format pour impression(IMPRESSION)

A LIRE EGALEMENT :
La limitation de l’appel pour les litiges de faible importance
La responsabilité de l’Etat en droit aérien : L’exemple de la France et de l’Allemagne
Dossier documentaire relatif au projet de réforme de la procédure juridictionnelle applicable aux arrêtés ministériels d’expulsion des étrangers
Le principe de précaution, outil effectif du processus de décision publique
Réforme des retraites et rétroactivité : les limites d’une effraction législative
Commentaire de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, 8 novembre 2002, n° 99PA03962, Le Provost
Les chambres mortuaires à l’épreuve de la canicule
Essai sur les préceptes de la fonction juridictionnelle
La police du cinéma : de la protection des mineurs au rejet de l’ordre moral
L’exercice d’activités privées lucratives par les agents à temps non complet



De l’obiter dictum au « communiqué de presse de règlement » : l’irresponsabilité du Président de la république sous la V° République

Par Michel LASCOMBE
Professeur de Droit Constitutionnel à l’Université de Lille 2

Par le communiqué de presse reproduit ci dessus et que l’on peut trouver sur le site Web du Conseil constitutionnel, le Conseil donnait son interprétation de sa propre jurisprudence s’agissant de la question de l’irresponsabilité du chef de l’Etat.

Conseil Constitutionnel COMMUNIQUÉ 10 octobre 2000

Le Conseil constitutionnel, dont les décisions s’imposent, en vertu de l’article 62 de la Constitution, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, ne réagit qu’à titre exceptionnel aux commentaires publics le concernant. Tel est le cas aujourd’hui en raison de déclarations qui mettent en cause l’honneur de l’institution et de chacun de ses membres en présentant comme résultant d’un "marché" entre le Président du Conseil constitutionnel alors en fonctions et le Président de la République la partie de la décision du22 janvier 1999 portant sur la responsabilité pénale du Chef de l’Etat.

Aussi le Conseil estime-t-il nécessaire de rappeler que :

1) Les délibérations du Conseil constitutionnel sont collégiales. Il est inadmissible de présenter ses membres comme susceptibles de céder aux prétendus calculs de l’un d’entre eux.

2) Le Conseil constitutionnel a eu à répondre, en 1999, à une demande conjointe du Président de la République et du Premier ministre relative à la compatibilité avec la Constitution du traité sur la Cour pénale internationale. Il a donc procédé, comme il en a la mission, à une analyse exhaustive de ce texte pour dire précisément en quoi il contredisait la Constitution, en particulier son article 68.

3) Conforme au texte de l’article 68 de la Constitution, la décision du 22 janvier 1999 précise que le statut pénal du Président de la République, s’agissant d’actes antérieurs à ses fonctions ou détachables de celles-ci, réserve, pendant la durée de son mandat, la possibilité de poursuites devant la seule Haute Cour de justice.

Le statut pénal du Président de la République ne confère donc pas une "immunité pénale", mais un privilège de juridiction pendant la durée du mandat.

Ainsi est assuré, selon la tradition constitutionnelle de la France, le respect des principes républicains.

Par le communiqué de presse reproduit ci dessus et que l’on peut trouver sur le site Web du Conseil constitutionnel, le Conseil donnait son interprétation de sa propre jurisprudence s’agissant de la question de l’irresponsabilité du chef de l’Etat. Il donnait par la même occasion le coup d’envoi d’une nouvelle campagne contre laquelle devra se défendre l’actuel Président de la République en expliquant que le Président ne disposait pas (plus), pour les faits commis en dehors de ses fonctions et donc avant son entrée en fonction, d’une immunité le protégeant de toute poursuite juridictionnelle. La question de l’irresponsabilité du Président de la république redevient donc, deux ans avant l’élection présidentielle, un sujet d’actualité. En deux ans, le statut du Président de la République s’est totalement transformé et le Conseil constitutionnel a largement contribué à changement. Etait-il vraiment nécessaire que le Conseil intervienne à nouveau dans cette question après les critiques que lui avait values son intervention précédente. Pour tenter de justifier les changements qu’imprime progressivement le Conseil à sa magistrature, il faut essayer de faire le point sur la situation exacte du Président de la République telle qu’elle résulte maintenant de la position prise par la Haute assemblée. Le principe d’irresponsabilité est dépassé (I) pour laisser la place à un simple privilège de juridiction(II).

I. Le principe de l’irresponsabilité du Président de la République L’irresponsabilité du Chef de l’Etat est une tradition de tous les ré­gimes politiques ; qu’ils soient monarchistes ou républicains, démo­cratiques ou autoritaires, présidentiels ou parlementaires, tous l’affir­ment (A). Repris sous la V° République, on peut cependant se demander s’il est encore parfaitement en phase avec l’évolution de la société internationale (B). A. Les origines du principe de l’irresponsabilité présidentielle. L’origine de l’irresponsabilité des Présidents de la République doit être recherchée dans l’irresponsabilité qui, traditionnellement est appliquée aux chefs d’Etat. On peut en retrouver trace très loin dans le caractère divin de la monarchie, voire même dans l’impérium consulaire et proconsulaire d’Auguste. On traduira cette réalité par des formules connues comme « Le Roi ne peut mal faire » ou encore « Le Roi n’a de comptes à rendre qu’à Dieu » qui deviendra dans le texte de notre première Constitution (3 septembre 1791) : « La personne du Roi est inviolable et sacrée » (Article 2, sect. 1, chap. II). Les textes postérieurs sont tous allés dans le même sens, exception faite des Constitutions du 24 juin 1793, 5 fructidor An III. Ainsi, l’article 69 de la Constitution de l’An VIII, article 13 de la Charte de 1814 et l’article 12 de celle de 1830, et implicitement l’article 5 de la Constitution du 14 janvier 1852, organisent-ils cette irresponsabilité qui sera reprise par les Républiques ultérieures : article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 et article 42 de la Constitution du 27 oct. 1946. Dès lors, l’article C. 68 de l’actuelle Constitution s’inscrit dans cette tradition. Le Président de la République, incarnation de la Nation ou encore « homme de la Nation »[2] ne peut évidemment être traité comme n’importe quel responsable politique au risque de voir la Nation qu’il incarne être elle même mise au banc des accusés.

