LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Section,
Vu la lettre du 27 décembre 1995 enregistrée sous le numéro
F 831 par laquelle le ministre délégué aux finances
et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de
pratiques mises en œuvre par des sociétés commercialisant
des produits d’autosurveillance pour diabétiques, soit les lecteurs
de glycémie et leurs consommables ;
Vu le traité du 25 mars 1957 modifié, instituant la Communauté
européenne, et notamment son article 81 ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l’application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement
;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire
du Gouvernement entendus au cours de la séance du 20 septembre 2000
;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
sur les motifs (II) ci-après exposés :
I - Constatations
A - Les marchés et les entreprises
Le lecteur de glycémie est un appareil qui, par l’analyse du
sang prélevé sur une bandelette, permet de mesurer instantanément
le taux de glycémie. La plupart des lecteurs utilisent un procédé
" colorimétrique ", c’est-à-dire analysent la couleur de
la bandelette. Le lecteur Medisense utilise une méthode électrochimique
qui analyse les courants échangés entre deux électrodes
dans un milieu défini. Tous les lecteurs sont substituables entre
eux. Ils sont inscrits au Tarif interministériel des prestations
sanitaires (TIPS) et ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par
les organismes sociaux que tous les quatre ans. Par conséquent,
le diabétique est tenu de conserver son lecteur pendant quatre années
au moins, sauf à en supporter intégralement le coût
s’il envisage son remplacement avant la cinquième année suivant
l’achat du précédent appareil.
Les consommables comprennent, en premier lieu, les lancettes et l’autopiqueur
qui servent à prélever une goutte de sang. Il s’agit de produits
génériques, fabriqués et commercialisés par
des entreprises généralement indépendantes des laboratoires
fabriquant les lecteurs et bandelettes. Les consommables incluent, en second
lieu, les bandelettes (ou réactifs), qui ne sont pas substituables
entre elles. En effet, chaque fabricant de lecteurs étalonne ses
appareils de manière spécifique, de sorte que les bandelettes
ne sont compatibles qu’avec le lecteur de la marque correspondant. Il en
résulte qu’après l’achat du lecteur le diabétique
est nécessairement contraint d’acheter les réactifs correspondants.
En matière de choix des lecteurs, des enquêtes menées
par la profession mettent en évidence le rôle prépondérant
de la prescription par le corps médical, principalement en milieu
hospitalier. Les principaux critères qui orientent le malade dans
le choix d’un lecteur sont, ensuite, les aspects techniques, la facilité
d’emploi et la fidélité à la marque. Le critère
du prix passe au second plan en raison de la prise en charge par les organismes
sociaux, à condition toutefois que l’écart entre le niveau
de remboursement et le prix public ne soit pas excessif.
Les laboratoires commercialisant en France des produits mesurant la
glycémie sont soit des filiales de fabricants, soit des importateurs
indépendants liés à des fabricants par des accords
de distribution. A l’époque des faits relevés, sept opérateurs
ont été recensés sur le marché français,
dont quatre sont des filiales de fabricants de matériels de lecture
de glycémie.
La société Bayer Diagnostics est une filiale à
100 % de la société Bayer SA, elle-même détenue
par Polysar Rubber Corporation (87,37 %) et par Bayer AG (12,63 %), la
société Polysar Rubber Corporation étant détenue
à 100 % par Bayer AG. La société Bayer Diagnostics
distribue ses produits sous la dénomination commerciale Glucometer
pour les lecteurs et Glucotide, Glucostix, Glucofilm et Dextrostix pour
les bandelettes. Entre 1993 et 1996, ses ventes de lecteurs ont subi un
tassement suivi d’un net recul en 1997 (-30 %), ces évolutions se
répercutant sur les ventes de bandelettes avec un décalage
d’environ deux ans. Après une progression de 34 % entre 1992 et
1995, le recul sur les deux années suivantes est de 19 %.
La société Boehringer Mannheim et Cie SNC était
une filiale à 90 % de la société Boehringer France
SA, filiale française du groupe Corange. En septembre 1998, à
la suite du rachat du groupe Boehringer par le groupe Roche, les sociétés
françaises du groupe ont été regroupées en
une seule entité juridique pour constituer la société
Roche Diagnostics. Entre 1992 et 1997, les ventes de lecteurs ont connu
avec une forte progression (x 3,8). Pour les bandelettes, après
un tassement entre 1992 et 1994 (- 3 %) les ventes ont augmenté
de 43 % sur les trois années suivantes.
La société Ortho Diagnostic est une filiale à 100
% du groupe Johnson et Johnson. Elle comprend une division " Lifescan "
qui commercialise les matériels d’autosurveillance du diabétique.
Entre 1992 et 1997, les ventes de lecteurs ont progressé de 54 %,
celles de bandelettes ont été multipliées par 5,6.
La société Medisense France est une filiale de la société
Medisense Europe. En 1996, le groupe Medisense a été racheté
par le groupe Abbot. Entre 1992 et 1997, les ventes de lecteurs ont été
multipliées par 2,5, celles de bandelettes par 7,7.
La société Vermed a pour activité principale la
fabrication de cathéters à ballonnets et d’appareils d’exploration
manométrique, soit 95 % de son chiffre d’affaires. Ce n’est que
depuis avril 1994 qu’elle commercialise en France les lecteurs fabriqués
par la société britannique Hypoguard, sous la dénomination
Suprême, en vertu d’un contrat la désignant comme distributeur
autorisé Entre 1994 et 1997, les ventes de lecteurs régressent
fortement dès la deuxième année d’activité,
tandis que celles de bandelettes se maintiennent grâce au parc de
lecteurs déjà vendus.
La société IDT, créée en 1991, a pour activité
la commercialisation de matériel de cardiologie. Elle a ouvert un
département de diabétologie en 1993 et commencé la
vente d’appareils en avril 1994, en tant qu’importateur d’un fabricant
américain, la société Cascade Médical Inc.,
produits vendus sous la dénomination commerciale CheckMate. Le seul
chiffre d’affaires disponible pour cette activité pour cette entreprise
est celui de l’année 1994, soit 155 KF pour les lecteurs et 111
KF pour les bandelettes.
