tels les abricotiers et les pêchers, qui altère l’aspect et le goût des fruits et contre laquelle il n’existe, dans l’état actuel des connaissances, aucun traitement ; que cette maladie, d’abord apparue en Europe de l’Est au début du XXème siècle, a été identifiée pour la première fois en France dans le département de l’Hérault dans les années 1960, sous la forme de la souche dite " Dideron ", résultant de l’importation de plants contaminés ; qu’en raison de sa propagation, le virus a été inscrit, par un arrêté du 30 juillet 1970, sur la liste des ennemis de cultures et qu’un arrêté du 7 juin 1982 a interdit la commercialisation des abricots contaminés ; qu’au début des années 1990, a été identifiée la propagation d’une autre souche du virus, dite souche " Markus ", pouvant se révéler plus virulente et nécessiter des mesures d’une autre ampleur ;

Considérant qu’il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport d’expertise réalisé à la demande du tribunal administratif, que si l’hypothèse d’une introduction accidentelle de matériel végétal infecté sur les propriétés de l’INRA puis de sa diffusion de vergers en vergers, par des vecteurs naturels, jusqu’à ceux du château de Campuget, est d’une "grande probabilité", le lien de causalité entre ces contaminations ne peut toutefois pas, au vu des pièces du dossier, et eu égard notamment à la circonstance que le domaine de Campuget n’est pas immédiatement contigu aux vergers des stations de l’INRA, être regardé comme direct ; qu’ainsi, en jugeant que les stations expérimentales de l’INRA devaient être réputées être à l’origine de la contamination des vergers de la société " Le Château de Campuget ", la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de qualification juridique ; que son arrêt doit dès lors être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’eu égard, d’une part, à l’absence de contiguïté des vergers de la société à ceux de l’INRA et, d’autre part, à l’existence d’autres causes possibles de contamination, résultant notamment de l’achat par certains arboriculteurs de plants contaminés auprès de pépiniéristes de la région, la responsabilité de l’institut ne saurait, en l’absence de lien certain et direct entre la contamination des deux vergers, être engagée, ni à raison des fautes qu’il aurait commises, ni sur le terrain de la responsabilité sans faute, à raison du risque que son activité aurait fait courir aux tiers ; qu’il en résulte que l’INRA est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif l’a déclaré responsable des conséquences dommageables de la contamination par le virus de la sharka des vergers exploités par la société " Le Château de Campuget " ;

Sur la charge définitive des frais de l’expertise :

Considérant qu’il y a lieu de mettre à la charge définitive de la société " Le Château de Campuget " les frais et honoraires de l’expertise ordonnée par les premiers juges ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l’INRA, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la société " Le Château de Campuget " demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, au même titre et dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société " Le Château de Campuget " le versement de la somme de 3 000 euros à l’INRA ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 février 2006 et le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 octobre 2002 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société " Le Château de Campuget " devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les frais et honoraires de l’expertise ordonnée en première instance sont mis à la charge définitive de la société " Le Château de Campuget ".

Article 4 : La société " Le Château de Campuget " versera à l’INRA la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société "Le Château de Campuguet " tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l’INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE, à la société "Le Château de Campuget" et au ministre de l’agriculture et de la pêche.

 


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