CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 210546
M. DELBARRE
M. Thiellay, Rapporteur
M. Seban, Commissaire du gouvernement
Séance du 12 septembre 2001
Lecture du 28 septembre 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 16 juillet 1999, 23 août 1999, 24 août 1999 et 15 mai 2000, présentés pour M. Jean-Philippe DELBARRE, demeurant 22 avenue de Verdun à Cluis (36340) ; M. DELBARRE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 23 novembre 1998 par laquelle l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a refusé de proposer sa nomination en qualité de magistrat exerçant à titre temporaire et la décision identique du 15 juin 1999 de (assemblée des magistrats de la cour d’appel de Bourges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Thiellay, Maître des Requêtes ;
les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. DELBARRE ;
les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le chapitre V quater de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature autorise le recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire ; qu’aux termes de l’article 41-12 de cette ordonnance, ces magistrats ".. sont nommés (...) dans les fonctions prévues pour les magistrats du siège. Les nominations interviennent après avis conforme de la commission d’avancement prévue à l’article 34, parmi les candidats proposés par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel. " ; que, par les décisions attaquées, les assemblées générales des magistrats des cours d’appel d’Aix-en-Provence et de Bourges ont refusé de proposer la nomination de M. DELBARRE ;
Sur le défaut de motivation :
Considérant que l’assemblée générale des magistrats du siège, quand elle statue sur les candidatures à l’exercice à titre temporaire des fonctions de magistrat, ne constitue ni une juridiction, ni un tribunal au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’au demeurant, les stipulations de cet article, relatives aux contestations sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale, ne sont pas applicables aux procédures de recrutement de personnes qui, comme c’est le cas pour les magistrats de l’ordre judiciaire, participent, de par leurs fonctions, à l’exercice de la puissance publique et à la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ; qu’il suit de là que le moyen tiré de l’irrégularité, au regard de la convention précitée, des décisions des assemblées générales des magistrats des cours d’appel d’Aix-en-Provence et de Bourges ne peut qu’être écarté ; que M. DELBARRE ne peut davantage utilement se prévaloir des dispositions de l’article R. 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, reprises à l’article L. 9 du code de justice administrative, aux termes duquel : "Les jugements sont motivés", contre des décisions qui n’ont pas de caractère juridictionnel ;
Considérant que si, aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public : "Doivent être motivées les décisions qui : (...) refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir", les dispositions du chapitre V quater de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ne créent au profit d’aucun des candidats à l’exercice à titre temporaire des fonctions de magistrat le droit d’être nommé dans ces fonctions ; que, par suite, les décisions par lesquelles les assemblées générales des magistrats du siège refusent de proposer leur nomination n’ont pas à être motivées ;
Sur la légalité interne :
Considérant que, s’il n’est pas contesté que M. DELBARRE remplit les conditions prévues par les dispositions du chapitre V quater de l’ordonnance du 22 décembre1958 pour exercer à titre temporaire des fonctions de magistrat, ces dispositions ne créent au profit d’aucune des personnes qui remplissent ces conditions le droit d’être nommée dans ces fonctions ;
Considérant que si M. DELBARRE soutient qu’il aurait fait l’objet d’une discrimination en raison de ses activités professionnelles antérieures à sa candidature, il n’apporte aucun élément de nature à l’établir ; qu’il ne peut davantage se prévaloir d’un droit à obtenir une rémunération ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. DELBARRE n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir des décisions des 23 novembre 1998 et 15 juin 1999 par lesquelles les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel d’Aix-en-Provence et de Bourges ont refusé de proposer sa nomination en qualité de magistrat exerçant à titre temporaire ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer la somme qui est demandée au titre des frais non compris dans les dépens et que M. DELBARRE aurait exposés s’il n’avait pas bénéficié de l’aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. DELBARRE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Philippe DELBARRE et au garde des sceaux, ministre de la justice.