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Conseil d’Etat, 24 mars 2004, n° 249369, Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité c/ Mme B.

Si les dispositions combinées de l’article 15 et de l’article 29 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoient que l’enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l’enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l’enfant adopté, il appartient à l’autorité administrative de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, qu’une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour un enfant n’appartenant pas à l’une des catégories ainsi mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles "dans toutes les décisions qui concernent les enfants. l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale".

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 249369

MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE
c/ Mme B.

Mme Chadelat
Rapporteur

Mme de Silva
Commissaire du gouvernement

Séance du 1er mars 2004
Lecture du 24 mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 5 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE ; le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 25 juin 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, d’une part, annulé le jugement du 18 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de Mme Naïma B. tendant à l’annulation des décisions du 30 novembre 1998 et du 1er mars 1999 par lesquelles le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de l’enfant Nawal Halim et enjoint à l’Etat de procéder, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la délivrance d’un titre permettant à l’enfant Nawal Halim de séjourner en France, et, d’autre part, condamné l’Etat à verser la somme de 762, 25 euros à Mme B. en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d’ordonner le sursis à l’exécution dudit arrêt en application des dispositions de l’article R. 821-5 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Chadelat, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme B.,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décisions des 30 novembre 1998 et 1er mars 1999 prises sur le fondement des dispositions du I de l’article 29 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de délivrer à Mme B. l’autorisation d’entrer en France qu’elle avait sollicitée au bénéfice de l’enfant Nawal Halim dans le cadre de la procédure du regroupement familial ;

Considérant que si les dispositions combinées de l’article 15 et de l’article 29 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoient que l’enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l’enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l’enfant adopté, il appartient à l’autorité administrative de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, qu’une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour un enfant n’appartenant pas à l’une des catégories ainsi mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles "dans toutes les décisions qui concernent les enfants. l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’enfant Nawal Halim, née le 1er juillet 1997 à Mohammedia (Maroc), a été abandonnée par sa mère à sa naissance et ne dispose pas de filiation paternelle ; qu’elle se trouve ainsi sans aucune attache familiale dans son pays d’origine ; que Mme B., ressortissante marocaine résidant en France, qui est atteinte d’une stérilité définitive et dont la loi nationale ne lui permet pas de recourir à l’adoption, s’est vue conférer la responsabilité de subvenir aux besoins et à l’éducation de l’enfant par une décision de kafala, dressée le 19 février 1998 par acte adoulaire notarié et homologuée, le 26 mai 1999, par jugement du tribunal de première instance de Mohammedia ; qu’elle-même et son époux entendent donner à la jeune Nawal Halim le foyer dont elle est privée au Maroc ; que Mme B. réside en situation régulière en France depuis 1989 et son conjoint depuis plus de trente ans ; que leur situation tant personnelle que professionnelle ne leur permet ni d’envisager des séjours réguliers au Maroc, dont ils ne pourraient assumer le coût, ni un retour dans leur pays d’origine ; qu’en se fondant sur ces constatations de fait pour estimer que, même en l’absence d’un lien de filiation entre l’intéressée et l’enfant, les décisions du préfet des Hauts-de-Seine portaient au droit de Mme B. au respect de sa vie privée et familiale et à celui de la jeune Nawal Halim une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l’autorisation sollicitée dans le cadre du regroupement familial avait été refusée et méconnaissaient, par suite, les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d’appel de Paris n’a ni commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits soumis à son examen ; que, dès lors, le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros que la société civile professionnelle de Chaisemartin-Courjon demande en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société civile professionnelle de Chaisemartin-Courjon la somme de 2 000 euros, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Naïma B., au MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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