Vu la requête présentée pour M. Jean-Louis DIDIER
demandant que le Conseil d’Etat :
1°) annule la décision n° 99-04 du 27 janvier 1999 par
laquelle le Conseil des marchés financiers, statuant en matière
disciplinaire, lui a retiré sa carte professionnelle pour une période
de six mois et lui a infligé une sanction pécuniaire de cinq
millions de francs ;
2°) prononce le sursis à l’exécution de cette décision
;
Vu les autres pièces du dossier ; la convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
notamment son article 6 ; la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 modifiée
; l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 ; le décret n°
96-872 du 3 octobre 1996 ; le règlement général du
Conseil des marchés financiers, homologué par arrêté
du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 9 novembre
1998 ; l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret
n° 53-935 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre
1987 ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article
6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales :
Considérant qu’au vu d’un rapport d’enquête établi
par ses inspecteurs, la Commission des opérations de bourse a saisi
le Conseil des marchés financiers en vue de l’ouverture d’une procédure
disciplinaire à l’encontre de M. DIDIER ; qu’à l’issue de
cette procédure, le Conseil des marchés financiers a retiré
à ce dernier sa carte professionnelle pour une période de
six mois et lui a infligé une sanction pécuniaire de cinq
millions de francs ; que M. DIDIER soutient que la participation du rapporteur
aux débats et au vote du Conseil des marchés financiers a
méconnu les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
;
Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
susvisée : "1- Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,
par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi,
qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations
de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation
en matière pénale dirigée contre elle" ;
Considérant que, quand il est saisi d’agissements pouvant donner
lieu aux sanctions prévues par l’article 69 de la loi susvisée
du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers doit être
regardé comme décidant du bien-fondé d’accusations
en matière pénale au sens des stipulations précitées
de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du fait que sa
décision peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant
le Conseil d’Etat, la circonstance que la procédure suivie devant
le Conseil des marchés financiers ne serait pas en tous points conforme
aux prescriptions de l’article 6-1 précité n’est pas de nature
à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du
droit à un procès équitable ; que, cependant - et
alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant
en formation disciplinaire n’est pas une juridiction au regard du droit
interne -le moyen tiré de ce qu’il aurait statué dans des
conditions qui ne respecteraient pas le principe d’impartialité
rappelé à l’article 6-1 précité peut, eu égard
à la nature, à la composition et aux attributions de cet
organisme, être utilement invoqué à l’appui d’un recours
formé devant le Conseil d’Etat à l’encontre de sa décision
;
Considérant que l’article 2 du décret susvisé du
3 octobre 1996 dispose : "Lorsque le conseil agit en matière disciplinaire,
le président fait parvenir à la personne mise en cause, par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise
en main propre contre récépissé, un document énonçant
les griefs retenus, assorti, le cas échéant, de pièces
justificatives ; il invite la personne mise en cause à faire parvenir
ses observations écrites dans un délai qui ne peut être
inférieur à dix jours ; l’intéressé est également
informé qu’il peut se faire assister par toute personne de son choix"
; qu’aux termes de l’article 3 du même décret : "Les observations
produites par la personne mise en cause sont communiquées au commissaire
du gouvernement et à l’auteur de la saisine du conseil" ; qu’enfin,
l’article 4 est ainsi rédigé : "Le président désigne,
pour chaque affaire, la formation saisie et un rapporteur parmi les membres
de celle-ci. Le rapporteur, avec le concours des services du Conseil des
marchés financiers, procède à toutes investigations
utiles. Il peut recueillir des témoignages. Il consigne le résultat
de ces opérations par écrit. Les pièces du dossier
sont tenues à la disposition de la personne mise en cause" ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées
que le rapporteur, qui n’est pas à l’origine de la saisine, ne participe
pas à la formulation des griefs ; qu’il n’a pas le pouvoir de classer
l’affaire ou, au contraire, d’élargir le cadre de la saisine ; que
les pouvoirs d’investigation dont il est investi pour vérifier la
pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne
l’habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à
procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l’instruction
; qu’en l’espèce, M. Ferri ayant été désigné
rapporteur de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre
de M. DIDIER après saisine du Conseil des marchés financiers
par le président de la Commission des opérations de bourse,
