Dans sa circulaire de Février
1999 publiée au N° 15 de la lettre de l’AFDC, notre chef d’atelier,
Dominique Rousseau, nous invite « à partir du postulat qu’une
controverse implique que le texte constitutionnel n’énonce pas clairement
une norme ». La notion de clarté d’une norme étant
cependant elle-même sujette à controverse, je serai peut-être
plus réservée que lui sur cette définition, d’autant
qu’il m’a souvent paru que les constitutions sont plus claires que
les acteurs politiques, les juges, ou les juristes, qui s’attachent parfois
à les obscurcir.
Quoiqu’il en soit,
ce que souhaite, en revanche, très clairement notre chef d’atelier,
c’est que les intervenants ne cherchent pas à savoir qui, dans la
controverse, a tort ou a raison, mais qu’ils concentrent leur analyse sur
les méthodes d’interprétation et d’argumentation, explicites
ou implicites, utilisées par les protagonistes. N’étant pas,
comme chacun sait, d’un naturel docile, je ne suis pas sûre, cependant,
de résister totalement à le tentation de décerner
un prix d’interprétation … essentiellement masculine car la parité
n’est pas encore observable dans les controverses constitutionnelles.
Ayant choisi le thème
des ordonnances avant d’avoir lu le règlement d’atelier, j’avoue
avoir éprouvé ensuite quelques regrets car il est certain
que, sur le thème de la signature des ordonnances, Michel Troper
avait déjà procédé à une excellente
analyse de ce type dans la revue Pouvoirs en 1987(2) . Il est toutefois
possible d’y apporter aujourd’hui quelques éléments supplémentaires,
résultant d’une évolution de la conjoncture politique, et
notamment d’une certaine accoutumance aux cohabitations et au phénomène
d’essuie-glaces des alternances françaises.
Mais outre cette controverse
célèbre, parce que très politisée et médiatisée,
sur la question de la signature (I), est aussi apparu un embryon de controverse,
plus discret et en vérité avorté, concernant, cette
fois, la nature des ordonnances et donc la juridiction compétente
pour en connaître (II).
I. LA SIGNATURE DES
ORDONNANCES
On ne rappellera pas ici
les faits bien connus qui ont conduit au développement de la controverse
durant l’année 1986.
Le premier caractère
observable est que la dispute s’est essentiellement déroulée
dans des quotidiens d’information politique et générale (notamment
Le Monde et Le Figaro) et fût surtout le fait de professeurs de droit
public (3).
Ce phénomène
n’est nullement original puisqu’on le retrouve chaque fois que l’actualité
politique soulève une question juridique brûlante, les spécialistes
voulant alors chacun apporter immédiatement et publiquement leur
réponse à la question posée. La conséquence
de la précipitation fébrile à vouloir « dire
le droit » aux médias et à l’opinion publique, dans
des articles de presse par définition plus courts et concis que
ceux des revues spécialisées, est parfois un manque de recul
et de réflexion entachant lesdits articles de quelques insuffisances
ou lacunes qui génèrent la riposte immédiate d’un
autre spécialiste et nourrissent ainsi un effet de spirale qui fait
enfler la controverse.
On observe aussi, parfois,
dans ce type de mêlées juridico-médiatiques, quelques
« mouches du coche » qui, soit reprennent exactement les mêmes
arguments qu’un précédent savant, soit se bornent à
rappeler les termes du conflit, sans se prononcer, et en renvoyant aux
acteurs politiques ou aux juges le soin de résoudre la devinette.
Leur contribution semble alors exclusivement destinée à satisfaire
leur ego en plaçant leur signature sous les projecteurs.
Michel Troper avait choisi
d’éliminer de son analyse les quelques arguments ouvertement
fondés sur la morale politique, pour n’observer que les échanges
strictement et apparemment juridiques. Il n’est pas certain cependant que
la morale et le droit s’excluent mutuellement car, comme l’avait à
juste titre relevé Jean Rivero, s’il fallait ôter du code
pénal toutes les infractions que la morale ou la religion qualifient
de fautes ou de péchés, il n’y resterait plus grand-chose.
Je ne négligerai donc, en ce qui me concerne, aucun des arguments
qui furent échangés par les protagonistes.
Globalement, ceux-ci se sont
divisés en trois grandes catégories : les partisans de l’obligation
présidentielle de signer toutes les ordonnances, ceux pour lesquels
le président n’est jamais tenu de signer, et enfin ceux pour lesquels
« ça dépend » soit de la nature des griefs présidentiels
contre l’ordonnance (opportunité ou constitutionnalité) soit
des domaines d’intervention de l’ordonnance (« domaine réservé
» ou pas).
Le caractère le plus
frappant des arguments échangés est leur concentration sur
quelques éléments d’interprétation précis et
peu nombreux, que chacun accepte ou récuse, tandis que d’autres
arguments importants sont curieusement restés absents du débat,
mettant ainsi en lumière (ou en veilleuse) des considérations
ou stratégies implicites.
A. Les arguments avancés
Les éléments
d’interprétation avancés ont été essentiellement
au nombre de huit : l’utilisation par l’article 13 du présent de
l’indicatif, l’absence de délai prescrit pour la signature des ordonnances,
la comparaison avec la promulgation des lois, la comparaison avec le pouvoir
d’exécution des lois, le respect de la volonté parlementaire,
le contreseing des ordonnances, la nature de la délibération
en conseil des ministres, et le cas d’inconstitutionnalité de l’ordonnance.