La société Chronolyss est un fabricant et distributeur
de pompes à insuline. Elle est le représentant exclusif en
France de la société britannique Home Diagnostics Inc. (HDI).
Elle n’exerce qu’une activité marginale parmi les offreurs de matériels
d’autosurveillance diabétique, son activité consistant dans
ce domaine à accompagner la fin de vie des lecteurs de marque Diascan-S
auprès des utilisateurs, la société HDI s’étant
retirée partiellement du marché européen en raison
de l’obsolescence de son matériel. Entre 1992 et 1994, les ventes
d’appareils de glycémie ont chuté de 46 %.
Sur un marché qui est passé en six ans, entre 1992 et
1997, de 275,5 MF à 590,3 MF, quatre entreprises représentent
99 % du chiffre d’affaires. C’est donc un marché concentré,
mais sur lequel s’est opérée une redistribution des cartes.
Ainsi, Bayer, leader en 1992 avec 55,6 %, a vu sa part chuter de moitié
à 28,3 % en 1997, année où ses ventes sont redescendues
en dessous du niveau de 1993 malgré la forte expansion globale du
marché Boehringer (devenue Roche), qui était en deuxième
position sur le marché en 1992, a également subi une érosion
de sa position de sept points, bien que ses ventes aient cru régulièrement
sur la période.
La croissance du marché a essentiellement profité à
Lifescan, dont le chiffre d’affaires a fortement progressé lui permettant
ainsi de devenir leader avec 40 % du marché en 1997 contre 15 %
seulement en 1992. Médisense, avec son modèle à électrodes,
a aussi sensiblement progressé, doublant à deux reprises
son chiffre d’affaires de l’année précédente et se
situant en 1997 à presque 14 % du marché, contre seulement
2,5 % en 1992. Les trois autres opérateurs n’occupent qu’une place
marginale, Vermed se situant à hauteur de 0,1 % du marché,
IDT et HDI entre 0,05 et 0,07 %.
Les statistiques du Groupement pour l’élaboration et la réalisation
de statistiques (GERS) pour 1994 et 1995, qui recensent le volume des ventes
réalisées dans le circuit pharmaceutique, confirment les
tendances constatées. Ces statistiques traitent séparément
les lecteurs et les consommables. Chronolyss en est totalement absente.
On constate que les ventes de consommables amortissent momentanément
les effets de l’évolution des ventes de lecteurs grâce au
parc existant. Ce phénomène est particulièrement net
dans deux cas. Pour Bayer d’abord, qui conserve encore une part de marché
proche de 40 % en consommables, alors que ses ventes de lecteurs n’en représentent
plus que 20 % environ, annonçant la baisse globale des années
suivantes. A l’inverse, si les ventes de consommables de Lifescan plafonnent
encore à 30-35 % du marché, ses ventes de lecteurs sont déjà
aux alentours de 50 %, ce qui devrait lui permettre de devenir leader au
cours des années suivantes sur les ventes des consommables.
B - Les comportements examines
La saisine dénonce, d’une part, un cloisonnement du marché
français résultant d’exclusivités de distribution
et, d’autre part, le respect par les grossistes et les pharmaciens des
prix publics diffusés par les fournisseurs de prix de vente conseillés.
1 - Le cloisonnement du marché français
a) La société Bayer Diagnostics
Un courrier adressé à l’enquêteur indique qu’il
n’existe pas de contrat d’exclusivité entre Bayer Diagnostics et
sa maison mère, la société Bayer SA, pour la distribution
des produits en France. Concernant l’organisation de cette distribution,
les représentants de l’entreprise ont déclaré : "
Notre activité s’exerce uniquement sur le territoire français.
Nous n’avons pas d’activité d’exportation. Au niveau européen
chaque pays a sa propre structure de distribution ". Ils ont, en outre,
précisé, par un courrier du 24 janvier 1995, que la société
comprenait deux divisions, l’une chargée des activités sur
la France métropolitaine et les départements d’Outre-mer,
et l’autre chargée de l’exportation, et que des réexportations
à partir de la France sont réalisées au quotidien.
Dans un second courrier du 24 janvier 1995, il est en outre précisé
: " Pour la division Domestic, nos produits lecteurs et bandelettes de
glycémie sont vendus en France à des distributeurs qui sont
susceptibles de les réexporter dans n’importe quel pays au monde
y compris l’Europe, sans que nous intervenions dans la procédure.
Les sociétés sœurs de Bayer Diagnostics, pour des raisons
de dépannage, peuvent occasionnellement s’approvisionner auprès
de Bayer Diagnostics France et réciproquement ".
Auditionnés le 13 novembre 1998, les représentants de
Bayer Diagnostics ont déclaré : " Concernant la réexportation
de nos produits nous confirmons les termes du courrier adressé à
la DNEC le 24 janvier 1995 qui précisait que les distributeurs français
auprès de qui nous commercialisons nos produits sont susceptibles
de les réexporter sans que Bayer intervienne pour les en empêcher.
D’ailleurs il arrive que nous recevions de leur part des commandes d’un
niveau inhabituel et ils nous indiquent éventuellement qu’une partie
est destinée à être réexportée. En outre
il existe des revendeurs qui sont des exportateurs et qui nous commandent,
et nous les livrons, sachant que ces produits sont destinés à
l’étranger et le bon de commande signale la destination CEE ou pays
de l’Est par exemple " A l’appui de ces déclarations ils ont communiqué
des bons de commandes de clients portant de telles mentions.
b) La société Boehringer Mannheim
La représentante de Boehringer France a déclaré,
le 9 septembre 1994 : " Nous n’avons pas de contrat d’exclusivité
avec la maison mère. Par contre il y a un contrat moral qui nous
confie l’exploitation des produits d’autosurveillance en France. La société
Boehringer organise au niveau européen la distribution de son matériel.
Dans cette organisation elle nous confie le rôle de la distribution
en France et dans les Dom Tom desdits systèmes. En conséquence
nous ne faisons aucune réexportation personnellement. Nous avons
mis tout en œuvre pour qu’il n’y ait pas de réexportation possible.