Pourtant l’irres­ponsabilité mise en œuvre dans le cadre de l’article C. 68, comme celle conçue par les régimes antérieurs, n’est que politique ; le Chef de l’Etat reste respon­sable pénalement. L’irresponsabilité politique, sous la V° République se justifie d’autant plus que la Constitution donne au Président de la République un rôle d’arbitre qu’il ne pourrait réellement exercer s’il avait à répondre de ses décisions politiques. Quant à la responsabilité pénale elle se présente maintenant sous un double aspect. D’une part, elle recouvre le crime de haute trahison qui peut seul engager sa responsabilité dans l’exercice de ses fonctions devant une juridiction nationale particulière : la Haute Cour de justice. En cela rien de nouveau par rapport aux Républiques antérieures. D’autre part, elle renvoie aux crimes internationalement définis (crime de génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre et crime d’agression) susceptibles de conduire le Président de la République, en vertu de l’article C. 53-2[3], devant la Cour Pénale Internationale créée par le traité de Rome du 18 juill. 1998. Cette dernière hypothèse étant encore par trop récente, nous nous intéresserons surtout au premier cas.

La notion de « haute trahison » est en réalité difficile à cerner ; elle n’est pas définie dans le code pénal. Si on la comprend bien dans un contexte historique comme une infraction exclusivement pénale (prévarication, intelligence avec l’ennemi), elle reste relativement imprécise dans le droit contemporain[4]. On doit incon­testablement considérer que s’ajoutent à ces hypothèses anciennes les manquements graves que pourrait commettre un Chef d’Etat dans l’exercice de sa charge (violation des règles constitutionnelles et en particu­lier non respect, dans les délais impartis, d’une compétence liée comme par exemple en matière de promulgation)[5] ; dès lors la haute trahison prend un aspect plus politique même si le mot « crime » y est encore accolé[6]. Du reste, la Constitution de 1848 disposait déjà dans son Article 68 :

« Toute mesure par laquelle le Président de la République dissout l’assemblée nationale, la proroge ou met obstacle à l’exercice de son mandat, est un crime de haute trahison »[7].

Quant à la procédure de jugement pour haute trahison, elle fait, là aussi de manière classique dans notre droit constitutionnel, appel à cette dualité de conception. Une procédure qui emprunte au droit pénal, que l’on tente de faire appliquer (et donc d’adapter) par un organe à composition parlementaire. Sous la III° République c’est le Sénat qui se transformait en Cour de justice, et jugeait le Président de la Répu­bli­que après que la Chambre des députés l’eut mis en accusation. Si la mise en accu­sa­tion appartient encore à la chambre basse sous la IV° République (Article 42), le soin de juger le Président est confié, du fait de l’abaissement des pou­voirs de la seconde chambre, à une “Haute Cour” élue par l’Assemblée nationale en son sein. L’article C. 68 prévoit qu’il appartient aux deux assemblées, par un vote identique, de déclencher les poursuites. C’est ensuite la “Haute Cour de Justice”, composée d’un nombre égal de Députés et de Sénateurs élus par chaque chambre (article C. 67), qui jugera. Jusqu’à une date récente, on se contentait facilement de ces explications. Mais peut-on, encore aujourd’hui, s’en satisfaire ?

B. L’impossible maintien en l’état du principe de l’irresponsabilité présidentielle. La situation telle que nous venons de la décrire n’était pourtant pas viable. ·Le premier coup de boutoir fut donné à la Haute cour par son incapacité à juger les ministres. Par deux fois pourtant les deux assemblées ont voté une résolution de mise en accusation à la majorité absolue : en 1987 contre Ch. Nucci, ancien ministre de la Coopération, accusé de faux en écri­tures publiques et privées ; en 1992, contre L. Fabius, ancien Premier ministre, G. Dufoix et E. Hervé, anciens mi­nistres de la Santé, pour non-assistance à personne en danger. Dans le premier cas, une loi d’amnistie vint opportunément soustraire l’ancien ministre à ses juges, dans le second cas, la Commission d’instruction estima que les faits étaient prescrits. Ces deux affaires relancèrent le débat sur la pertinence d’une procédure d’exception pour les ministres et conduisirent à l’adoption de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 créant la Cour de Justice de la République (Article C. 68-1 et C. 68-2). La Haute Cour de justice ne reste donc, depuis lors, compétente que pour juger le Président de la République. Or, jusqu’à présent, que ce soit sous la Constitution actuelle ou sous les III° et IV° Républiques, jamais un Président de la République n’a été poursuivit devant la Haute cour. Certes le 23 juillet 1945, la “Haute Cour de Justice” instituée par l’ordonnance du 13 novembre 1944, jugeait le Maréchal Pétain, chef de l’« Etat français ». Mais, tout d’abord, le fait qu’elle n’ait pas était instituée par une Constitution, en fait une expérience à part[8] dans notre pratique constitutionnelle. Ensuite, l’acte d’accusation renvoyait le Maréchal Pétain devant cette cour pour « attentat contre la sûreté de l’Etat et intelligence avec l’ennemi », crimes relevant l’un et l’autre de la définition ancienne de la haute trahison et à connotation essentiellement pénale[9].

