LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Section,
Vu les lettres enregistrées le 25 mai 2001 sous le
numéro F 1312 et le 25 octobre 2001 sous le numéro M 290, par lesquelles Madame Marret, gérante de la
société Cabinet affaires et recouvrement (ci-après CAR), a saisi le Conseil de pratiques discriminatoires qu’elle impute
à la société Buroservices et d’une demande de mesures conservatoires ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à
la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les
conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
La rapporteure, la rapporteure
générale adjointe, le commissaire du Gouvernement ainsi que les représentants de la société CAR entendus au cours
de la séance du 29 janvier 2002 ;
Considérant que l’article L. 462-8 du code de commerce dans sa rédaction
issue de la loi n° 2001-419 du 15 mai 2001, prévoit en son premier alinéa que "le Conseil de la concurrence peut
déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s’il estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ de
sa compétence", et qu’il énonce en son deuxième alinéa que le Conseil "peut rejeter la saisine par décision
motivée lorsqu’il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants" ;
Considérant que la société saisissante expose qu’elle exerçait son activité dans un bureau portant le
n° 306, situé 114 rue des Pyrénées dans le 20ème arrondissement de Paris, aux termes d’un contrat
de fourniture de services avec mise à disposition de locaux, en date du 30 juin 1998 ; que par lettre du 11 février
2000, la société Buroservices, avec laquelle elle avait conclu ce contrat, l’a brutalement menacée d’une rupture de celui-ci et
d’une interruption simultanée de l’alimentation en courant électrique ; que le contrat a effectivement été
résilié le 21 février 2000 et qu’à partir de cette date, le courrier de la société D2 Mécanic,
filiale de la société CAR, à été détourné ; que par la suite, la société
Buroservices a retiré l’enseigne commerciale de la société CAR sur l’interphone et sur le tableau de signalisation dans le hall
de l’immeuble ; que ces agissements constituent des pratiques discriminatoires et anticoncurrentielles ;
Considérant que la
société saisissante ajoute que la société Buroservices a envoyé de faux clients dans ses locaux, procédé
à des interceptions et des détournements de communications téléphoniques et détourné une partie importante
de son courrier ; que Buroservices a ainsi abusé de la situation de dépendance économique dans laquelle CAR se trouve
à son égard ;
Considérant que, dans sa lettre du 25 octobre 2001, la société CAR expose encore que
Maître Cherki, huissier et donc "concurrent en matière de recouvrement amiable", lui a adressé des commandements en vue de
procéder à une saisie-vente et à l’expulsion du bureau 306, que, par jugement rendu le 10 septembre 2001, le juge de
l’exécution du Tribunal de grande instance de Paris, a accueilli la demande de la société CAR et a condamné la
société Buroservices à lui payer des dommages et intérêts, mais que cette dernière s’oppose à l’exécution
du jugement en louant fictivement le bureau 306 ;
Considérant que, dans sa saisine du 25 mai 2001, la société
CAR demande au Conseil, de "constater et prononcer la nullité de la convention de location du 30 juin 1998 (…)", d’"ordonner
à Buroservices de mettre fin à ses pratiques anticoncurrentielles, discriminatoires et abus", d’"ordonner à Buroservices
la restitution de tous les courriers destinés aux sociétés CAR et D2 Mécanic (…)" et d’infliger à
Buroservices "en vue de la réparation du préjudice subi (…) une sanction pécuniaire au titre de dommages et intérêts
compensatoires ne pouvant être inférieure à 260 000 F" ; que, dans sa lettre du 25 octobre 2001, la
société CAR requiert du Conseil qu’il prononce des mesures conservatoires et injonctions "afin de revenir sans délai à
l’état antérieur à la date du 1er février 2000", ordonne "à l’huissier instrumentaire de
remettre en état le bureau 306" et inflige à Buroservices une sanction pécuniaire de 35 000 F par mois en
compensation de son chiffre d’affaires moyen non réalisé et de 300 000 F en vue d’indemniser les clients, fournisseurs et
l’administration fiscale ;
Considérant que la demande présentée par la société CAR porte, d’une part, sur
la résiliation du contrat de fourniture d’un ensemble de services avec mise à disposition de locaux la liant à la
société Buroservices et, d’autre part, sur des pratiques qui auraient été mises en œuvre par Buroservices dans le cadre
de cette résiliation de contrat ;
Mais considérant, d’une part, que l’appréciation de la validité de la
résiliation d’un contrat commercial ne relève pas de la compétence du Conseil de la concurrence ;
Considérant, d’autre
part, qu’aucun des éléments produits à l’appui de la saisine ne permet de penser, que la société Buroservices se
trouverait en position dominante sur le marché de la fourniture de services professionnels ou celui de la location de bureaux professionnels
à Paris, ou en région parisienne, ou encore que la société CAR serait, à son égard, en situation de
dépendance économique au sens de l’article L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce ; qu’en effet, et quand
bien-même la résiliation du contrat serait abusive, la société CAR dispose, à Paris ou en région parisienne,
de nombreuses solutions équivalentes lui permettant de continuer à exercer son activité dans d’autres locaux ; qu’en
conséquence, les pratiques alléguées, seraient-elles établies, ne peuvent être qualifiées au regard des
dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ; que, par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de penser que
des pratiques constitutives d’entente anticoncurrentielle auraient été, en l’espèce, mises en œuvre ;
Considérant
qu’il résulte de ce qui précède que la saisine doit être déclarée irrecevable en ce qu’elle concerne la
validité de la résiliation du contrat et, qu’en l’absence d’éléments suffisamment probants à l’appui des faits
dénoncés, elle doit être rejetée pour le surplus ;
DéCIDE