Nos produits sont fermés. Par exemple sur le Tracer notre bandelette
est légèrement plus large que dans le reste de l’Europe donc
incompatibilité des matériels.
" ...Nous n’avons aucun contrat d’exclusivité ni de partenariat
avec les grossistes répartiteurs. Les grossistes répartiteurs
sont libres de réexporter s’ils le veulent de même qu’ils
pourraient soumissionner aux appels d’offres. D’une part pour la réexportation
cela ne s’est pas produit sauf un cas où la maison mère nous
a fait augmenter notre prix de 54 % pour faire cesser ce réexport.
D’autre part les conditions auxquelles ils nous achètent les produits
économiquement ne les rendent pas compétitifs. "
Par courrier du 26 janvier 1995, le gérant de Boehringer France
apportait les précisions suivantes :
" 2/ Organisation au niveau européen - Dans les pays européens,
La société Corange est représentée directement
par ses filiales ou par des agents commerciaux. Il n’existe pas d’organigramme
du groupe au niveau européen et nous ne savons pas si les autres
filiales européennes ont une exclusivité de distribution.
" 6/ Degré d’autonomie de la filiale - L’introduction et la commercialisation
des produits de BMF & Cie est régulièrement analysée
et définie entre BMF & Cie, BMF SA et le producteur....
" 7/ Réexportation des lecteurs et de leurs bandelettes en Europe
Théoriquement, nous n’avons pas de vocation d’exportateur. Toutefois,
certaines exportations vers les pays du Maghreb ont été réalisées
".
c) La société Ortho Diagnostic
Lors de son audition du 13 septembre 1994, le directeur de la division
Lifescan a déclaré : " Nous avons aucun contrat d’exclusivité
avec la société mère. Notre activité est uniquement
la distribution en France des produits pour diabétologie de Lifescan.
Il y a une interdiction venant du siège américain de réexporter
les lecteurs et les consommables en Europe. Pour isoler le marché
français nous avons décidé de distribuer en France
nos bandelettes en boîte de 25 pour les bénéficiaires
du TIPS, alors que dans le reste de l’Europe, sauf en Italie où
existe les deux conditionnements nous distribuons les bandelettes en boîte
de 50. Lifescan s’est entendu avec les distributeurs (Dépôt-Labo
et les grossistes répartiteurs) pour que ces derniers ne réexportent
pas les lecteurs de glycémie et les consommables en Europe. Il n’y
a pas de contrat mais un engagement moral ".
Auditionnés le 4 décembre 1998, les responsables de Lifescan
ont déclaré à ce propos : " Le responsable de la division
Lifescan, M. Msika, a quitté ses fonctions et l’entreprise depuis
octobre 1996. La stratégie commerciale globale est définie
au niveau du groupe, et non de façon autonome par Ortho Clinical.
Celle-ci doit concentrer ses efforts à la pénétration
de son marché local. Nous pensons que c’est ainsi qu’il faut considérer
la déclaration de M. Msika quant à l’instruction donnée
par le siège américain de ne pas réexporter en Europe.
Par contre concernant ses propos sur l’existence, à l’époque,
d’un engagement moral passé avec les grossistes pour que ces derniers
s’abstiennent de réexporter nos produits, nous ignorons qu’un tel
accord ait pu être passé. En outre nous avons pu constater
qu’il est arrivé que des grossistes nous passent des commandes incluant
des produits destinés à être réexportés,
commandes qui ont été honorées ".
d) La société Médisense
La société Médisense France s’est vu confier par
sa maison mère, Médisense Europe, l’exclusivité de
la distribution des produits de la marque pour la France. Le gérant
de Médisense France a donné les précisions suivantes,
lors de son audition du 15 septembre 1994 : " Nous ne faisons pas d’exportation
dans les autres pays européens. Nous ne vendons que les produits
Médisense. Les produits, lecteur comme consommable, est le même
quel que soit le pays où il est vendu. La société
Médisense USA pour des raisons de faiblesse de remboursement en
France comme au Royaume-Uni a décidé dans ces deux pays de
ne pas commercialiser la deuxième génération de son
appareil, le Médisense 2, dont le consommable (les électrodes)
est vendu à un prix encore supérieur au consommable de l’Exatech
lui-même parmi les plus chers sur le marché. Par conséquent
à partir de juin 1991 d’abord dans le Bénélux puis
à partir de janvier 1992 dans le reste de l’Europe la société
a commercialisé le Médisense 2. Actuellement en Europe il
existe deux marchés un qui concerne l’exatech en France et en Grande-Bretagne,
l’autre le Médisense 2 qui concerne le reste des pays de l’Union
Européenne. Cette disparité de produits fait que la société
française ne reçoit pas de commandes de l’étranger
pour les lecteurs.
" Pour les consommables la société française, bien
que le Médisense 2 ait obtenu son autorisation d’être distribué
en France, ne le distribue pas encore. Les seules commandes de l’étranger
que nous pourrions recevoir concerneraient des électrodes et des
lancettes. Sur les électrodes de l’Exatech nous n’avons reçu
à ce jour aucune commande de grossistes ou de clients étrangers.
Si nous en recevons une nous indiquons au client l’adresse du distributeur
du pays concerné et nous transmettons cette commande aux distributeurs
concernés. Si le client insiste pour être livré nous
le livrons. Le cas s’est produit entre notre société anglaise
et un grossiste en Allemagne qui commande régulièrement ces
électrodes en Grande-Bretagne. Nous n’avons aucun contrat avec les
grossistes répartiteurs ni aucun accord limitant leur possibilité
de réexporter nos produits ".
