LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Commission permanente,
Vu la lettre enregistrée le 24 janvier 2001 sous
le numéro F 1289, par laquelle M. Jehan
a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques imputables
à la Chambre nationale des experts spécialisés
en objets d’art et de collection (CNES) ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la
liberté des prix et de la concurrence et le décret
n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié,
fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243
du 1er décembre 1986 ;
La rapporteure, la rapporteure générale adjointe,
le commissaire du Gouvernement entendus, au cours de la séance
du 11 décembre 2001, M. Jehan ayant été
régulièrement convoqué ;
Considérant que M. Jehan expose dans sa saisine
qu’il a exercé la profession d’antiquaire à Paris
depuis 1977 et a été admis comme expert par la
CNES en 1985, sa spécialité étant celle
des instruments scientifiques anciens ; qu’il précise
qu’il a arrêté son activité en 1991, pour
des raisons personnelles ; qu’il a, dès lors, cessé
d’acquitter ses cotisations à la CNES et a été,
en conséquence, considéré comme démissionnaire,
conformément aux statuts de cet organisme ; qu’il
a repris son activité en 1997 dans le département
de la Vienne et que le président pour la région
Centre de la CNES, M. Liger, lui a proposé sa réintégration
sous réserve d’un avis favorable des instances régionales ;
qu’en dépit d’une approbation unanime de sa demande par
ces instances, intervenue en décembre 1999, il n’a reçu
aucune réponse officielle de la part des instances nationales ;
qu’il ajoute, qu’en juin 2000 M. Randier, président
national de la CNES, aurait chargé oralement le responsable
de la région Centre de lui annoncer que le conseil d’administration
s’opposait à sa réintégration ;
Considérant que M. Jehan soutient, d’une part,
que la CNES ne respecte pas la décision 98-D-81 du 21 décembre
1998, par laquelle le Conseil de la concurrence a estimé
qu’un refus d’adhésion non motivé constituait
une pratique anticoncurrentielle et, d’autre part, que la réelle
motivation de ce refus est le fait que sa spécialité,
qui porte sur les instruments scientifiques anciens, est la
même que celle de M. Randier, président de
la CNES en 2000 ; qu’il relève qu’il ne restait
plus, en 2000, que deux titulaires de cette spécialité
en exercice au sein de cette organisation au lieu de quatre
en 1985 ; qu’il demande, en conséquence, au Conseil
d’apprécier l’objet ou l’effet anticoncurrentiel de ce
refus de réintégration ;
Considérant que l’article L. 462-8, alinéa 2,
du code de commerce prévoit que "le Conseil peut rejeter
la saisine par décision motivée, lorsqu’il estime
que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments
suffisamment probants" ;
Considérant que le 10 mai 2001, soit postérieurement
à sa saisine, M. Jehan a adressé un courrier
à la CNES afin que lui soit communiquée la motivation
du refus de sa réintégration ; qu’il a reçu,
le 20 juillet 2001, un courrier des instances nationales
lui signifiant qu’il avait été radié pour
défaut de-paiement de cotisations au troisième
trimestre de l’année 1992, ce qui constituait une violation
des statuts de la chambre et que, pour ce motif, il avait été
décidé de ne pas donner suite à sa demande
de réintégration ;
Considérant que, dans sa décision 98-D-81
du 21 décembre 1998, le Conseil de la concurrence
a enjoint à la CNES de supprimer de ses statuts la disposition
relative à la dispense de motivation des refus d’admission ;
que, sur le recours formé, notamment par la CNES, la
cour d’appel de Paris, par un arrêt du 12 octobre
1999, a annulé la décision déférée
pour un motif de procédure et, statuant au fond, a enjoint,
notamment à la CNES, de ne plus communiquer les décisions
de refus de candidature ou d’exclusion de membres, aux autres
organisations professionnelles ; que l’injonction tendant
à la suppression de la disposition relative à
la dispense de motivation des refus d’admission n’a pas été
reprise par l’arrêt, au motif que la suppression de cette
disposition venait d’être votée par le conseil
d’administration de la CNES ; qu’aucun défaut de
respect d’injonction ne serait donc susceptible d’être
reproché, en l’espèce, à la CNES ;
Considérant que la CNES a agi en l’espèce avec
une opacité regrettable, puisqu’elle a attendu plus d’un
an et demi avant de répondre à la demande de réintégration
présentée par M. Jehan et ne lui a fait connaître
son refus de le réintégrer ainsi que les motifs
fondant ce refus, qu’après que l’intéressé
eut écrit à la Chambre en faisant état
de la saisine du Conseil ; que, toutefois, la décision
critiquée repose sur le fait que M. Jehan n’a plus
acquitté ses cotisations depuis 1991, ce qui constitue,
en effet, un motif de radiation prévu par les dispositions
de l’article 10, titre II, des statuts lequel énonce
que "la qualité de membre de la Chambre se perd pour
non-paiement de la cotisation trois mois après sa date
d’exigibilité" ; qu’il n’appartient pas au Conseil
d’apprécier la pertinence de ce motif dès lors
qu’il repose sur un critère précis, objectif et
non discriminatoire ;
Considérant que les circonstances alléguées
par le saisissant, à savoir le fait qu’il n’existe plus,
actuellement, que deux spécialistes d’instruments scientifiques
anciens au sein de la CNES, ainsi que le fait que M. Randier,
un de ces spécialistes, ait occupé les fonctions
de président de cette organisation, jusqu’en mai 2001,
ne suffisent pas à présumer que le refus de réintégration
opposé à M. Jehan procéderait d’une
volonté de l’exclure du marché ; qu’en outre,
aucun élément du dossier ne permet de penser que
le refus de la CNES aurait eu un effet anticoncurrentiel puisqu’il
existe sur le marché d’autres organismes d’experts ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que la saisine ne comporte pas d’éléments suffisamment
probants permettant de penser que des pratiques anticoncurrentielles
auraient été, en l’espèce, mises en œuvre
par la CNES ; qu’il convient, en conséquence, de
faire application des dispositions de l’article L. 462-8
précité ;
DéCIDE