·Le second coup fut plus insidieux. Certes, il n’est pas possible de comparer la situation dans notre pays avec les circonstances particulièrement dramatiques que connaissent certaines dictatures. Pourtant , pouvait-on encore, se satisfaire d’un mécanisme d’irresponsabilité du chef de l’Etat alors que la responsabilité se développe pour les autres fonctions politiques et même pour les chefs d’Etat, qu’ils soient ou non en fonction.

S’agissant des chefs d’Etat, le principe général d’irresponsabilité commençait à se fissurer tant pour ceux qui avaient quitté le pouvoir avant l’engagement des poursuites que pour ceux qui exerçaient encore leur fonctions. Ainsi, on se souvient de la décision du 25 nov. 1998 de la chambre des Lords refusant l’immunité à A. Pinochet, de la décision prise ensuite à son endroit par la Cour suprême du Chili le 8 août 2000[10], levant son immunité parlementaire[11],, de l’acte d’accusation du 24 mai 1999 par lequel le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie engageait des poursuites contre Slobodan Milosevic[12], Président de la république fédérale Yougoslave, de la décision du 19 octobre 2000 de la Chambre d’appel du tribunal pénal international pour le Rwanda confirmant la condamnation à la prison à vie de J. Kambanda qui n’était pas chef d’Etat mais ancien Premier ministre, de la décision du 20 octobre 2000 de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris autorisant le juge Bruguière à instruire une plainte déposée contre le colonel Kadhafi dans le cadre de l’enquête sur l’attentat perpétré en 1989 contre un DC-10 de la compagnie UTA[13]

Ce faisceau de circonstances devait nécessairement faire réagir le droit interne français à un moment où la gestion de la capitale par l’ancien maire de Paris devenu Président de la République était de plus en plus contestée.

II. Le privilège de juridiction du Président de la République En effet, la question de la responsabilité du Président devait rebondir en 1999 avec le développement des affaires affectant la gestion de la ville de Paris alors que J. Chirac en était maire. Ceci devait alimenter à nouveau le débat tant dans la presse qu’au Parlement, en distinguant la situation selon qu’il s’agissait de sanctionner l’activité du Président de la République dans l’exercice de ses fonctions (A) ou en dehors de celles-ci (B). A. L’irresponsabilité présidentielle pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Doit-on estimer qu’il n’existe, en dehors de la haute trahison, aucune responsabilité du Président de la République agissant dans l’exercice de ses fonctions ? Lorsque le chef de l’Etat ne détient aucun pouvoir réel comme sous les III° et IV° Républiques, une réponse affirmative ne pose pas de problème. En revanche, sous la V° République, cela paraît plus contestable. Aussi la question de la responsa­bilité du Président devant le peuple est-elle souvent évoquée. Selon les partisans de cette analyse, la responsabilité du Président devant le peuple se manifesterait lors d’élections législatives ou de référendum. S’agissant des élections législatives, il n’y a jamais eu de doctrine très claire. Au contraire, lorsque les Présidents de la République se sont exprimés, c’est généralement pour affirmer que, quels ques soient les résultats des élections, ils resteraient en fonction[14]. S’agissant du référendum, il est vrai que Charles De Gaulle, utilisant cette technique dans un sens très plébiscitaire, y trou­vait un moyen de conforter sa politique et son pouvoir dans des pé­riodes délicates où son autorité était mise en cause. Du reste, poussant la logique jusqu’au bout, il devait démissionner au lendemain du réfé­rendum négatif de 1969. Il semble pourtant qu’il y ait là plus une dé­formation tenant à la stature du personnage que la naissance d’une cou­tume constitutionnelle. Le Président Pompidou ne laissait pas entendre qu’il aurait tiré les mêmes conclusions si le référendum de 1972 avait été négatif et l’on ne pouvait à l’évidence rien tirer de tel du référendum de 1988. Enfin, lors du référendum de 1992, F. Mitterrand indiquait clairement qu’il resterait en fonction quel que soit le résultat. Mais en dehors de ces hypothèses, qui renvoient aux électeurs le soin de se faire juge de l’action du Président de la république, l’impossibilité pour qui que ce soit d’autre de s’ériger en censeur de l’action politique du chef de l’Etat semble rester une interdiction absolue.

Jusqu’en 1974 l’irresponsabilité du Président de la République était telle qu’un crime d’offense au Chef de l’Etat le protégeait. Bien que prévu par la loi du 29 juillet 1881, c’est surtout sous la V° République que des condamnation en grand nombre devait être prononcées sur cette base (500 rien que sous les deux septennats de Charles De Gaulle[15]). Pour le reste, il semblait évident que le Chef de l’Etat n’avait à répondre de ses actes devant personne. En tout cas, F. Mitterrand devait voir dans l’irresponsabilité présidentielle un principe tellement fort qu’il intervint en août 1984, en tant que gardien de la Constitution, pour préciser que l’ancien Président Giscard d’Estaing n’avait pas à déférer à une convocation lui enjoignant de se présenter devant une commission d’enquête parlementaire à propos de faits survenus durant son mandat[16]. La même situation s’est reproduite en 1998. Invité à venir devant la commission d’enquête parlementaire sur le Rwanda expliquer le contenu d’un accord passé entre ce pays et la France en 1975, le Président V. Giscard d’Estaing a rappelé le principe constitutionnel de l’irresponsabilité :

« S’agissant des années 1974 à 1981, je ne vois pas comment, ni au nom de quel principe constitutionnel un ancien Président de la République pourrait avoir à rendre compte, devant une mission parlementaire, de ses actes ou d’une politique conduite par son gouvernement, ni même des analyses qui l’ont amené à orienter et susciter cette politique »[17].