En 1998, les représentants de l’entreprise ont, en outre, déclaré
: " Concernant la distribution en France et en dehors : Medisense, outsider
sur le marché, concentre ses efforts pour conquérir une part
satisfaisante du marché français. A ma connaissance Médisense
n’a pas reçu de demande directe à l’exportation. Cependant
il est arrivé que des grossistes nous fassent une demande supérieure
à leurs besoins habituels et ils nous ont alors indiqué qu’une
partie était destinée à l’exportation, et Medisense
a toujours satisfait ces commandes. Concernant les produits le Medisense
II est commercialisé en France à ma connaissance depuis 1995
au moins, et aujourd’hui il représente la majorité des ventes
".
e) La société Vermed
La société Hypoguard a octroyé par contrat à
la société Vermed la qualité de " distributeur autorisé
" et indiqué que le territoire couvert par cet accord est la France,
les DOM-TOM, les pays d’Afrique de langue française et le Liban.
Le contrat prévoit que la société Vermed devra développer
les plus grands efforts pour réaliser le potentiel de vente sur
le territoire contractuel défini mais ne contient aucune clause
faisant bénéficier la société Vermed d’une
protection territoriale absolue ou visant à interdire toute réexportation
des produits Hypoguard vers d’autres pays, notamment européens.
Par ailleurs la société Vermed a conclu avec le grossiste
OCP un contrat de commissionnaire-dépositaire qui spécifie
: " OCP-DG assurera pour le compte de Vermed la vente en exclusivité
et la livraison des produits susvisés auprès des Grossistes-Répartiteurs
du territoire français métropolitain. " Dans le cadre de
ce contrat, l’OCP est commissionnaire et ne devient pas propriétaire
de la marchandise qu’il est chargé de stocker et de distribuer pour
le compte de Vermed. En contrepartie, l’OCP bénéficie de
l’exclusivité de distribution sur le territoire national. Le contrat
ne contient, en revanche, aucune disposition interdisant à l’OCP
de répondre à des demandes qui émaneraient de clients
situés hors de ce territoire.
Auditionné le 4 novembre 1998, le responsable de la société
Vermed a précisé : " Concernant le contrat qui nous lie à
Hypoguard pour la distribution de leurs produits il définit certes
notre territoire d’intervention soit la France et les pays francophones,
ceci notamment pour des raisons pratiques puisque les produits doivent
être étiquetés en français, mais aucune clause
ne nous interdit de répondre à des demandes provenant de
clients situés en dehors de la zone définie. Par ailleurs
nous n’empêchons pas de réexportation en dehors du territoire
français. Ainsi en 1995 et 1997 nous avons livrés à
un revendeur en France qui nous avait signalé qu’il s’agissait d’une
commande destinée à l’exportation ".
f) La société IDT
En vertu du contrat conclu avec la société américaine
Cascade, la société IDT est désignée comme
distributeur exclusif des produits en France et dans la zone francophone
et Cascade s’interdit de vendre ces produits à d’autres distributeurs
ou utilisateurs dans ledit territoire. Le contrat prévoit également
(article 7) que le distributeur doit engager tous ses efforts pour développer
les ventes dans son territoire et que les produits ne peuvent être
transférés ou vendus par lui en dehors de son territoire.
Par procès-verbal du 21 septembre 1994, la gérante de
la société IDT a apporté les précisions suivantes
: " Le contrat prévoit le cas des réexportations. Le contrat
a été conclu pour la France. Normalement Cascade nous demande
de nous occuper de la zone francophone, pour le reste de l’Europe il y
a d’autres distributeurs (UK, Allemagne, Hollande) Nous respectons les
distributeurs qui ont des territoires. S’il y a commande de grossistes
d’autres pays de l’Union Européenne nous les renvoyons sur le pays
ou le distributeur dont ils dépendent. C’est Cascade USA qui tranche
et fait la distribution.(...) Il n’y a pas de contrat avec les grossistes
répartiteurs. Nous avons supposé que les grossistes répartiteurs
ne commercialisent pas les produits qu’ils distribuent en dehors de la
France donc nous n’avons même pas discuté du problème
des réexportations avec eux tant il nous semble normal qu’ils n’en
fassent aucune ".
2 - Les prix conseillés
a) Les déclarations des entreprises
La société Bayer Diagnostics a reconnu qu’elle diffusait
des tarifs de prix publics conseillés auprès des grossistes
répartiteurs et des pharmaciens. Elle a précisé qu’elle
avait constaté que, si les prix conseillés étaient
en majorité respectés pour les équipements destinés
aux diabétiques de type I, des écarts significatifs existaient
pour les diabétiques de type II, auxquels des pharmaciens vendaient
des appareils à un prix significativement supérieur au prix
conseillé, par exemple, 1 000 F au lieu de 650 F. De façon
plus précise elle a indiqué : " (...) que le souci de Bayer
est d’avoir un prix le plus proche possible du TIPS, qu’il s’agisse des
lecteurs ou des consommables, et de ne pas avoir de dérive qui détournerait
l’utilisateur vers d’autres marques. D’ailleurs vous pourrez constater
que le prix de nos lecteurs a baissé sur la période et que
le prix des consommables est très proche du TIPS. (...). Au demeurant
ce sont les pouvoirs publics qui ont émis le souhait d’une diffusion
de ces prix conseillés maxima pour une bonne information des patients
afin d’éviter une dérive des prix en pharmacie. En outre
les patients sont largement informés par leurs associations qui
sont très actives de ces prix et des écarts éventuellement
constatés d’une part par rapport au TIPS d’autre part par rapport
aux prix pratiqués par les pharmaciens. A ce titre nous vous communiquons
des articles sur ce sujet. " Bayer n’effectue pas de suivi du respect des
prix publics en pharmacie et n’est pas intervenu pour demander à
des pharmaciens de modifier leurs prix de vente s’ils sont différents
des prix conseillés. D’ailleurs les étiquettes figurant sur
les emballages prévoient un espace pour permettre au pharmacien
d’apposer son propre prix ".
Les intéressés ont ainsi communiqué l’accord de
modération de prix passé avec la DGCCRF le 29 juin 1994,
lequel précise, à la rubrique " Information des consommateurs
", que l’entreprise s’engage à mentionner sur les étiquettes
des produits notamment le tarif TIPS et : " - le cas échéant,
si l’entreprise en établit et diffuse un, le prix maximum conseillé
de vente au public ".
