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Conseil d’Etat, 7 novembre 2001, n° 221207, Ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement c/ Société Lioté

En instituant ce régime d’autorisation propre aux dispositifs de publicité lumineuse installés à l’intérieur des agglomérations, le législateur a entendu tenir compte de la nature particulière des atteintes au cadre de vie susceptibles de résulter de tels dispositifs. Il en résulte que si l’autorisation doit être refusée lorsque le dispositif de publicité lumineuse ne respecte pas l’une des interdictions ou prescriptions édictées par les dispositions législatives et réglementaires susmentionnées, le maire peut également fonder une décision de refus, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, sur d’autres motifs tirés de la protection du cadre de vie mentionnée à l’article 2 de la loi du 29 décembre 1979.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 221207

MINISTRE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L’ENVIRONNEMENT
c/ Société Lioté

Mlle Verot, Rapporteur

Mme de Silva, Commissaire du gouvernement

Séance du 8 octobre 2001

Lecture du 7 novembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 18 mai, 16 juin et 11 octobre 2000, présentés par le MINISTRE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L’ENVIRONNEMENT ; le MINISTRE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L’ENVIRONNEMENT demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 7 mars 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 juin 1996 rejetant la demande de la société Lioté tendant à l’annulation de la décision du maire de Paris en date du 12 février 1993 lui refusant d’apposer une publicité lumineuse sur le toit d’un immeuble n° 116 rue de Bercy à Paris et a annulé cette décision ;

2°) de rejeter la demande de la société Lioté devant la cour administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 ;

Vu le décret n° 80-923 du 21 novembre 1980 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Verot, Auditeur,

- les observations de la SCP Celice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Lioté,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 prévoit, en son article 8, que la publicité est admise dans les agglomérations sous réserve des interdictions résultant de l’application de ses articles 4 et 7 ainsi que des prescriptions spéciales applicables dans les zones de publicité restreinte ou élargie prévues à son article 9 ; que cet article 8 renvoie à un décret en Conseil d’Etat, qui a été pris le 21 novembre 1980, le soin de fixer, notamment en matière d’emplacements, de surface, de hauteur et d’entretien, des prescriptions tenant compte des procédés et dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l’importance des agglomérations concernées ; qu’enfin, le deuxième alinéa de cet article 8 soumet à une procédure spécifique d’autorisation du maire "l’installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence" ;

Considérant qu’en instituant ce régime d’autorisation propre aux dispositifs de publicité lumineuse installés à l’intérieur des agglomérations, le législateur a entendu tenir compte de la nature particulière des atteintes au cadre de vie susceptibles de résulter de tels dispositifs ; qu’il en résulte que si l’autorisation doit être refusée lorsque le dispositif de publicité lumineuse ne respecte pas l’une des interdictions ou prescriptions édictées par les dispositions législatives et réglementaires susmentionnées, le maire peut également fonder une décision de refus, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, sur d’autres motifs tirés de la protection du cadre de vie mentionnée à l’article 2 de la loi du 29 décembre 1979 ; qu’ainsi, en jugeant que le refus d’autorisation ne pouvait être légalement fondé que sur l’absence de conformité du dispositif envisagé aux règles qui lui sont applicables, la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L’ENVIRONNEMENT est fondé à en demander l’annulation ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les premiers juges n’ont pas répondu à deux moyens présentés par la société Lioté à l’appui de ses conclusions à fins d’annulation, tirés d’une erreur dans l’appréciation des faits et d’une erreur de droit ; qu’ainsi, le jugement attaqué doit être annulé ; qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer directement sur la demande présentée par la société Lioté devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions de la Ville de Paris tendant à sa mise hors de cause :

Considérant qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 29 décembre 1979 susvisée : "Les autorisations prévues aux chapitres I et II ci-dessus sont délivrées au nom de l’Etat" ; que, lorsqu’il prend en application de l’article 8 de la même loi une décision opposant un refus à une demande d’installation d’un dispositif de publicité lumineuse, le maire agit au nom de l’Etat ; qu’il suit de là que la Ville de Paris est fondée à demander sa mise hors de cause ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation de la décision du 12 février 1993 du maire de Paris :

Considérant que la décision attaquée, qui comporte les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le maire de Paris a pu sans erreur de droit refuser l’installation du dispositif projeté au motif que celui-ci porterait une atteinte à l’environnement urbain incompatible avec la protection du cadre de vie ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Paris a commis une erreur d’appréciation en se fondant sur la circonstance que le dispositif projeté se trouvant, alors même qu’il était situé dans une zone de publicité élargie, en visibilité directe du palais omnisport de Paris-Bercy et du bâtiment du ministère de l’économie et des finances, affecterait la qualité de l’environnement urbain du nouveau quartier de Bercy, notamment de la place du Bataillon du Pacifique et du programme immobilier en cours de réalisation au sein de la zone d’aménagement concerté Corbineau-Lachambeaudie ;

Considérant que si la société Lioté soutient que le dispositif projeté n’était pas susceptible d’être visible de la place du Bataillon du Pacifique, il ressort des pièces du dossier que l’immeuble sis n° 116, rue de Bercy est situé en contiguité immédiate de cette place ; qu’en estimant que l’installation du dispositif projeté affecterait l’urbanisme qui s’organise autour de ladite place, le maire de Paris n’a pas entaché sa décision d’une erreur de fait ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Lioté n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du maire de Paris du 12 février 1993 ;

Sur les conclusions aux fins d’indemnisation :

Considérant que la société Lioté demande réparation du préjudice subi par elle à raison de l’illégalité de la décision du maire de Paris du 12 février 1993 lui refusant l’installation d’un dispositif de publicité lumineuse ; que, comme il a été dit ci-dessus, cette décision n’est entachée d’aucune illégalité fautive ; qu’il en résulte que les conclusions aux fins d’indemnisation ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la société Lioté la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par la Ville de Paris, qui n’est pas partie dans la présente instance, sont irrecevables et ne peuvent qu’être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 7 mars 2000 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juin 1996 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par la société Lioté devant le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Lioté et par la Ville de Paris tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Lioté, à la ville de Paris et au MINISTRE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L’ENVIRONNEMENT.

 


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