On évoquera également, pour seule mémoire, une affirmation
de l’impossibilité juridique d’adopter des ordonnances organiques,
une interdiction morale faite à l’auteur du « coup d’Etat
permanent » de se prévaloir d’une lecture présidentialiste
de la Constitution, et quelques remarques allusives sur d’éventuelles
ordonnances intéressant la défense nationale.
1. Le présent de
l’indicatif dans l’article 13
L’indicatif présent
a fait l’objet de trois types d’interprétation contraires. Certains
n’y ont vu qu’un simple indice peu pertinent et très insuffisant
pour conclure à l’obligation présidentielle de signer, Olivier
Duhamel qualifiant même cette interprétation grammaticale
d’absurde.
D’autres ont curieusement
démontré que l’indicatif présent révélait
incontestablement une simple faculté de signer, en se fondant sur
le refus du général de Gaulle de convoquer une session extraordinaire
malgré l’utilisation du présent de l’indicatif dans l’article
29. Jacques Robert a notamment rappelé que le général
de Gaulle était « orfèvre en la matière »,
sans qu’on sache s’il s’agit d’une orfèvrerie en matière
de violation ou d’interprétation orthodoxe de la Constitution.
Seul Jacques Larché,
président de la commission des lois du Sénat, a vraiment
défendu la thèse du caractère impératif de
l’indicatif.
On voit donc, dés
ce premier exemple, que le même élément, ici grammatical,
est interprété dans deux sens totalement contraires.
2. L’absence de délai
pour la signature des ordonnances
Cet élément
d’interprétation littérale fondée sur la logique a
été l’argument principal de la plupart des partisans du pouvoir
d’empêcher. Jacques Robert, Jacques Fournier et Maurice Duverger
ont ainsi avancé que si le Président est tenu de promulguer
les lois c’est parce que la Constitution lui assigne un délai de
quinze jours pour le faire, alors qu’elle n’impose, à l’inverse,
aucun délai pour signer les ordonnances. Ceci signifierait, a contrario,
selon eux, que le Président a toute latitude pour ne pas signer.
Les adversaires de la faculté d’empêcher ne ripostent pas
à cet argument. Seul Guillaume Bacot, dans la Revue Administrative,
indique qu’il ne voit pas ce que l’existence d’un délai apporte
de plus impératif que son absence. Mais aucun des protagonistes
n’a songé à analyser la signification profonde de la promulgation.
3. La comparaison avec
la promulgation des lois
Outre la question du délai,
la référence à l’article 10 a également été
utilisée par analogie mais dans deux sens inverses. Pour certains,
l’ordonnance intervenant dans le domaine de la loi et étant appelée
à acquérir force de loi lors de sa ratification, le Président
devrait signer l’ordonnance comme il doit promulguer les lois. C’est donc
la similitude qui est retenue. D’autres, au contraire, insistent sur le
caractère réglementaire de l’ordonnance qui conduit, selon
eux, à distinguer l’obligation de promulguer de la faculté
de signer. C’est donc, cette fois, la dissymétrie qui est déduite
du même rapprochement.
4. La comparaison avec
la signature des décrets
Le rapprochement avec l’article
21 aboutit également à des conclusions contradictoires.
Jacques Larché s’appuie
sur la lettre des articles 13 et 21 pour constater que l’article 13 est
une exception au pouvoir réglementaire du Premier ministre. On s’attend
donc logiquement à ce qu’il conclue que l’article 13 confie un «
pouvoir » et non un « devoir » réglementaire au
chef de l’Etat. Mais il aboutit cependant au résultat inverse en
considérant que le Premier ministre étant tenu d’exécuter
les lois en vertu de l’article 21, le Président est également
tenu de signer les ordonnances et les décrets en vertu de l’article
13. Il semble qu’il y ait là une confusion entre les différents
degrés de liaison d’une compétence : être tenu d’agir
(compétence liée au premier degré) ne signifie pas
être tenu de prendre telle décision déterminée
(compétence liée au second degré). Une autorité
peut avoir l’obligation d’exercer sa compétence tout en conservant
la faculté de choisir le contenu de la décision à
prendre.
Roland Drago défend
une position proche de celle de Jacques Larché en la développant
davantage, en ce qu’il considère que l’ordonnance étant un
acte d’exécution de la loi d’habilitation, le Président est
tenu d’exécuter cette loi comme le Premier ministre est tenu d’exécuter
toutes les autres.
Jacques Robert considère
à l’inverse qu’il n’y a aucune analogie entre les articles 13 et
21, et que si le Premier ministre est tenu d’assurer l’exécution
des lois, le Président de la République n’est, en revanche,
nullement tenu de signer les ordonnances. Mais il se borne à l’affirmer
sans argumenter et conclut « Les deux compétences sont totalement
distinctes et se déploient selon des modalités différentes.
La compétence du Premier ministre est liée, celle du Président
est discrétionnaire ».