La société Boehringer a déclaré qu’elle
diffuse des prix conseillés auprès des pharmaciens par préétiquetage
des produits et par le relais des grossistes et que les pharmaciens restent
libres d’appliquer ou non ces prix conseillés. Elle a aussi souligné
l’insatisfaction des pharmaciens vis-à-vis de ces prix conseillés.
Les associations de diabétiques font en effet pression pour qu’ils
ne pratiquent pas de prix supérieurs. En novembre 1998, les représentants
de la société Boehringer ont aussi précisé
que la diffusion de prix publics conseillés résultait de
la réglementation qui prescrit de déposer les prix de vente
et les prix publics auprès de l’administration, et que l’entreprise
n’exerçait pas de surveillance du respect ni des prix pratiqués
par les grossistes vis-à-vis des pharmaciens, ni des prix pratiqués
par les pharmaciens. Ils ont également relevé que soit des
pharmaciens vendent au-delà du prix public lorsqu’ils souhaitent
avoir une marge plus élevée, soit certains vendent en dessous,
voire au niveau du TIPS, notamment pour fidéliser une clientèle
régulière.
Le directeur de Lifescan a fait les déclarations suivantes en
septembre 1994 " (...) Le grossiste répartiteur prend une marge
de 11 % et le pharmacien de 20 % environ. Afin de nous assurer du respect
de nos prix conseillés nous avons dû, dans la limite du prix
que nous nous étions fixé, nous mettre d’accord avec les
répartiteurs sur leur marge. Nous constatons que les répartiteurs
suivent les prix conseillés. Nous donnons à chaque répartiteur
un tarif prix conseillés avec les prix publics de manière
à ce qu’il puisse indiquer ceux-ci aux pharmaciens. Normalement
la marge du pharmacien lui est garantie par ce système. Notre prix
public en vente directe est le même que le prix public conseillé
qui figure préétiqueté sur les étiquettes......Malgré
nos efforts nous assistons à des dépassements de nos prix
de la part de pharmaciens qui ne se contentent pas de la marge que nous
leur avions réservée. Par ailleurs de nombreux pharmaciens
et même des représentants de leurs syndicats se plaignent
régulièrement au téléphone de l’existence d’un
prix public conseillé qui limite leur aspiration à une marge
plus élevée (...) Le pharmacien reçoit le même
tarif que le grossiste répartiteur. Le pharmacien peut ainsi vérifier
que le grossiste respecte le prix conseillé ".
Puis, en décembre 1998, les représentants de Lifescan
ont déclaré :" Sur les prix conseillés nous n’imposons
rien aux pharmaciens, et ils sont au niveau ou très proches du TIPS.
Vous avez d’ailleurs pu constater, d’après les indications de M.
Msika, que ces prix conseillés sont considérés comme
insuffisants par certains pharmaciens. Sur ce point nos délégués
qui visitent les prescripteurs sont informés par ceux-ci des propos
rapportés par leurs patients, lesquels leur indiquent que les prix
des produits varient sensiblement d’une pharmacie à l’autre. Au
surplus nous n’effectuons aucune surveillance des prix. Notre force de
vente compte seulement 21 personnes, soit 7 par région, et son rôle
consiste exclusivement à assurer la présentation et le suivi
des produits auprès des prescripteurs ".
Les représentants de Médisense ont fait des déclarations
similaires :
1) en 1994 :" (...) Nous donnons nos tarifs avec nos prix publics conseillés
aux grossistes répartiteurs. Nos prix publics sont préétiquetés
à la société. Ils prévoient un espace vierge
pour que le pharmacien y mette son propre prix s’il le souhaite. Je pense
que les grossistes répartiteurs respectent nos prix. Selon les produits
la marge des grossistes varie autour de 11 %. (...) Régulièrement
des pharmaciens nous téléphonent pour se plaindre de l’existence
de prix public conseillé qui les empêchent de faire les marges
auxquelles ils aspirent. Nous pensons que nos prix publics en pharmacie
sont respectés à 85 % minimum et cela notamment grâce
à l’information sur les prix publics que les malades reçoivent
lors de l’éducation et aussi par le biais de leur presse spécialisée
".
2) en 1998 : " Concernant les prix de vente des grossistes Medisense
n’exerce aucun contrôle ni suivi du respect d’un niveau de prix par
les grossistes. Pour l’OCP l’octroi de sa RFA (ristourne de fin d’année)
n’est pas conditionné par un tel respect, mais par le niveau du
chiffre d’affaires atteint. Au surplus la faiblesse du chiffre d’affaires
représenté par notre société dans l’activité
de l’OCP, ou de tout autre grossiste d’ailleurs, ne nous met pas en position
d’imposer un contrôle ou d’influencer leur politique commerciale.
En ce qui concerne les prix publics conseillés Medisense n’exerce
pas de surveillance de ces prix au niveau des pharmaciens. Au demeurant
les prix conseillés sont au niveau ou très proches du TIPS.
En tout état de cause les étiquettes apposées sur
les produits sont conçues pour permettre au pharmacien d’y apposer
son propre prix ".
De même, la société Vermed a indiqué qu’elle
conseillait aux répartiteurs un prix de vente aux pharmaciens et
qu’elle préétiquettait le prix conseillé sur les boîtes
de consommables, le prix conseillé étant d’ailleurs le prix
TIPS, de façon à ce que le malade n’hésite pas à
recourir à ce mode de contrôle de son taux de glycémie.
Pour les lecteurs, le prix TIPS était indiqué, mais aucun
prix public conseillé n’était mentionné. Cette société
a aussi précisé qu’elle n’exerçait aucune surveillance
sur les prix pratiqués tant par les grossistes que par les pharmaciens,
d’autant qu’elle n’en avait pas les moyens vu la faiblesse de sa force
de vente.