B. La responsabilité présidentielle pour les actes commis en dehors de l’exercice de ses fonctions. C’est dans le contexte très particulier de l’année 1999 que le Conseil constitutionnel était invité, par décision conjointe du Premier ministre et du Président de la République, à se prononcer sur la compatibilité avec la Constitution du Traité créant la Cour Pénale Internationale que la France souhaitait ratifier. Le Conseil concluait à l’impossibilité de ratifier ce traité sans que soit révisée, au préalable, la Constitution. Le Conseil Constitutionnel devait, à cette occasion[18], fixer les limites précises de la responsabilité du président en consacrant un principe quasi absolu d’irresponsabilité : « le Président de la République, pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d’une immunité ; qu’au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les modalités fixées par le même article » (Cons. const. 98-408 DC, 22 janv. 1999 : JO p. 1317).

Ainsi, si l’on en croit cette décision, tant qu’il est en fonction le Président ne peut être attrait devant des juridictions ordinaires. On avait pu un temps penser qu’il en allait autrement et que le Président, dès lors qu’il ne s’agissait pas de fait relevant de la notion de haute trahison pouvait être poursuivi devant les juridictions ordinaires[19]. Pourquoi mettre en œuvre une procédure aussi complexe que celle de la Haute Cour pour des faits qui parfois n’en valent pas la peine ? Et comme on ne peut admettre que le Président bénéficie, pour des faits mineurs, d’une totale impunité il convient de le poursuivre devant les juridictions de droit commun[20]. Lorsque le Président agit comme un particulier, il doit être jugé comme un particulier. Cette interprétation est définitivement rejetée par le Conseil constitutionnel qui admet que le Président bénéficie pendant toute la durée de son mandat d’un privilège de juridiction. Mais une fois son mandat achevé, il redevient justiciable pour les actes commis avant son entrée en fonction et pour ceux commis pendant son mandat et qui ne pourraient se rattacher à celui-ci.

Reste que la formule utilisée par le Conseil laissait encore planer un doute[21]. Un doute suffisant du moins pour le conduire à devoir préciser le sens exact de ce considérant par le « communiqué de presse[22] » du 10 oct. 2000.

« Le statut pénal du Président de la République, s’agissant d’actes antérieurs à ses fonctions ou détachables de celles-ci, réserve pendant la durée de son mandat, la possibilité de poursuites devant la Haute Cour de justice. Le statut pénal du Président de la République ne confère donc pas une “immunité pénale”, mais un privilège de juridiction pendant la durée du mandat ».

Il serait donc possible, à en croire le Conseil, que la Haute Cour puisse être saisie des « affaires » dites de la « Mairie de Paris ». Le sens de l’article C. 68 est donc totalement changé ; il faut distinguer selon qu’il s’agit de la première phrase ou de la seconde[23]. Pendant toute la durée de ses fonctions le Président ne peut être jugé que par la Haute Cour (fin de la 2ème phrase). S’agissant des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, le Président n’est responsable qu’en cas de haute trahison (1ère phrase) et la Haute Cour ne peut le juger que pour des faits relevant de cette qualification. En revanche, pour les actes accomplis en dehors de l’exercice de ses fonctions que ce soit pendant celles-ci ou auparavant, la Haute Cour peut le juger pour n’importe quel type d’infraction. Il s’agit alors seulement bien d’un privilège de juridiction et non d’une immunité. Cette interprétation est à la fois nouvelle et audacieuse. En effet, elle revient à laisser au Parlement le soin de décider ou non s’il y a lieu de poursuivre le Président de la République y compris pour des faits commis en dehors de l’exercice de ses fonctions.

Reste alors à s’interroger sur la possible saisine de la Haute Cour dans une telle hypothèse, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’une infraction commise par le Président en dehors de l’exercice de ses fonctions avant ou pendant). On peut, s’il s’agit de faits bénins, parler de véritable immunité. En effet, qui prendra l’initiative de déclencher la procédure, particulièrement lourde (et certainement quelque peu infamante) de la Haute Cour ? Quant à la prescription de l’action pénale, comment va-t-elle se computer ? La question est importante justement pour ces infractions mineures et donc rapidement prescriptibles. En effet, si l’on pouvait considérer que l’immunité suspendait la computation de la prescription, il n’en est peut-être plus de même dès lors qu’il existe, en toute hypothèse, une juridiction compétente pour juger les infractions. Pour les infractions les plus graves et dont la prescription est donc plus longue) ont peut envisager la procédure de l’article C. 68 soit mise en œuvre. Il faut tout d’abord trouver 58 députés (de l’opposition présidentielle) pour que la proposition de résolution soit recevable[24]. Dans un livre paru récemment et dont le journal « Le Monde » a publié un extrait[25], un député socialiste appelait à une telle démarche. Mais même si cette proposition voit le jour[26], il n’en reste pas moins qu’il faut qu’une majorité absolue (les abstentionnistes votent donc contre) se dégage ensuite pour la voter à la fois à l’Assemblée et au Sénat. Autrement dit, il faut qu’une majorité politique se prononce en faveur de la résolution, pour qu’une instruction s’engage à la diligence du procureur général près la Cour de cassation (article 13 de l’ordonnance 59-1 du 2 janv. 1959). Il faudra donc encore attendre avant de voir une telle hypothèse se réaliser car on doute que le Sénat se joigne à l’Assemblée dans ce cas.

La Haute Cour reste donc bien une juridiction politique et il apparaît bien peu probable qu’elle ait un jour à se prononcer sur des agissements du Président de la République dans quelque cadre que ce soit. Il faut qu’une majorité politique se décide à engager des poursuites pénales. On imagine déjà les critiques de l’opposition parlementaire devant la frilosité de la majorité présidentielle qui portera sur l’acte reproché au Président un regard plus politique que pénal même s’il s’agit en fait d’une infraction de droit commun. C’est là toute l’ambiguïté du mécanisme décrit par le Conseil constitutionnel qui conduit nécessairement à combiner plus qu’il n’est nécessaire la responsabilité politique et la responsabilité pénale. Laisser à un organe politique l’opportunité des poursuites pénales[27], le laisser voter sur l’application de la peine et rendre des décisions insusceptibles d’appel ou de cassation[28], voilà bien qui n’est pas traditionnel en procédure pénale[29] et qui montre les limites de la solution retenue par le Conseil dès lors qu’il s’agit en fait de juger le Président pour des faits qui relèvent du droit commun et non de la « haute trahison » prise dans son sens contemporain.