Enfin, Jacques Fournier estime
que si l’on admet l’obligation de signer les ordonnances on doit étendre
cette obligation aux décrets, ce qui, selon lui, serait «
manifestement contraire à l’esprit de la Constitution ». Aucune
explication n’est cependant avancée ni sur la nature de cette contrariété
ni sur la définition de l’ « esprit » de la Constitution
de 1958, qui a toujours ressemblé, il est vrai, à une auberge
espagnole où chacun met ce que bon lui semble.
5. La volonté parlementaire
L’obligation présidentielle
de respecter la volonté parlementaire exprimée dans la loi
d’habilitation est l’argument le plus important des partisans de la signature
obligatoire, qui le rattachent plus ou moins explicitement d’une part à
la séparation des pouvoirs, d’autre part à la lettre de l’article
38 visant « le gouvernement pour l’exécution de son programme
». Le Président qui refuserait de signer une ordonnance s’opposerait
donc à la volonté du législateur en s’arrogeant un
droit de veto sur la loi d’habilitation, et contreviendrait à la
lettre même de l’article 38. Certains développent cette interprétation
de façon isolée, Yves Gaudemet la rapproche, quand à
lui, de l’article 19 imposant le contreseing du Premier ministre et des
ministres responsables sur les ordonnances. Il en déduit donc que
la signature présidentielle se résume à une pure formalité
d’authentification.
6. Les contreseings de
l’article 19
Curieusement, Yves Gaudemet
est le seul à citer l’article 19 de la Constitution et à
rappeler que « le contreseing du Premier ministre et des ministres
transfèrent à ceux-ci la responsabilité de l’acte
». Il en conclut que la signature est une simple authentification
du président du conseil des ministres. Guillaume Bacot approfondit
aussi la signification et la portée de la signature mais sans faire
référence à l’article 19, rappelant seulement qu’à
la façon d’un président de jury signant un procès-verbal,
le président du conseil des ministres doit signer les actes qui
y sont délibérés sans pouvoir s’y opposer.
7. La nature de
la délibération en conseil des ministres
Plusieurs auteurs se sont
interrogés sur la nature et la portée exactes de la délibération
en conseil des ministres. Certains l’assimilent à une décision
que le président dudit conseil aurait donc le devoir de signer.
Bertrand Mathieu rappelle, au contraire, que selon la jurisprudence du
Conseil d’Etat, la délibération en conseil des ministres
n’est pas un acte exécutoire par lui-même et que seul le décret
ou l’ordonnance issu de cette délibération, et revêtu
de la signature et des contreseings prescrits constitue un acte administratif.
Mais ceci ne préjuge pas, selon lui, du caractère obligatoire
ou non de la signature présidentielle.
8. L’inconstitutionnalité
de l’ordonnance
La nature des griefs présidentiels
contre l’ordonnance constitue le dernier critère utilisé
dans la controverse. Certains auteurs ont, en effet, considéré
que, quelle que soit la solution retenue pour les ordonnances jugées
inopportunes par le Président, il pourrait ou devrait en revanche
refuser de signer une ordonnance inconstitutionnelle.
Ainsi, Philippe Ardant n’envisage
t-il que cette hypothèse en concluant que « lorsqu’une ordonnance
ou un décret n’est pas conforme au texte de 1958 il doit refuser
de signer ». De même, invoquant l’article 5, Olivier Duhamel
affirme t-il qu’en cas d’ordonnance contraire à la Constitution
le Président aurait l’obligation de ne pas signer, tandis qu’il
devrait le faire dans le cas contraire.
Le chef de l’Etat ne pourrait
donc, selon ces auteurs, juger de l’opportunité des ordonnances
mais seulement de leur régularité juridique. Mais ils
restent cependant muets sur la manière d’apprécier cette
régularité. Quid, par exemple, si l’ordonnance respecte les
directives d’interprétation données par le Conseil Constitutionnel
dans sa décision sur la loi d’habilitation, mais que le «
garant » de la Constitution rajoute des exigences à celles
du juge ou même se livre à une interprétation en contradiction
avec la sienne ? Quid, encore, lorsque face à des directives jurisprudentielles
assez floues, le Président conclut à une inconstitutionnalité
là où on pouvait conclure à l’inverse ? D’autre part
le rôle de garant ainsi invoqué suppose que le Président
ait été élu pour exercer un rôle d’arbitre et
qu’il se comporte comme tel. Mais peut-on reconnaître un rôle
de juge constitutionnel « en second » au capitaine d’une équipe
vaincue ou victorieuse, de telle sorte que l’interprète soit à
la fois juge et partie ?
Tous ces questionnements
sont laissés de côté par les partisans du refus partiel
ou total de signer, de telle sorte que les participants à la controverse
soulèvent, en général, plus de questions qu’ils n’en
résolvent.
Mais, comme chacun sait,
l’analyse d’un discours ou d’une controverse serait incomplète si
elle ne portait que sur ce qui est dit, car plus éloquents que les
paroles sont souvent les silences.
Or, la controverse sur la
signature des ordonnances fait justement apparaître chez la plupart
des protagonistes, quelle que soit la solution qu’ils préconisent,
des non-dits, c’est à dire des arguments absents alors qu’ils auraient
pourtant permis d’appuyer pertinemment leurs interprétations respectives.
B. Les arguments délaissés
Plusieurs types d’argumentations
auraient pu venir utilement au secours des protagonistes, qu’ils soient
partisans de l’obligation ou du refus de signer, mais ont été
curieusement délaissés.