La gérante de la société IDT a déclaré
que " .... Les grossistes répartiteurs reçoivent nos tarifs
ainsi que les tarifs à faire aux pharmaciens. Les grossistes répartiteurs
respectent le prix conseillé aux pharmaciens. Par contre les pharmaciens
respectent difficilement nos prix publics conseillés. Les pharmaciens
se plaignent de l’existence d’un prix public conseillé qui les bride
dans leurs désirs de marge. Nous demandons aux pharmaciens de prendre
une marge plus faible que la marge habituelle et ils n’acceptent pas cette
demande. (...) Pour notre part le plus grand danger relevé dans
la distribution, c’est le non respect par les pharmaciens des prix publics
conseillés, et la vente de nos produits à des prix nettement
supérieurs ".
Le représentant de l’OCP, grossiste-répartiteur, a, quant
à lui, fait les déclarations suivantes :
1) en janvier 1995 : " (...) Le tarif qui nous est proposé est
fait en fonction d’un prix TIPS. Les labos fabriquent leurs prix à
partir du prix TIPS sachant que la marge du pharmacien est conservée.
Les laboratoires essaient de rogner sur notre marge. (...). Avec certains
laboratoires la marge est complétée ou améliorée
par l’obtention d’une remise de fin d’année sous réserve
de respecter le tarif de prix de revente aux pharmaciens, par exemple pour
IDT. (...) Tous les laboratoires subordonnent ces RFA au respect de leurs
prix maximums pharmaciens. Ces prix maximum pharmaciens nous sont remis
avec nos tarifs généraux . C’est la clause d’amélioration
de la marge qui est la contrepartie au respect du prix d’achat pharmacien
que nous a transmis le laboratoire. Pour les lecteurs et leurs consommables
nous nous tenons aux prix pharmaciens édictés par les laboratoires.
Nous n’avons aucun contrôle sur les prix de revente des pharmaciens
aux patients. Il arrive que les pharmaciens nous reprochent les prix préétiquetés
par les fabricants. (...) Nos tarifs pharmaciens sont ceux des laboratoires".
2) en novembre 1998 : " A propos de mes déclarations du 3 janvier
1995 à l’enquêteur de la DNEC sur le respect des prix facturés
par OCP aux pharmaciens il faut situer ceci dans le contexte de la négociation
de nos conditions d’achat avec les fournisseurs de lecteurs de glycémie.
A partir du tarif d’achat de base grossiste nous essayons de négocier
la meilleure remise possible qui rémunère notre fonction
de répartiteur (...) Si nous obtenons satisfaction il est alors
possible de vendre au pharmacien au tarif de base grossiste, sinon on vend
au-delà de façon à aboutir à l’objectif de
marge précité. Il en résulte que lorsque les laboratoires
ont exprimé le souhait que soient respectés les prix pharmaciens,
il s’agissait pour eux de prix maxima, ce que j’avais d’ailleurs indiqué
dans ma précédente déclaration de 1995. En effet il
y a la contrainte du prix TIPS qui est la référence pour
le client final et par conséquent pour le laboratoire qui je suppose
calcule ses prix en amont à partir de cette référence.
En tout état de cause l’OCP n’a jamais subi de pressions de ces
laboratoires pour respecter les prix pharmaciens, ni de rappel à
l’ordre lorsque l’OCP a pratiqué un prix différent. Au demeurant
l’OCP ne diffuse pas de prix publics sur les bons de livraison ou les produits,
comme vous pouvez d’ailleurs le constater sur une fiche Vermed avec la
mention PPM ce qui signifie pas de prix marqué Pour IDT pour lequel
j’avais déclaré en 1995 qu’il accordait la RFA en contrepartie
du respect du prix pharmacien là aussi il faut l’entendre comme
un prix maximum, c’est à dire que pour lui dès lors que l’OCP
avait obtenu satisfaction pour sa marge de fonctionnement, il n’y avait
pas de raison de vendre au-delà de ce prix ".
Enfin, six pharmaciens de Paris, sur environ 22 000 en France, ont été
visités au cours de l’enquête. Ils ont confirmé que
les produits sont préétiquetés avec les prix publics
conseillés, qu’ils appliquent les prix conseillés et qu’ils
ne reçoivent pas la visite de représentants des laboratoires.
Deux de ces pharmaciens ont toutefois nuancé l’application qu’ils
font des prix conseillés. L’un a indiqué que, pour les lecteurs,
il applique son propre coefficient de vente, l’autre qu’il lui arrive d’abandonner
au profit des clients en difficulté la différence entre le
TIPS et le prix conseillé.
b) Les données documentaires
Pour les six laboratoires, les mêmes éléments documentaires
ont été recueillis. Il s’agit, en premier lieu, de tarifs
à colonnes " grossistes " et " pharmaciens " où figurent,
dans des présentations différentes selon les marques, le
prix HT et TTC grossistes-répartiteurs pharmaceutiques, le prix
HT et TTC pharmacien, le tarif TIPS et le prix public TTC conseillé.
En deuxième lieu, un échantillon d’étiquettes produits
qui portent trois mentions : le prix public conseillé avec indication
d’un prix, le tarif de remboursement TIPS, et une mention " prix de vente
public......F TTC " avec un espace vide sans indication de prix.
En troisième lieu, un échantillon de factures clients
(sauf pour Vermed), soit des grossistes répartiteurs, des pharmacies
et des particuliers. L’examen de ces documents permet de relever que les
laboratoires appliquaient à chaque catégorie les prix de
la colonne qui leur correspond, avec, éventuellement, pour les grossistes
et les pharmaciens, une remise par rapport au tarif. Pour les particuliers,
auxquels parfois les laboratoires vendent en direct, ils étaient
toujours facturés au prix conseillé.
Auprès des six pharmaciens visités, ont été
effectués des relevés de prix des consommables, qui font
apparaître que ces pharmaciens vendaient alors au prix conseillé.
Pour un pharmacien, ont été également relevés
les prix de deux lecteurs, l’un vendu au prix conseillé qui était
au même niveau que le TIPS, l’autre vendu à un prix supérieur
au prix conseillé.
Au regard des faits rapportés ci-dessus, une proposition de non-lieu
à poursuivre la procédure établie par le rapporteur
a été notifiée en application des dispositions de
l’article 20 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986
alors en vigueur.
II - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,
Sur les caractéristiques du marché
Considérant que le marché concerné par les comportements
soumis à l’examen du Conseil est celui de la commercialisation des
matériels de mesure de la glycémie par analyse du sang ;
que ces matériels comportent, d’une part, un lecteur, qui analyse
le prélèvement de sang effectué, d’autre part, les
consommables, qui permettent de réaliser le prélèvement,
à savoir les lancettes, l’autopiqueur et les bandelettes (ou réactifs)
; que, si les lecteurs, les lancettes et les autopiqueurs de différentes
marques sont des produits substituables entre eux, les bandelettes ne sont,
dans la plupart des cas, compatibles qu’avec le lecteur de la marque correspondante
;
Considérant que les produits en cause sont inscrits au Tarif
interministériel des prestations sanitaires (TIPS) et que les lecteurs
font l’objet d’une prise en charge tous les quatre ans ; qu’il en résulte
que l’utilisateur doit conserver son lecteur et est donc tenu de s’approvisionner
en bandelettes de la même marque pendant cette durée ; qu’en
matière de choix du lecteur, le rôle de la prescription médicale
est prépondérant ; que viennent ensuite les aspects techniques,
la facilité d’emploi et la fidélité à la marque
; qu’ainsi, le critère du prix est secondaire en raison, notamment,
de la prise en charge par les organismes de remboursement ; qu’au surplus,
il a été relevé que les prix de vente publics étaient
égaux ou proches du tarif de remboursement ;
Considérant que les matériels de mesure de la glycémie
sont classés dans la catégorie des dispositifs médicaux
; que leur commercialisation auprès du public est assurée
par le circuit officinal, lequel est approvisionné par des grossistes-répartiteurs
;
Considérant que le marché français comptait, à
l’époque des faits, sept opérateurs dont quatre réalisaient
99 % des ventes de ce marché ; que, de 1992 à 1997, le montant
des ventes est passé de 275,5 MF à 590,3 MF ; que, si les
parts de marché des quatre principaux intervenants ont évolué,
aucun opérateur n’a détenu une position dominante au cours
de la période considérée ;
Sur le cloisonnement du marché français
Considérant que la lettre de saisine fait valoir que les laboratoires
commercialisant en France les appareils de mesure de glycémie auraient
mis en place des modalités de distribution de leurs produits susceptibles
de restreindre le commerce entre la France et les autres pays membres de
l’Union européenne ;
Considérant, en ce qui concerne la société Bayer
Diagnostics, que l’instruction a établi, d’une part, que cette société
n’est pas liée avec sa maison mère par un contrat d’exclusivité
pour la distribution des produits de la marque en France, d’autre part,
qu’elle n’intervient pas auprès des revendeurs pour les dissuader
de réexporter les produits qu’elle leur vend ;
Considérant, en ce qui concerne la société Boehringer
Mannheim, en premier lieu, que l’organisation du groupe en Europe est conçue
de telle sorte que chaque filiale nationale du groupe est chargée
de la commercialisation des produits sur son territoire national, la filiale
française, notamment, s’interdisant " personnellement " de réexporter
vers d’autres pays européens où sont déjà présentes
d’autres filiales du groupe ;
Considérant, en second lieu, que le groupe Boehringer a conçu
des matériels spécifiques à chaque pays, notamment
à la France ; que, si l’incompatibilité des bandelettes du
lecteur commercialisé en France (Accucheck Easy) avec les autres
lecteurs commercialisés dans d’autres pays européens empêche,
certes, d’acheter en France ces bandelettes pour les utiliser sur ces autres
lecteurs, en revanche, il n’est pas établi qu’il soit impossible,
à partir d’un autre pays européen, de s’approvisionner en
France en lecteurs Accucheck Easy puis d’y acquérir ensuite les
bandelettes qui en permettront l’usage ; qu’en effet, les représentant
de l’entreprise ont déclaré que les grossistes répartiteurs
étaient libres de réexporter les produits ;
Considérant que la société Ortho Diagnostic est
intégrée dans le groupe Johnson & Johnson qui définit
la politique commerciale de l’ensemble des filiales ; que l’ancien directeur
de la division Lifescan a déclaré, d’une part, que le siège
américain du groupe avait édicté une interdiction
de réexporter les lecteurs et les consommables en Europe, d’autre
part, qu’il existait un engagement moral de la part des grossistes répartiteurs
de ne pas réexporter les lecteurs de glycémie et les consommables
en Europe ;
Mais considérant que les responsables de Lifescan entendus en
1998 ont déclaré à ce propos : " (...) La stratégie
commerciale globale est définie au niveau du groupe, et non de façon
autonome par Ortho Clinical. Celle-ci doit concentrer ses efforts à
la pénétration de son marché local. Nous pensons que
c’est ainsi qu’il faut considérer la déclaration de M. Msika
quant à l’instruction donnée par le siège américain
de ne pas réexporter en Europe. Par contre concernant ses propos
sur l’existence, à l’époque, d’un engagement moral passé
avec les grossistes pour que ces derniers s’abstiennent de réexporter
nos produits, nous ignorons qu’un tel accord ait pu être passé.