En fait, privilège de juridiction ou immunité, en pratique la solution sera la même et on ne peut dès lors que se demander en avec plus de curiosité le besoin qu’a éprouvé le Conseil constitutionnel à passer de l’obiter dictum au « communiqué de presse de règlement ». On pouvait déjà s’interroger sur la portée de la phrase contenue dans la décision de 1999. Certes les décisions du Conseil constitutionnel en application des dispositions de l’article C. 62 al. 2 disposent de l’autorité de la chose jugée. Elles « s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » et ce, non seulement dans leur dispositif mais également dans les motifs qui en sont le soutien nécessaire[30]. S’agissant d’une incise dont on peut se demander si elle est bien le « soutien nécessaire » du dispositif, le doute quant à son autorité était déjà permis. Le juge Desmure devait pourtant s’estimer lier par la décision du Conseil[31]. Mais ce n’est là que l’opinion d’un magistrat instructeur. En tout cas, aucun texte ne donne autorité de chose jugée aux communiqués de presse. Le Conseil tente de se transformer en « interprète officiel de la Constitution ». Cela est inopportun et dangereux estime J. Robert[32] qui en fut membre jusqu’en 1998. Il ne semble pas avoir pu faire comprendre ce point de vue du Conseil lui-même et c’est bien regrettable.

Titre IX de la Constitution (texte au 02/11/2000) extraits.

Article 54

Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le Président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution.

Article 62

Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et judiciaires.

Article 67

Il est institué une Haute Cour de justice

Elle est composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée natio­nale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de Ces assemblées. Elle élit son président parmi ses membres.

Une loi organique fixe la Composition de la Haute Cour, les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure applicable devant elle.

Article 68

Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice.

HAUTE COUR DE JUSTICE (texte au 02/11/2000)

Ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice

Titre I : COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT

Article 1er

La Haute Cour de justice se compose de vingt-quatre juges titulaires. Elle comprend, en outre, douze juges suppléants appelés à siéger dans les conditions prévues à l’article 9 ci-dessous.

Article 2

Après chaque renouvellement, l’Assemblée nationale élit douze juges titulaires et six juges suppléants.

Après chaque renouvellement partiel, le Sénat élit douze juges titulaires et six juges suppléants.

Le scrutin est secret. L’élection est acquise à la majorité absolue des suffrages exprimés.

Il est procédé dans les mêmes formes au remplacement des juges, titulaires ou suppléants, dont les fonctions ont pris fin avant leur terme normal pour quelque cause que ce soit.

Article 3.

Dès leur élection, les juges titulaires et les juges suppléants prêtent serment devant l’assemblée qui les a désignés.

Ils jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats.

Article 4.

Après chaque renouvellement de la moitié de ses membres, la Haute Cour, convoquée à la diligence du plus âgé de ses membres, procède à l’élection de son président au scrutin secret et à la majorité absolue des membres la composant.

Elle élit, dans les mêmes conditions, deux vice-présidents.

Article 5.

Les membres de la Haute Cour sont tenus d’assister aux audiences et aux délibé­rations auxquelles ils sont convoqués.

En cas d’absence non justifiée par un motif grave, ils sont déclarés démissionnaires par la Haute Cour statuant soit d’office, soit à la requête du ministère public. L’assemblée qui les a élus est avisée de leur démission et pourvoit à leur remplacement.

Article 6.

Tout membre de la Haute Cour peut être récusé :

1° S’il est parent ou allié d’un accusé jusqu’au sixième degré en ligne collatérale ;

2° S’il a été cité ou entendu comme témoin. Le ministère public ou un accusé ne peuvent citer un membre de la Haute Cour qu’avec l’autorisation de la commission d’instruction ;

3° S’il y a un motif d’inimitié capitale entre lui et l’accusé.

Article 7.

La récusation est proposée dès l’ouverture des débats. Il y est statué par la Haute Cour.

Article 8.

Tout juge qui sait cause de récusation en sa personne, même en dehors des cas prévus à l’article 6, est tenu de le déclarer à la Haute Cour qui décide s’il doit s’abstenir.

Article 9.

Sauf en ce qui concerne les élections prévues à l’article 4, tout juge titulaire absent ou empêché de siéger est remplacé par un suppléant tiré au sort parmi les suppléants élus par la même assemblée. Il est procédé publiquement au tirage au sort.

Article 10.

La démission volontaire d’un membre de la Haute Cour est adressée au pré­sident qui la transmet à l’assemblée intéressée, la démission prend effet à la date de l’élection du remplaçant.

Article. 11.

Les fonctions des juges titulaires et suppléants élus par l’Assemblée nationale prennent fin en même temps que les pouvoirs de cette assemblée. Les fonctions des juges titu­laires et suppléants élus par le Sénat prennent fin à chaque renouvellement partiel.

Tout juge, titulaire ou suppléant, qui cesse d’appartenir à l’Assemblée nationale ou au Sénat cesse, en même temps, d’appartenir à la Haute Cour. Il est pourvu à son remplacement.

Article 12.

La commission d’instruction se compose de cinq membres titulaires et de deux membres suppléants désignés chaque année parmi les magistrats du siège de la Cour de cassa­tion par le bureau de ladite cour siégeant hors la présence des membres du parquet.

Son président est choisi dans la même forme parmi les membres titulaires.