1. Pour la faculté
d’empêcher
En faveur d’une compétence
présidentielle discrétionnaire, il était possible
d’invoquer un autre et solide argument de texte.
La faculté présidentielle
d’empêcher pouvait trouver un appui sérieux sur l’article
21 de la Constitution, en l’utilisant différemment de ce qui a été
fait. On pouvait, en effet, arguer que les articles 13 et 21 forment un
couple fondé sur un système de vases communicants entre les
compétences normatives du Président de la République
et celles du Premier ministre. « Sous réserve des dispositions
de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire… » signifie
qu’en signant les ordonnances et les décrets le chef de l’Etat exerce
bel et bien un « pouvoir » réglementaire lui laissant
donc le choix d’adopter ou non tel ou tel projet d’ordonnance ou de décret.
Une telle interprétation, purement littérale, fait évidemment
fi de la signification politique et parlementaire du contreseing, mais
d’autre arguments grammaticaux moins sûrs ayant été
utilisés, on comprend difficilement que celui-là ne l’ait
pas été.
2. Pour l’obligation de
signer
En faveur de l’obligation
de signer, on pouvait recourir très utilement aux méthodes
comparative et historique, pourtant singulièrement absentes
de la controverse, hormis dans l’évocation de l’article 19 par Yves
Gaudemet.
On sait que dans tous
les régimes parlementaires contemporains, qu’il s’agisse de monarchies
constitutionnelles ou de républiques, quand la Constitution dit
« le Roi » ou « le Président de la République
», il faut lire en réalité « le Gouvernement
» ou son chef. Cette grille de lecture est elle-même imposée
par un seul article de la Constitution, celui qui prévoit le contreseing
des actes du chef de l’Etat par les ministres. La compétence normative
suit ainsi la responsabilité politique : le véritable décideur,
celui qui a seul pouvoir de choisir la décision, est celui qui en
est responsable. Le chef d’Etat parlementaire étant irresponsable,
les pouvoirs que lui confèrent le texte ou la coutume sont donc
purement théoriques et nominaux. En conséquence de quoi,
tous les actes du Président de la Vème République
soumis aux contreseings de l’article 19 relèvent en réalité
de la compétence effective du Gouvernement, le chef de l’Etat ayant
pour seule mission et obligation de les authentifier par l’apposition de
son seing officiel.
La France n’est pas
le seul pays européen à connaître des délégations
du pouvoir législatif à l’exécutif, mais elle est
le seul où se pose la question de savoir si le chef de l’Etat peut
ou non refuser sa signature à une décision gouvernementale.
Or, il est frappant de constater qu’aucun des adversaires du pouvoir d’empêcher
n’ait songé à faire état du fait que le Grand-Duc
du Luxembourg, le Président de la République italienne, le
Roi de Norvège ou celui de Belgique signent également des
décrets législatifs sans que la question (saugrenue) d’un
éventuel refus de signer ne se pose, tandis que, depuis la crise
de Mai 1877, le Président de la République française
a toujours été considéré comme tenu de signer
les actes soumis au contreseing.
L’interprétation
historique et comparative avait de plus à son appui la lettre non
seulement de l’article 38, mais encore de l’article 20 indiquant «
le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation »,
qui est aussi singulièrement restée absente du débat.
3. Les travaux préparatoires
de la Constitution, enfin, ont été également complètement
ignorés par les protagonistes, bien qu’ils contiennent quelques
indications, il est vrai très ambiguës, sur la question posée
(4). Les discussions sur les futurs articles 13 et 21 de la Constitution
ont, en effet, été prioritairement tournées vers le
pouvoir de nomination qui préoccupait essentiellement les acteurs,
de telle sorte que le traitement du pouvoir réglementaire a suivi
celui du pouvoir de nomination sans avoir fait l’objet d’un débat
propre. Il semble qu’il y ait eu une hésitation, lors de l’élaboration
de la Constitution, entre le souci de faire pencher le pouvoir vers l’Elysée
ou, au contraire, vers Matignon. L’avant-projet de Constitution préparé
à la mi-Juin 1958 par Michel Debré prévoyait : «
Le pouvoir réglementaire appartient au Premier ministre »,
tandis que le projet du 23 Juin 1958 indiquait : « Le Président
de la République signe les ordonnances et les décrets. Il
peut déléguer ce pouvoir au Premier ministre ». Le
texte a ensuite oscillé entre plusieurs tournures légèrement
différentes avant d’aboutir à la rédaction définitive.
Si, de bonne foi, on ne peut donc objectivement retirer aucun indice certain
de cette partie des travaux, il eût cependant été possible
aux adversaires de la faculté d’empêcher de replacer la discussion
sur les articles 13 et 21 dans le débat sur le contreseing des actes
présidentiels. Celui-ci ne laissait en effet pas beaucoup de doutes
sur le sens à lui accorder puisqu’il a été clairement
affirmé et admis, devant le Conseil d’Etat, que le décret
de dissolution de l’Assemblée Nationale ne devait surtout pas être
contresigné pour lui conserver son caractère d’arbitrage
présidentiel et ne pas transférer ce pouvoir au Premier ministre
(5).