En outre nous avons pu constater qu’il est arrivé que des grossistes
nous passent des commandes incluant des produits destinés à
être réexportés, commandes qui ont été
honorées " ;
Considérant, au surplus, que la déclaration de M. Msika
relative à l’accord de non réexportation passé avec
les grossistes n’est étayée d’aucun autre élément
matériel qui permettrait de constater que cet accord a été
réellement appliqué et que cette déclaration n’est
pas corroborée par des déclarations des grossistes ;
Considérant que la société Médisense avait
décidé de ne pas commercialiser sa nouvelle génération
d’appareils en France et au Royaume-Uni en raison de la faiblesse du remboursement
aux assurés sociaux ; que, d’une part, la stratégie d’un
groupe n’occupant pas une position dominante sur un ou des marchés
géographiques, qui consiste à adapter la commercialisation
d’un nouveau produit en fonction des possibilités de remboursement
existant dans chaque pays, ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle
; que, d’autre part, quand bien même le nouveau lecteur n’était
pas commercialisé en France par Médisense France, il n’est
pas établi que les clients français qui auraient souhaité
l’acquérir en auraient été empêchés en
s’adressant à une autre source d’approvisionnement ; qu’au surplus,
cette situation a été provisoire puisque le nouveau produit
a été commercialisé en France à partir de 1995
; que, si des clients étrangers commandent des produits commercialisés
en France auprès de Médisense France, celle-ci leur donne
satisfaction s’ils ne souhaitent pas être livrés par le distributeur
de leur pays d’origine ; que, par ailleurs, Médisense ne limite
pas la possibilité pour les grossistes en France de réexporter
les produits acquis auprès d’elle ;
Considérant, en ce qui concerne la société Vermed,
que le contrat qui la lie à Hypoguard, s’il définit un territoire
constitué de la France et des pays francophones, ne comporte pas
de clause lui interdisant de répondre à des demandes provenant
de clients situés en dehors de cette zone ; qu’en outre, Vermed
ne s’oppose pas à des réexportations en dehors du territoire
français par ses clients grossistes ;
Considérant, en ce qui concerne la société IDT,
que, si son contrat la désigne comme distributeur exclusif en France
des produits de Cascade USA, en lui faisant obligation de concentrer ses
efforts de vente sur son territoire et de s’abstenir de prospecter le territoire
des autres distributeurs agréés, une telle organisation de
la distribution n’est pas en elle-même illicite, dès lors
qu’il n’est pas établi qu’il existe une protection territoriale
absolue ; qu’au surplus, il n’est pas établi que les grossistes
aient été empêchés de vendre des produits Cascade
hors du territoire défini au contrat ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède,
d’une part, que les conventions liant les laboratoires commercialisant
en France des lecteurs de glycémie, soit avec leur maison mère,
soit avec des fabricants dont ils sont indépendants, n’organisent
pas une protection territoriale absolue ou un cloisonnement du marché
français, d’autre part, qu’il n’est pas établi que les grossistes
implantés en France, qui acquièrent les produits auprès
de ces mêmes laboratoires, ont été empêchés
de les revendre hors de France ; qu’en conséquence, il n’est pas
établi que les sociétés Bayer Diagnostics, Boehringer
Mannheim, Ortho Diagnostic, Médisense, Vermed et IDT ont mis en
œuvre des pratiques ayant eu pour objet ou pour effet de restreindre ou
de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché
commun, contraires aux dispositions de l’article 81-1 du traité
de Rome ;
Sur les prix conseillés
Considérant que la lettre de saisine fait valoir que les laboratoires
commercialisant en France les appareils de mesure de glycémie établissent
des prix de vente publics conseillés dont la diffusion serait susceptible
de limiter la concurrence par les prix entre les pharmaciens ;
Considérant que l’instruction a établi que l’ensemble
des laboratoires commercialisant en France des lecteurs de glycémie
et leurs consommables diffusent aux grossistes des prix indicatifs " pharmaciens
" et aux pharmaciens des prix publics de vente conseillés ; que
les produits portent des étiquettes qui mentionnent le tarif TIPS,
le prix public conseillé et qui comportent un espace libre pour
permettre au pharmacien d’apposer un prix de vente qu’il aura lui-même
déterminé s’il souhaite vendre le produit à un prix
différent du prix conseillé ;
Considérant que, si la plupart des laboratoires ont déclaré
que leurs prix conseillés sont " généralement " ou
" en majorité " respectés par les pharmaciens, ils ont aussi
indiqué que beaucoup de pharmaciens se plaignent du niveau insuffisant
de ces prix au regard des marges auxquelles ils aspirent ; que certains
pharmaciens n’appliquent pas les prix conseillés, lesquels sont
au niveau du tarif TIPS ou proches de ce tarif ; qu’en tout état
de cause, aucun contrôle ou pression de la part des laboratoires
pour assurer le respect de ces prix n’a été constaté
;
Considérant, au demeurant, que les prix conseillés sont
considérés par la majorité des professionnels comme
des prix maxima ; qu’ainsi, l’Office commercial pharmaceutique (OCP), grossiste-répartiteur,
a déclaré qu’il ne dépassait pas les prix publics
indiqués par les laboratoires qu’il qualifie de " prix maximums
pharmaciens " ; que les prix conseillés sont également diffusés
aux associations de diabétiques afin d’informer les malades et de
leur permettre d’éviter les pharmaciens qui pratiquent des prix
plus élevés ;
Considérant, en ce qui concerne les grossistes, que le dossier
ne comporte aucun relevé de factures qui permettrait de vérifier
dans quelle proportion ces grossistes respecteraient les prix indicatifs
" pharmaciens " ; qu’en ce qui concerne les pharmaciens, le dossier comporte
seulement des relevés de prix de consommables pour six pharmaciens,
tous situés à Paris, et un relevé de prix de lecteurs
pour un seul pharmacien ; qu’un tel échantillon, sur un total d’environ
22 000 pharmaciens sur l’ensemble du territoire, ne saurait être
considéré comme suffisamment représentatif du comportement
de l’ensemble de la profession ;
Considérant, enfin, que le dossier ne comporte pas d’éléments
qui permettrait de relever que l’application des prix publics conseillés
par les pharmaciens résulte soit d’une action concertée entre
les pharmaciens ou des pharmaciens avec les laboratoires ou les grossistes,
soit d’une obligation imposée aux pharmaciens par les laboratoires
ou les grossistes ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
qu’il n’est pas établi que les sociétés Bayer Diagnostics,
Boehringer Mannheim, Ortho Diagnostic, Médisense, Vermed et IDT
ont mis en œuvre des pratiques limitant la liberté pour les pharmaciens
de fixer les prix des produits de lecture de glycémie qu’ils commercialisent,
prohibées par les les dispositions de l’article L. 420-1 et L. 420-2
du code de commerce ;
Considérant qu’au regard des constatations qui précèdent,
tant en ce qui concerne un éventuel cloisonnement du marché
français que la diffusion de prix conseillés, il y a lieu
d’appliquer les dispositions de l’article L. 464-6 du code de commerce,