Article 13.

Le ministère public près la Haute Cour est exercé par le procureur général près la Cour de cassation assisté du premier avocat général et de deux avocats généraux désignés par lui.

Article 14.

Le greffier en chef de la Cour de cassation est, de droit, greffier de la Haute Cour. Il prête serment en cette dernière qualité à l’audience publique de la Haute Cour.

Article 15.

Le personnel nécessaire au fonctionnement de la Haute Cour de justice est mis à la disposition du président de cette juridiction par le Bureau de l’Assemblée nationale et par le Bureau du Sénat.

Article 16.

Les crédits nécessaires au fonctionnement de la Haute Cour sont inscrits au budget général.

Les fonctions de juge, de membre de la commission d’instruction et de membre du minis­tère public sont gratuites. Leur exercice n’ouvre droit qu’à des remboursements de frais.

Les indemnités allouées au greffier et au personnel mis à la disposition du président sont fixées par décret.

Article 17.

Les dossiers des procédures terminées sont déposés aux archives nationales.

TITRE II : PROCÉDURE

Section 1 : Des mises en accusation

Article 18.

La résolution des deux assemblées votée dans les conditions prévues à l’article 68 de la Constitution et portant mise en accusation du Président de la République devant la Haute Cour contient l’énoncé sommaire des faits qui lui sont reprochés.

Article 19.

Les juges titulaires et suppléants ne prennent part ni aux débats, ni aux votes sur la mise en accusation.

Article 20.

Toute résolution portant mise en accusation qui a été adoptée par une assem­blée est transmise à l’autre assemblée.

Article 21.

Le président de l’assemblée dont le vote a entraîné l’adoption définitive de la résolution la communique sans délai au procureur général et donne avis de la transmission au président de l’autre assemblée.

Le procureur général accuse réception sans délai.

Section 2 : De l’instruction

Article 22.

Dans les vingt-quatre heures de la réception de la résolution, le procureur géné­ral notifie la mise en accusation au président de la Haute Cour et au président de la commis­sion d’instruction.

Article 23.

La commission d’instruction est convoquée sans délai sur l’ordre de son pré­sident.

Jusqu’à la réunion de la commission d’instruction, son président peut accomplir tous les actes d’information utiles à la manifestation de la vérité et peut décerner mandat contre les ac­cusés.

Dès sa première réunion, la commission confirme, le cas échéant, les mandats décernés par son président.

Article 24.

Dans la mesure où il n’y est pas dérogé par la présente ordonnance, la commis­sion d’instruction procède à tous les actes qu’elle juge utiles à la manifestation de la vérité selon les règles édictées par le code de procédure pénale et spécialement celles qui assurent les garanties de la défense.

Les actes de la commission d’instruction ne sont susceptibles d’aucun recours.

La commission statue sur les incidents de procédure et notamment sur les nullités de l’ins­truction. Toute nullité non invoquée avant la décision de renvoi est couverte.

Article 25.

Dans le cas prévu à l’article 68 de la Constitution, la commission d’instruction rend une décision de renvoi qui apprécie s’il y a preuve suffisante de l’existence des faits énon­cés dans la résolution de mise en accusation, mais non la qualification de ces faits.

Si l’instruction fait apparaître des faits d’un autre ordre que ceux énoncés dans la résolution de mise en accusation, la commission ordonne la communication du dossier au procureur général.

Le procureur général saisit le président de l’une ou de l’autre assemblée.

Si les deux assemblées n’ont pas adopté dans les dix jours suivant la communication du pro­cureur général une motion étendant la mise en accusation, la commission reprend l’informa­tion sur les derniers errements de la procédure.

Article 26. - (Abrogé par l’article 39 de la loi organique n0 93-1252 du 23 novembre 1993).

Article 27.

La constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Haute Cour. Les actions en réparation de dommages ayant résulté de crimes et délits poursuivis devant la Haute Cour ne peuvent être portées que devant les juridictions de droit commun.

Section 3 : Des débats et du jugement

Article 28.

A la requête du procureur général, le président de la Haute Cour fixe la date d’ouverture des débats.

Article 29.

A la diligence du procureur général, les accusés reçoivent huit jours au plus tard avant leur comparution devant la Haute Cour signification de l’ordonnance de renvoi.

Article 30.

Le greffier convoque les juges titulaires. Les juges suppléants sont également convoqués. Ils assistent aux débats et remplacent, le cas échéant, les juges titulaires dans les conditions prévues à l’article 9.

Article 31.

Les débats de la Haute Cour sont publics.

La Haute Cour peut exceptionnellement ordonner le huis-clos.

Article 32.

Les règles fixées par le code de procédure pénale concernant les débats et les jugements en matière correctionnelle sont applicables devant la Haute Cour sous les modifica­tions prévues aux articles ci-après.

Article 33.

La Haute Cour, après clôture des débats, statue sur la culpabilité des accusés. Il est voté séparément pour chaque accusé sur chaque chef d’accusation et sur la question de savoir s’il y a des circonstances atténuantes. Le vote a lieu par bulletins secrets à la majorité absolue.

Article 34.

Si l’accusé est déclaré coupable, il est voté sans désemparer sur l’application de la peine. Toutefois, après deux votes dans lesquels aucune peine n’aura obtenu la majorité des voix, la peine la plus forte proposée dans ce vote sera écartée pour le vote suivant et ainsi de suite en écartant chaque fois la peine la plus forte jusqu’à ce qu’une peine soit prononcée par la majorité absolue des votants.

Article 35.

Les arrêts de la Haute Cour ne sont susceptibles ni d’appel, ni de pourvoi en cassation.

Article 36.

Les règles de la contumace sont applicables devant la Haute Cour.

Article 37.