On constate donc que l’ensemble
des participants à la controverse a utilisé quelques éléments
d’interprétation grammaticale, analogique ou fonctionnelle, mais
laissé de côté tant la méthode historique que
la technique comparative, tout en négligeant aussi d’autres arguments
de texte. C’est donc cette sélection étroite
des types d’argumentation qui conduit à s’interroger sur les présupposés
éventuels des protagonistes.
Les présupposés
politiques, au sens partisan du terme, de certains auteurs n’ont évidemment
échappé à personne, soit qu’on les connaisse à
l’avance, soit qu’on les devine au quotidien choisi pour s’exprimer, soit
encore qu’ils apparaissent clairement dans les failles de l’argumentation.
Ces présupposés devaient logiquement conduire les juristes
« de gauche » à défendre le pouvoir d’empêcher
du Président Mitterrand, et les juristes « de droite »
à refuser le blocage du programme de Jacques Chirac.
L’analyse des argumentations
échangées ne me paraît cependant pas se résumer
à cette opposition. Dans son article de la revue Pouvoirs, Michel
Troper avait minimisé les présupposés d’ordre constitutionnel
opposant les « présidentialistes » aux « parlementaristes
» au motif que, parmi les partisans de l’obligation de signer les
ordonnances on repérait des partisans du régime présidentiel.
Pour ma part, je crois, au contraire, que ce présupposé-là
est omniprésent dans la controverse mais qu’il l’est de manière
uniforme c’est à dire que tous les protagonistes sont en réalité
imprégnés d’un assez fort préjugé « présidentialiste
».
La situation politique
en 1986 est telle que c’est l’auteur du « coup d’Etat permanent »
qui se trouve assis dans le fauteuil présidentiel et qui a donc
apparemment et paradoxalement intérêt à défendre
le pouvoir élyséen, tandis que c’est l’héritier du
gaullisme qui se trouve à Matignon et devrait logiquement défendre
la seule volonté parlementaire. Mais, il est aussi déjà
largement perceptible que le pourfendeur de la dérive présidentialiste
gaullienne a finalement trouvé le costume du Général
confortable, tandis que l’occupant de Matignon ne désespère
pas de l’essayer « dans deux ans ». Aucun des deux cohabitants
ne souhaite donc voir tomber définitivement la fonction présidentielle
dans le fameux « pouvoir neutre » de Benjamin Constant, puisque
chacun entend bien trouver (ou retrouver) tôt ou tard, à l’Elysée,
le rôle du capitaine plutôt que celui de l’arbitre. Et cette
ambiguïté des deux acteurs se retrouve évidemment chez
leurs « supporters » juristes. Les juristes de droite ont sans
doute un intérêt immédiat à prôner l’obligation
de signer, mais, ce faisant, ils s’engagent à adopter la même
interprétation si la situation venait un jour à s’inverser.
Les juristes de gauche, quand à eux, sont encore plus mal à
l’aise : en tant qu’hommes de gauche ils souhaitent, dans l’immédiat,
défendre les prérogatives de François Mitterrand,
tout en sachant aussi que si la situation s’inverse ils seront piégés
par leur prise de position actuelle, mais, en tant que juristes scientifiques
il leur est quand même plus difficile qu’au chef de l’Etat de «
tourner leur veste » spectaculairement sur la critique de la dérive
présidentialiste du régime.
En tout état
de cause, cependant, il faut bien reconnaître que toute une génération
de constitutionnalistes, de gauche comme de droite, semble avoir
largement accepté ladite présidentialisation, comme en témoignent
aussi bien les manuels de droit constitutionnel que les articles de doctrine,
ou les différents colloques, d’où la signification, voire
la seule évocation, du contreseing tend souvent à disparaître
ou à être marginalisée. Il n’est ainsi pas rare de
lire dans des manuels de première année que le contreseing
signifie « pouvoir partagé » c’est à dire co-décision
alors que ce n’est pas le sens qu’il convient théoriquement de lui
donner dans un régime parlementaire moderne. Mais il faut convenir
que ce type de préjugé présidentialiste est, à
vrai dire, omniprésent dans toutes les grandes controverses de la
Vème République concernant, notamment, la durée du
mandat présidentiel ou la responsabilité pénale du
chef de l’Etat.
C’est sans doute ce
type de présupposés qui explique les retenues et réticences
des participants à la controverse à aller au bout de leur
logique respective en invoquant des arguments « lourds » qui
les auraient immanquablement conduits à reposer globalement la question
de la nature du régime. On ne saurait évidemment se voiler
la face sur le fait que la question de la signature des ordonnances est
inséparable de celle, plus large, du choix entre un régime
parlementaire moniste où « le Roi règne mais ne gouverne
pas », et un régime parlementaire dualiste où «
le trône n’est pas un fauteuil vide ». Dans la RFDA de 1987
Louis Favoreu écrit : « Lorsque que Gouvernement et
Président de la République sont en harmonie, on peut penser
que le programme du Gouvernement est aussi celui du Président de
la République ; mais, au cas contraire, l’exigence de l’autorisation
(présidentielle) d’exécution d’un programme n’a plus grand
sens sauf à admettre qu’une double autorisation est nécessaire
(de la part du Parlement et de la part du Président ) » (6).
