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Conseil d’Etat, 25 juin 2003, n° 232665, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Banque Worms

La cession de créance effectuée en application des dispositions précitées de l’article L. 313-27 du code monétaire et financier ne peut faire échec à l’action en revendication du vendeur initial sur des marchandises pour lesquelles il dispose d’une réserve de propriété.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 232665

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ Banque Worms

Mme Denis-Linton
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 4 juin 2003
Lecture du 25 juin 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 17 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’article 1er de l’arrêt du 21 novembre 2000 de la cour administrative d’appel de Marseille condamnant l’Etat à verser à la Banque Worms une somme égale au montant des intérêts au taux civil légal entre le 28 novembre 1994 et le 5 novembre 1997 sur la somme de 190 086,56 F ;

2°) de prononcer le sursis à exécution de l’article 1er de l’arrêt attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret du 18 août 1907 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Denis-Linton, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la Banque Worms,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, d’une part, aux termes de l’article L. 313-27 du code monétaire et financier : "la cession ou la nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau" ; que, d’autre part, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 621-122 du code de commerce : "Peuvent (...) être revendiqués, s’ils se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix (...)" ; que selon l’article L. 621-124 du même code "peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l’article L. 621-122 qui n’a été ni payé ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l’acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire" ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que la cession de créance effectuée en application des dispositions précitées de l’article L. 313-27 ne peut faire échec à l’action en revendication du vendeur initial sur des marchandises pour lesquelles il dispose d’une réserve de propriété ;

Considérant que, par un arrêt en date du 21 novembre 2000, la cour administrative d’appel de Marseille, qui a ramené la créance du prix de l’analyseur couleur vidéo acheté par le centre français d’essais de la Méditerranée, organisme dépendant du ministère de la défense, à la société Debrie international de 763 784 F (116 608 euros) à 190 086 F (28 978 euros) a, toutefois, par l’article premier de son arrêt, condamné l’Etat au paiement des intérêts sur cette somme au motif que le règlement en avait été différé jusqu’au 5 novembre 1997 alors que la Banque Worms, à laquelle la société Debrie international avait transféré par bordereau sa créance sur l’Etat en application de l’article L. 313-27 du code monétaire et financier, l’avait mise en demeure de payer ce matériel dès le 28 novembre 1994 ; qu’il résulte des pièces soumises au juge du fond que le tribunal de commerce de Bobigny avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Debrie international le 24 novembre 1992 et que la société Augereau, qui avait fourni à celle-ci une partie du matériel nécessaire, avait notifié à l’agence comptable des services industriels de l’armement l’existence d’une clause de réserve de propriété sur ce matériel garantissant la créance qui lui restait due pour un montant de 382 550 F (58 319 euros) ; que l’agence comptable n’a procédé le 5 novembre 1997 au règlement de la somme de 190 086 F (28 978 euros) qu’après avoir été informée que la cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 7 mars 1996, avait condamné le liquidateur de la société Debrie international à payer à la société Augereau le solde du prix restant dû sur le matériel fourni par cette dernière ; que dès lors la cour administrative d’appel de Marseille en condamnant l’Etat au paiement d’intérêts moratoires, alors que l’agence comptable des services industriels de l’armement ne pouvait légalement procéder au paiement de la Banque Worms, cessionnaire de la créance, aussi longtemps que la société Augereau bénéficiaire de la clause de réserve propriété sur le matériel vendu n’avait pas été désintéressée, a commis une erreur de droit ; que par suite le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est fondé à demander l’annulation de l’arrêt du 21 novembre 2000 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a condamné l’Etat à verser à la Banque Worms une somme égale au montant des intérêts au taux civil légal entre le 28 novembre 1994 et le 5 novembre 1997 sur la somme qu’il devait à la société Debrie internationnal ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus l’action en revendication ne peut légalement être exercée sur les biens que si ceux-ci se retrouvent en nature à la date d’ouverture de la procédure de redressement ou sur le prix de ceux-ci lorsqu’ils ont été revendus en l’état initial sans être encore payés ; que si la société Wox Limited, venant aux droits de la Banque Worms soutient que cette action ne pouvait être légalement exercée dès lors qu’il n’est pas établi que le matériel que la société Augereau a vendu avec une clause de réserve de propriété a été incorporé à l’installation fournie par la société Debrie international au centre d’essais de la Méditerranée, il résulte de l’instruction que cette installation comprenait bien le matériel fourni par la société Augereau à la société Debrie international ; que, dès lors, le moyen manque en fait ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société Wox Limited, venant aux droits de la Banque Worms, tendant à la condamnation de l’Etat à payer une somme correspondant aux intérêts calculés au taux légal de la somme de 190 086 F (28 978 euros) ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article premier de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 21 novembre 2000 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Banque Worms, aux droits de laquelle vient la société Wox Limited, devant la cour administrative d’appel de Marseille et tendant à la condamnation de l’Etat à lui payer les intérêts au taux légal sur la somme de 190 086 F (28 978 euros) sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, à la Banque Worms et à la société Wox Limited.

 


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