Tout incident élevé au cours des débats de la Haute Cour peut, sur décision du président, être joint au fond.

Règlement de l’Assemblée nationale (extrait)

Chapitre XI - Saisine de la Haute Cour de justice (texte au 02/11/2000)

Article 158

Aucune proposition de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de justice n’est recevable, si elle n’est signée par le dixième au moins des députés. La procédure fixée par l’article 51, alinéa premier, est applicable.

Article 159

Le Bureau de l’Assemblée nationale prononce d’office l’irrecevabilité des propositions de résolution contraires aux dispositions de l’article précédent ou de l’article 18 de l’ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice.

Article 160

Les propositions de résolution déclarées recevables par le Bureau et celles transmises par le Président du Sénat sont renvoyées à une commission de 15 membres désignés spécialement pour leur examen. Les nominations ont lieu en s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée et, à défaut d’accord entre les présidents des groupes sur une liste de candidats, à la représentation proportionnelle des groupes, selon la procédure prévue à l’article 25. Les députés appartenant à la Haute Cour de justice ne peuvent être désignés comme membres d’une telle commission.

Article 161

L’Assemblée statue sur le rapport de la commission après un débat organisé conformément à l’article 80.

Règlement du Sénat (extrait)

CHAPITRE XIV : Haute Cour de justice et Cour de justice de la République (texte au 02/11/2000)

Article 85

1 - Après chaque renouvellement partiel, le Sénat élit douze juges titulaires et six juges suppléants de la Haute Cour de justice. La Conférence des présidents fixe la date du scrutin.

2. - Il est procédé au scrutin secret plurinominal à l’élection des membres titulaires et des membres suppléants par scrutins séparés.

3. - Les candidatures doivent faire l’objet d’une déclaration à la Présidence dans un délai fixé par la Conférence des présidents.

4. - A chaque tour de scrutin, sont élus, dans l’ordre des suffrages, les candidats ayant obtenu un nombre de voix au moins égal à la majorité absolue des suffrages exprimés.

5. - Il est procédé, pour les juges titulaires et pour les juges suppléants, à autant de tours de scrutin qu’il est nécessaire jusqu’à ce que tous les sièges soient pourvus.

6. - En cas d’égalité des voix pour les derniers sièges à pourvoir, les candidats sont proclamés élus par rang d’âge, en commençant par le plus âgé jusqu’à ce que tous les sièges soient pourvus.

Article 86

1 - Aucune proposition de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de justice n’est recevable si elle n’est signée par le dixième, au moins, des membres composant le Sénat.

2. - Le Bureau du Sénat prononce d’office l’irrecevabilité des propositions de résolution contraires aux dispositions de l’alinéa 1 du présent article ou non conformes à l’article 18 de l’ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice.

3. - Les propositions de résolution visées ci-dessus et déclarées recevables par le Bureau et celles transmises par le Président de l’Assemblée nationale sont renvoyées à une commission de trente membres élue spécialement pour leur examen au scrutin plurinominal. Les candidatures doivent faire l’objet d’une déclaration à la Présidence une heure au moins avant le scrutin.


[1] F. Thiriez, (Le Communiqué de presse, source du droit ? : Le Monde 21 oct. 2000) va jusqu’à parler d’arrêt de règlement.

[2] C. De Gaulle, conférence de presse du 31 janv. 1964.

[3] Cet article a été introduit dans notre Constitution par la révision du 8 juill. 1999 rendue nécessaire pour pouvoir ratifier le traité suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 22 janv. 1999. Voir M. Lascombe, Le droit constitutionnel de la V° République, L’Harmattan, 6° éd. 1999 p. 260 et 300. On précisera que le Conseil avait été saisi conjointement par le Président de la République et le Premier ministre dans le cadre des dispositions de l’art. C. 54. Il s’agissait donc d’examiner la compatibilité du traité avec la Constitution et non comme l’affirme A. Montebourg (voir infra note n° 25) de contrôler la constitutionnalité « d’une loi ratifiant un traité » ce que du reste la loi ne peut pas faire.

[4] Elle doit en tous les cas être distinguée de la notion de trahison prévue à l’art. 411-1 du code pénal.

[5] Cette interprétation est admise depuis longtemps déjà. Voir M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, 1923 p. 512 ; M. Prélot, Droit constitutionnel et institutions politiques,3ème éd. p. 641.

[6] A. Moreau parle d’une « responsabilité polico-pénale » : La haute trahison du Président de la République : RD publ. 1987. 1546.

[7] Le texte poursuivait en disant : « Par ce seul fait, le Président est déchu de ses fonctions ; les citoyens sont tenus de lui refuser obéissance ; le pouvoir exécutif passe de plein droit à l’Assemblée national. Les juges de la Haute Cour de justice se réunissent immédiatement à peine de forfaiture … ». Ce texte, on le sait n’empêchera pas le coup d’Etat du 2 décembre 1851.

[8] Comme l’indiquent R. Lindon et D. Amson : « Dans sa forme, elle se distinguait sur bien des points de toutes celles (les hautes cours) qui, au cours d’un siècle et demi, l’avait précédée, mais dans le font, elle en était bien la continuatrice ». in « La haute Cour 1789-1987 » : PUF 1987 p. 107.

[9] Du reste, l’ordonnance du 18 novembre 1944 précisait que les sanctions que pouvait prononcer la Cour devaient être l’une de celles prévues aux art. 7 à 9 du code pénal avec, en plus,s’il y avait lieu, la peine d’indignité nationale créée par l’ordonnance du 26 août 1944.

[10] Voir la recension des événements telle que le fait le site « diplomatie judiciaire ».