Cette notion de « double autorisation » qui résulterait
effectivement de l’admission d’un droit de veto présidentiel sur
les ordonnances, découle de celle de « double confiance »
sur laquelle repose le parlementarisme orléaniste. C’est donc bien
là que se situe encore tout le débat, mais il semble que
les « controversants » sur la signature n’aient surtout pas
voulu le redéployer dans son amplitude.
Pour les partisans
de l’obligation de signer, les arguments tirés des articles 19 et
20 de la Constitution, rapprochés de l’histoire constitutionnelle
(notamment les expériences de Charles X et Mac Mahon) et du droit
comparé, auraient sans doute été trop forts car susceptibles
de remettre en cause toute l’évolution du régime. Pour les
partisans du droit de veto, le rapprochement pertinent des articles 13
et 21 pour reconnaître pleine compétence normative au Président
de la République, emportant avec lui tous les décrets réglementaires
et de nomination délibérés en conseil des ministres,
risquait aussi de les entraîner sur une pente trop glissante dans
un contexte ambigu. C’est sans doute ce qui explique que la plupart des
protagonistes se soit concentrée sur des arguments étroits
(voire même mesquins comme celui du présent de l’indicatif)
et assez faibles, comme s’ils avaient eu peur d’utiliser des méthodes
d’interprétation qui, pour être plus convaincantes et efficaces,
n’en auraient pas moins eu des répercussions beaucoup plus larges
et, partant, plus compromettantes pour leurs présupposés
partisans et/ou constitutionnels.
On doit encore ajouter
une éventuelle réserve purement pratique à ces observations.
S’étant essentiellement déroulée dans la presse écrite
la controverse n’a peut-être pas non plus permis aux protagonistes
de défendre des raisonnements très amples et développés,
dans des articles que la rédaction des journaux souhaite généralement
courts et concis. Il arrive même que les rédactions suppriment
quelques phrases ou petits paragraphes à l’insu des auteurs, ce
qui peut (aux yeux du juriste à défaut du journaliste) altérer
quelque peu la qualité et la logique de la démonstration.
On ne peut donc négliger l’éventualité de ce type
de contraintes concrètes dans l’analyse de la controverse.
Quand à la question
particulière du refus de signer seulement les ordonnances
inconstitutionnelles, il semble qu’elle ait trouvé un commencement
de réponse, prudente et implicite, dans les décisions du
Conseil Constitutionnel des 25-26 Juin 1986 et 1er-2 Juillet 1986. En effet,
le Conseil y fait une allusion inhabituelle et appuyée à
l’article 13, laissant entendre que le juge constitutionnel fait peut-être
« du pied » au Président de la République pour
l’inviter à refuser de signer les ordonnances qui seraient contraires
à ses directives d’interprétation et d’application. La formule
est sans doute trop allusive pour qu’on puisse en dégager une conclusion
certaine, d’autant qu’elle soulèverait de difficiles problèmes.
S’il peut y avoir des cas, en effet, où l’ordonnance est manifestement
inconstitutionnelle et où l’on est donc certain que le Président
ne se tromperait pas beaucoup en la sanctionnant, il en est d’autres où,
compte tenu de la délicatesse de la vérification, l’appréciation
présidentielle serait sujette à caution, et où il
serait préférable de signer en s’en remettant à d’éventuels
recours devant le juge ordinaire.
Ceci nous amène
donc à examiner une autre controverse, plus discrète et moins
politisée, concernant la nature des ordonnances et donc le juge
compétent pour en connaître.
II . La nature des
ordonnances
Ici, point de joutes
dans la grande presse ni de titres péremptoires du type «
Il doit » ou « Il peut », mais plutôt une querelle
de chapelle qui rappelle de grands débats de la IIIème République,
à cette différence prés que c’est un présupposé
juridictionnel plutôt que juridique qui semble vouloir ranimer la
dispute.
Les ordonnances ont-elles
une nature législative ou réglementaire ? Leur contrôle
devrait-il relever du Conseil Constitutionnel ou du Conseil d’Etat ? On
devine déjà, à la seconde question, que le doyen Favoreu
est sûrement partie à la controverse qui apparaît effectivement
dans son article publié à la RFDA de 1987, intitulé
: « Ordonnances ou réglements d’administration publique ?
La destinée singulière des ordonnances de l’article 38 de
la Constitution ».
A vrai dire, je ne
suis pas certaine qu’il s’agisse d’une controverse au sens où l’entend
notre chef d’atelier, en ce sens que la tonalité irritée
et un peu agressive adoptée par le doyen Favoreu dans son article
semble s’adresser au Conseil d’Etat et à « la plupart des
auteurs », mais cette dernière n’a manifestement pas souhaité
rentrer dans la polémique, de telle sorte que l’on assiste à
une sorte de controverse en solo. C’est prés de dix plus tard que
le duel vinaigré prend corps entre Louis Favoreu et Pierre Delvolvé,
dans la même revue, mais s’il naît à l’occasion du contrôle
d’une ordonnance par le Conseil d’Etat, il ne porte cependant plus sur
ce contrôle lui-même mais sur la place des principes généraux
du droit dans la hiérarchie des normes (7) qu’on laissera donc ici
de côté.