il n’est pas établi, ni même allégué, qu’il
aurait, dans l’exercice de ses fonctions de rapporteur, excédé
les pouvoirs qui lui ont été conférés par les
dispositions rappelées ci-dessus, et qui ne diffèrent
pas de ceux que la formation disciplinaire collégiale du Conseil
des marchés financiers aurait elle-même pu exercer ; que,
dès lors, il n’est résulté de sa participation aux
débats et au vote à l’issue desquels il a été
décidé d’infliger une sanction à M. DIDIER aucune
méconnaissance du principe d’impartialité rappelé
à l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense
:
Considérant que le moyen tiré de l’absence au dossier
communiqué à M. DIDIER de la note de service de l’inspection
du Conseil des marchés financiers sur "l’impact financier" de l’opération
litigieuse manque en fait ; que les versions préliminaires de ce
document n’avaient pas à y figurer ;
Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’une
intervention aurait été faite par le Conseil des marchés
financiers auprès de la société Dynabourse" ; qu’elle
ne pouvait donc, en tout état de cause, figurer au dossier ;
Considérant que les courriers adressés par le président
du Conseil des marchés financiers au président du "Crédit
agricole Indosuez Chevreux" (CAIC) sont sans relation avec la situation
personnelle de M. DIDIER ; que le courrier en date du 19 mai 1998 par lequel
le président de la Commission des opérations de Bourse (COB)
a adressé au président du Conseil des marchés financiers
le rapport d’enquête des services de la COB sur la société
Dynabourse ne comprend aucun élément qui ne soit contenu
dans ledit rapport dont M. DIDIER a reçu communication ; qu’il en
va de même d’une lettre d’information adressée au commissaire
du gouvernement ; qu’il suit de là que M. DIDIER n’est pas fondé
à soutenir que l’absence de ces documents au dossier annexé
à ce rapport aurait vicié la procédure engagée
à son encontre ;
Considérant que l’article 4 du décret précité
du 3 octobre 1996 dispose que le rapporteur "peut recueillir des témoignages.
Il consigne le résultat de ces opérations par écrit.
Les pièces du dossier sont tenues à la disposition de la
personne mise en cause" ; que ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour
effet d’exiger que soient versés au dossier des documents sans rapport
avec la procédure en cours ou ne comprenant aucun élément
nouveau par rapport aux documents qui ont été communiqués
à la personne poursuivie ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède
que M. DIDIER n’est pas fondé à soutenir que la procédure
suivie par le Conseil des marchés financiers aurait entraîné
une méconnaissance du principe des droits de la défense ;
Sur le moyen tiré de l’erreur de fait :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la télécopie
adressée, le 20 mars 1998, par la personne chargée des fonctions
de négociateur à la table d’arbitrage de la société
Dynabourse au service conservation de ladite société, constituait
un ordre d’apport de 4 089 000 actions à l’offre publique d’achat
dont la date de clôture avait précisément été
fixée au 20 mars 1998 ; que son annulation, postérieurement
à cette date, constitue dès lors une révocation de
cet ordre, décidée en infraction avec l’article 5-2-11 du
règlement général du Conseil des bourses de valeurs
qui dispose que "les ordres peuvent être révoqués à
tout moment jusque et y compris le jour de la clôture de l’offre"
; qu’il suit de là que le Conseil des marchés financiers
n’a pas commis d’erreur de fait en fondant la décision attaquée
sur la révocation irrégulière de l’ordre passé
le 20 mars 1998 ;
Sur le moyen tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise le
Conseil des marchés financiers dans l’application de l’article 69
de la loi du 2 juillet 1996 :
Considérant qu’aux termes du III de l’article 69 de la loi susvisée
du 2 juillet 1996 : "Les personnes placées sous l’autorité
ou agissant pour le compte des prestataires de services d’investissement,
des entreprises de marché et des chambres de compensation sont passibles
des sanctions prononcées par le Conseil des marchés financiers
à raison des manquements à leurs obligations professionnelles
définies par les lois et règlements en vigueur (...) Les
sanctions applicables sont l’avertissement, le blâme et le retrait
temporaire ou définitif de la carte professionnelle. En outre, le
Conseil des marchés financiers peut prononcer, soit à la
place soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont
le montant ne peut être supérieur à 400 000 F ou au
triple du montant des profits éventuellement réalisés"
;
Considérant que, pour déterminer le plafond de la sanction
pécuniaire encourue par M. DIDIER, c’est à bon droit que
le Conseil des marchés financiers a pris pour base le montant des
profits réalisés lors de la revente par la SNC Dynabourse
arbitrage des titres non apportés à l’offre publique d’achat,
en le rapportant à la part détenue par M. DIDIER dans le
capital de cette société ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède
que M. DIDIER n’est pas fondé à demander l’annulation de
la décision du 27 janvier 1999 par laquelle le Conseil des marchés
financiers lui a retiré sa carte professionnelle pour une période
de six mois et lui a infligé une sanction pécuniaire de 5
millions de francs ;