[11] ’’La Cour suprême a confirmé aujourd’hui la décision de levée de l’immunité parlementaire du général Pinochet : l’ancien dictateur devrait donc pouvoir être inculpé officiellement. La France se réjouit de cette décision : une étape supplémentaire a été franchie, par les institutions chiliennes, dans la lutte contre l’impunité des crimes commis pendant la dictature. Il s’agit d’une décision historique pour la justice chilienne.’’ Communiqué du Quai d’Orsay du 8 août 2000.

[12] L’acte d’accusation précise : "la conception, la préparation et l’exécution de la campagne entreprise par les forces de la Yougoslavie et de la Serbie au Kosovo ont été inspirées, ordonnées, commises, soutenues et permises par S. Milosevic, Président de la république fédérale Yougoslave ».

[13] L’arrêt de la chambre d’accusation précise que ces faits qualifiés de "crimes internationaux" … "ne peuvent être considérés, à les supposer établis, comme ressortant des fonctions d’un chef d’Etat".

[14] On se souvient de la formule employée en 1973 par le Président Giscard d’Estaing : « Vous pouvez choisir le programme commun. C’est votre droit. Mais sachez que si vous le choisissez, il sera appliqué. Le Président n’a pas, dans la Constitution, les moyens de s’y opposer. ». Voir sur ce point également C. Emeri, De l’irresponsabilité présidentielle : Pouvoirs n° 41 p. 133 et s.

[15] L’une des affaires montre parfaitement l’ambiguïté qui touche non seulement la notion même de haute trahison mais également l’irresponsabilité présidentielle. A. Fabre-Luce avait publié un ouvrage de fiction ou il présentait le Président de la République poursuivi devant la Haute Cour suite à un désaccord entre lui et le Parlement sur la politique à mener en Algérie. Il fut condamné pour offense au chef de l’Etat alors même qu’il n’envisageait aucun « crime » au sens traditionnel de ce terme.

[16] Il s’agissait de l’affaire dite « des « avions renifleurs » : Pouvoirs n° 32 p. 169 et Le Monde 18 sept. 1984.

[17]Le Monde, 10 oct. et 6 nov. 1998.

[18] Il s’agit selon nous d’un véritable obiter dictum puisqu’il n’était pas nécessaire de faire cette analyse pour montrer que le traité en cause était contraire à la Constitution. Le Conseil l’a du reste implicitement admis puisqu’il introduit l’analyse contestée par un inopportun « au surplus ». D’aucuns ne partagent pas cette analyse, par ex. : M Troper, Comment décident les juges constitutionnels : Le Monde 13 févr. 1999 ; J.-E. Schoettl, La responsabilité pénale du Chef de l’Etat : RD publ. 1999. 1037.

[19] Cette interprétation était la plus souvent retenue : « En revanche, au nom de la théorie du dédoublement personnel, les actes commis par le président en tant que personne privée … relèvent du droit commun » : J. Giquel, Droit constitutionnel et institutions politiques : Montcrestien, 14° éd. 1995 p. 581. Voir également D. G. Lavroff, Droit constitutionnel de la V° République, Dalloz 2° éd. 1997 p. 588.

[20] On se souvient de l’exemple souvent donné du Président de la République qui viendrait à tuer un perdreau pendant que seule la chasse à la bécasse serait ouverte (Barthélémy et Duez, Traité de Droit Constitutionnel, 1933 p. 620). On notera, qu’il est de toute façon assez rare de poursuivre les chasseurs quand bien même ils ne sont pas Président de la République…

[21] Certains commentateurs ont estimé que la décision du Conseil ne changeait rien à l’interprétation antérieure (D. Rousseau, La Croix, 26 janv. 1999), le Conseil renvoyant toujours, dans son considérant, à l’article C. 68 qui ne concerne que la haute trahison.

[22] Le procédé éminemment contestable, le Conseil n’ayant pas la possibilité de donner des « interprétations », fut-ce de ses propres décisions. Il faut d’ailleurs insister sur cette déviation contemporaine qui consiste à utiliser la presse comme moyen de faire connaître le droit (constitutionnel ?). C. De Gaulle utilisait la « conférence de presse » (on se souvient de l’importance de celle du 31 janv. 1964), le Conseil d’Etat (on se souvient du communiqué de presse accompagnant l’arrêt « Meyer » du 10 sept. 1992 ; voir D. Pouyaud, Les décrets réglementaires du Président de la République : RFD adm. 1993 p. 55 et s. et plus particulièrement la note 22) et le Conseil Constitutionnel, le « communiqué de presse ».

[23] C’est déjà l’interprétation que donnait, il faut le reconnaître avec beaucoup de force et de conviction, G. Carcassonne, Le Président de la République française et le juge pénal : in « Mélanges Philippe Ardant » LGDJ 1999 p. 275 et s.

[24]Art. 158 du Règlement de l’Ass. Nat. Les conditions sont les mêmes aux Sénat ; il faut que la résolution soit signée par un dixième des sénateurs (art. 86 du Règlement du Sénat).

[25] A. Montebourg, Un président en Enfer : Le Monde 31 oct. 2000.

[26]Le Monde indique dans son édition du 1er nov. 2000 que cela ne sera pas le cas (p. 7).

[27] Dans le cadre d’une procédure normale c’est le parquet (un juge) qui décide d’une telle opportunité et la mise en œuvre de l’action civile est possible, ce qui n’est pas le cas devant la Haute Cour (art. 27 de l’ordonnance 59-1).

[28]Art. 34 et 35 de l’ordonnance 59-1.

[29] Et du reste très contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

[30]Cons. const. 62-18 L, 16 janv. 1962, Loi d’orientation agricole : RJC II-9. Voir M. Lascombe, préc. p. 302 et s.

[31] Ordonnance du 15 avril 1999, RFD const. 1999. 324.

[32] J. Robert, La Garde de la République, Plon 2000 p. 212.

© - Tous droits réservés - Michel LASCOMBE - 2 avril 2001

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site