Le doyen Favoreu introduit
son offensive contre les ordonnances en indiquant : « La question
des ordonnances est aujourd’hui l’une des plus complexes et des plus confuses
qui soient. Ceci ne transparaît pas généralement chez
la plupart des auteurs qui, campant encore une fois sur des positions
acquises au début des années 60, sont persuadés que
la Constitution et le droit constitutionnel sont restés tels qu’ils
étaient il y après de trente ans », et il ajoute que,
justement, la querelle de la signature aurait masqué le débat
de fond sur l’exercice du pouvoir normatif.
L’auteur accuse le
Conseil d’Etat d’avoir, en 1961, « entendu la cause avant qu’elle
ne soit plaidée » en assimilant les ordonnances aux
anciens décrets-lois, c’est à dire en qualifiant l’ordonnance
non ratifiée d’acte administratif et en acceptant d’en connaître.
Par voie de conséquence tous les juristes qui ne trouvent rien à
redire à cette solution jurisprudentielle se trouvent suspectés
de soixantardisme rétrograde. A plusieurs reprises Louis Favoreu
prêche ainsi en faveur du caractère législatif des
ordonnances qui auraient du, selon lui, échapper au contrôle
du Conseil d’Etat. Ce contrôle est de surcroît qualifié
de pur mythe par l’auteur, au motif qu’il n’aurait porté que
sur trois ordonnances adoptées entre 1960 et 1967.
Le doyen admet cependant
que « selon l’interprétation que l’on fait du texte (de l’article
38) on peut y voir un acte législatif ou un acte réglementaire
», mais trouve des contradictions dans la jurisprudence qui tantôt
semble prêter à l’ordonnance les caractères de la loi,
tantôt ceux d’un acte réglementaire, et qualifie ce régime
de « byzantin ».
Le problème
est que l’enjeu de la critique n’apparaît pas clairement, car son
auteur n’indique nulle part s’il considère que l’ordonnance ne devrait
faire l’objet d’aucun contrôle juridictionnel, ou si le Conseil d’Etat
aurait du s’abstenir de « s’attribuer » cette compétence
pour l’abandonner à un autre juge, et, dans ce cas, lequel.
L’ordonnance est par
nature un acte mixte, matériellement législatif et organiquement
administratif, et son régime contentieux implique effectivement
de choisir lequel des deux critères sera déterminant pour
son contrôle. Cette question n’est pas nouvelle puisqu’elle avait
animé de très importants débats sous la IIIème
République, au sujet de la contestabilité des règlements
d’administration publique. Ceux-ci étaient en effet, à l’époque,
considérés comme émanant d’une délégation
du pouvoir législatif et participant donc de la nature de la loi
elle-même. Il en résultait que le recours pour excès
de pouvoir était irrecevable contre ces règlements,
ainsi assimilés aux lois elles-mêmes. Cette assimilation était
cependant apparue comme abusive à une partie de la doctrine qui
s’inquiétait de ce que des actes normatifs généraux
pris par l’autorité exécutive ne puissent faire l’objet d’aucun
contrôle. La doctrine se scinda alors en deux camps : les auteurs
fidèles à l’idée de délégation continuèrent
d’approuver l’irrecevabilité du recours (8), tandis que d’autres,
abandonnant l’idée de délégation, se prononcèrent
en faveur de sa recevabilité (9). Entre les deux thèses,
Félix Moreau défendait une position originale en admettant
la recevabilité du recours tout en restant fidèle à
l’idée de délégation (10). C’est finalement cette
solution médiane qu’a retenue le Conseil d’Etat en 1907, considérant
que « si les actes du chef de l’Etat portant règlement d’administration
publique sont accomplis en vertu d’une délégation législative
(…) ils n’échappent pas néanmoins, et en raison de
ce qu’ils émanent d’une autorité administrative, au recours
pour excès de pouvoir (11).
C’est donc le critère
organique de l’auteur de l’acte qui emporte son régime contentieux.
Le Conseil d’Etat étendra naturellement ensuite cette solution aux
décrets-lois et aux ordonnances de l’article 38, ainsi qu’à
toutes les décisions de l’exécutif non ratifiées prises
dans le domaine de la loi (ordonnances prises sur le fondement de la loi
du 3 Juin 1958, puis ordonnances référendaires), à
l’exception des cas où la Constitution confère immédiatement
force de loi auxdits actes (article 92) et de ceux que le juge administratif
s’interdit de connaître au nom de la raison d’Etat (décisions
de l’article 16), ou encore faute de normes de référence
efficaces ( actes dits lois de Vichy, ordonnances du CFLN et du GPRF).
Louis Favoreu n’invoque
cependant aucun argument en faveur de la soustraction des ordonnances non
ratifiées au contrôle du Conseil d’Etat. Il juge qu’il eût
été plus simple de leur reconnaître tout de suite un
caractère législatif, mais sans indiquer sur quel fondement
le juge administratif aurait pu décliner sa compétence.
Les arguments de texte ne
manquent pas en faveur du contrôle du Conseil d’Etat, mais ils ne
sont pas discutés par l’auteur de la controverse. Les ordonnances
de l’article 38 ont bien valeur législative en ce sens qu’elles
peuvent modifier et abroger les lois en vigueur, sauf à respecter
une seule loi : la loi d’habilitation. Mais l’article 38 ne leur reconnaît
nullement force de loi dés leur signature comme le faisait l’article
92. Seule la ratification parlementaire implicite ou explicite peut donc
leur conférer une telle force et les soustraire au contrôle
du juge ordinaire. En outre, l’article 61 de la Constitution ne permet
aucune équivoque sur l’incompétence du Conseil Constitutionnel
pour connaître directement des ordonnances. Enfin, l’ordonnance du
31 Juillet 1945 confiant au juge administratif le contrôle des actes
« des autorités administratives », ne permettait guère
au Conseil d’Etat de consacrer un soudain déni de justice à
l’égard de décisions que seule leur mention expresse dans
la Constitution distingue des anciens décrets-lois. A moins donc
de considérer qu’une absence de contrôle des ordonnances non
ratifiées eût constitué un progrès de l’Etat
de droit, on voit mal ce que Louis Favoreu reproche exactement à
la solution du Conseil d’Etat et à son approbation par la doctrine
et le Conseil Constitutionnel, puisqu’il ne développe réellement
aucune interprétation contraire.
Mais comme la controverse
sur la signature a fait apparaître les présupposés
« constitutionnels » des auteurs, il semble que la controverse
sur la nature révèle le présupposé «
juridictionnel » de son initiateur. Le secret désir non pas
de constitutionnalisation des ordonnances, au sens de soumission de celles-ci
à la Constitution, mais plus encore de contrôle exclusif de
celles-ci par le Conseil Constitutionnel, seul habilité par Louis
Favoreu à mériter le label de juge constitutionnel, semble
avoir motivé sa mauvaise humeur à l’égard d’un juge
administratif et d’une doctrine accusés d’ignorer les innovations
constitutionnelles.
Comme la querelle sur la
signature des ordonnances camouflait maladroitement un procès Elysée
v. Matignon, la controverse isolée sur leur nature semble faire
apparaître un procès Conseil Constitutionnel v. Conseil d’Etat,
mais dans lequel l’avocat du premier ne formule pas explicitement ses prétentions.
En conclusion, quelle que
soit l’exactitude (sûrement très discutable) de mon «
interprétation des interprétations », je tiens à
remercier Dominique Rousseau de nous avoir invité à un exercice
inhabituel et ludique de psychanalyse doctrinale et de sondage des penchants
de nos collègues. Souhaitons que cet atelier soit de nature à
inciter les chercheurs à approcher une discipline encore peu prisée
des publicistes français : la sociologie du droit (12).
Notes de bas de page
:
1) Ce texte est issu d’une
communication présentée au IVème congrés français
de droit constitutionnel, Aix-en-Provence, 10,11 et 12 Juin 1999, Atelier
n°3 : Contoverses constitutionnelles
2) « La signature des
ordonnances – Fonctions d’une controverse », Pouvoirs, n°41,
1987, p.76
3) on trouvera la liste des
principales contributions à la controverse, sur la période
1986-1987, à la fin de cette étude
4) Documents pour servir
à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 Octobre
1958, Volumes 1 et 3, La documentation française
5) Documents pour servir…Volume
3, p. 80
6) Ordonnances ou règlements
d’administration publique ? La destinée singulière des ordonnances
de l’article 38 de la Constitution, RFDA, 1987, n°5, p.696
7) RFDA, 1996, n° 5
8) notamment Laferrière
et Aucoc
9) notamment Esmein, Berthelemy,
Duguit et Carré de Malberg
10) Le règlement administratif,
Paris, 1902, p.291
11) CE – 6 Décemre1907
– Cie des chemins de fer de l’Est – D, 1909, III, p. 57, concl. Tardieu
12) Liste des principales
contributions à la controverse étudiée :
- Ph. Ardant, L’article
5 et la fonction présidentielle, Pouvoirs, n°41, 1987, p. 40
- G. Bacot, La signature
des ordonnances, Revue administrative,1986, p. 453
- Ch. Debbasch, La vertu
faussement outragée, Le Figaro, 1er Avril 1986
- O. Duhamel, Ordonnances
: signer ou ne pas signer ? Le Monde, 12 Avril 1986
- R. Drago, Mitterrand commet
un abus de pouvoir, Le Figaro, 16 Juillet 1986.
- M. Duverger, Le Président
de la République n’est pas obligé de signer, Le Monde, 22
Mars 1986
- L. Favoreu, La politique
saisie par le droit, Economica, p. 123 et « Contradictions »,
Le Monde, 22 Juillet 1987
- P. Ferrari, Le Républicain
lorrain, 25 Avril 1986
- J. Fournier, Politique
gouvernementale : les trois leviers du Président, Pouvoirs, n°41,
1987, p.67
- Y. Gaudemet, Le Président
est tenu de signer, Le Monde, 18 Avril 1986
- Léo Hamon, La Croix,
23 Avril 1986
- J. Larché, Le Président
de la République est tenu de signer les ordonnances, Le Monde, 29
Mars 1986 et Le Quotidien, 3 Avril 1986
- B. Mathieu, Les rôles
respectifs du Parlement, du Président de la République et
du Conseil Constitutionnel dans l’édiction des ordonnances, RFDA,
1987, n°5, p.700
- B. Pecquerie, Le
Matin, 11 Avril 1986
- O. Pignon, Le Figaro,
11 Avril 1986
- J. Robert, M. Mitterrand
peut refuser de signer, Le Monde 18 Avril 1986