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10 février 2004

Le Conseil d’Etat annule la reprise de Moulinex par Seb

Réunie le 6 février 2004, la Section du contentieux du Conseil d’Etat a, par une décision rendue publique le jour même, statué sur plusieurs requêtes par lesquelles était contestée la décision du 5 juillet 2002 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie autorisant la reprise par la société SEB des activités de la société Moulinex sur le marché français du petit équipement électroménager.

La société Moulinex avait été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre après que ce dernier eut constaté qu’elle se trouvait en cessation de paiements. Le 22 octobre 2001, ce tribunal avait agréé le plan de cession partielle de cette société présenté par la société SEB.

La société SEB avait alors notifié cette opération à la Commission européenne, qui, estimant qu’elle menaçait de créer ou de renforcer une position dominante au point d’entraver de manière significative la concurrence effective sur le marché du petit équipement électroménager, avait, ainsi que les règles communautaires lui en donnent la faculté, renvoyé aux autorités françaises, le 8 janvier 2002, le soin de faire application du droit national de la concurrence.

Par une lettre du 5 juillet 2002, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a, après avoir pris connaissance de l’avis rendu le 15 mai 2002 par le Conseil de la concurrence, indiqué aux parties à l’opération qu’il n’entendait pas s’opposer à cette concentration pour ce qui concerne les marchés français. Le ministre relevait dans les motifs de sa décision que si la reprise de la société Moulinex par la société SEB impliquait la création ou le renforcement de la position dominante de cette dernière sur au moins neuf des treize marchés de produits identifiés, cette reprise relevait néanmoins de la théorie du droit de la concurrence dite de " l’exception de l’entreprise défaillante " selon laquelle, en substance, il n’y a pas lieu de s’opposer à une opération de concentration lorsque ses effets sur la concurrence ne seraient pas plus défavorables que ceux qui résulteraient d’une disparition pure et simple de l’entreprise.

Le Conseil d’Etat rappelle dans sa décision les règles applicables en la matière.

Il appartient au ministre de procéder au bilan des effets de l’opération de concentration sur la situation de la concurrence, avant d’examiner si, le cas échéant, la contribution au progrès économique apportée par la concentration projetée est suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence redoutées, ou s’il convient de subordonner l’opération à l’observation de prescriptions de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser ces atteintes.

S’agissant de la reprise, par un concurrent, d’une société en difficulté, le ministre doit autoriser l’opération sans l’assortir de prescriptions lorsqu’il apparaît, au terme de ce bilan, que les effets de cette opération sur la concurrence ne seraient pas plus défavorables que ceux qui résulteraient de la disparition de l’entreprise en difficulté. Pour qu’il en soit ainsi, trois conditions doivent être satisfaites :

- en premier lieu, les difficultés que connaît la société doivent être de nature, en l’absence de reprise, à entraîner sa disparition rapide ;

- en deuxième lieu, il ne doit pas exister d’autre offre de reprise moins dommageable pour la concurrence ;

- en troisième lieu, la disparition de la société en difficulté ne doit pas être moins dommageable pour les consommateurs que la reprise projetée.

Faisant application de ces règles, le Conseil d’Etat juge que les deux premières conditions étaient, en l’espèce, réunies. Il relève en effet que la société Moulinex aurait fait l’objet d’une liquidation à défaut de reprise par une autre société et que le tribunal de commerce de Nanterre a rejeté les offres de reprise présentées devant lui.

En revanche, le Conseil d’Etat juge que les motifs retenus par le ministre dans sa décision du 5 juillet 2002 ne suffisent pas à justifier que la troisième condition était satisfaite.

Dans cette décision, le ministre avait relevé que la disparition de la société Moulinex, "entraînerait très certainement une détérioration importante des conditions de fonctionnement de plusieurs marchés du petit électroménager, au détriment des consommateurs" en créant un "goulet d’étranglement" sur les marchés concernés dont il serait à craindre qu’il entraîne des hausses de prix, au moins temporaires, sur plusieurs de ces marchés. Le ministre relevait à cet égard qu’en 2001 cela avait été le cas lors d’une interruption temporaire des activités de Moulinex.

Le Conseil d’Etat relève que la réalisation du " goulet d’étranglement " invoquée par le ministre était peu vraisemblable. En effet, compte tenu, d’une part, des caractéristiques technologiques des produits en cause, et, d’autre part, de l’existence de capacités de production immédiatement ou rapidement mobilisables par les concurrents, ceux-ci auraient probablement été en mesure de fournir rapidement les quantités nécessaires pour pallier la disparition des produits Moulinex. En effet, les difficultés de nature commerciale, liées au référencement des produits, qui avaient entraîné la raréfaction de l’offre lors de l’interruption temporaire d’activité de 2001, ne se seraient pas reproduites en cas de disparition totale (sans reprise par SEB) de Moulinex.

Dans ces conditions, la baisse de l’offre envisagée par le ministre dans cette hypothèse n’aurait probablement pas duré plus de quelques mois. Ainsi, à supposer même que la corrélation observée à la fin de l’année 2001 entre la baisse de l’offre et la hausse des prix se soit reproduite, cette hausse des prix, d’ampleur limitée, n’aurait pas excédé cette très courte période.

Le Conseil d’Etat relève en outre qu’en estimant qu’une éventuelle acquisition des marques détenues par la société Moulinex, sans reprise des actifs industriels, ne modifiait pas l’analyse, le ministre aurait méconnu les possibilités offertes par une telle acquisition à un opérateur désireux de pénétrer le marché français du petit électroménager, sur lequel, d’après le ministre lui-même, la principale barrière à l’entrée était constituée par les marques.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat juge que les motifs invoqués par le ministre, qui au demeurant a omis de prendre en compte les conséquences négatives que cette concentration pourrait avoir pour les consommateurs, cette fois de manière durable, ne suffisent pas à justifier qu’était remplie la troisième des conditions exigées pour le recours à "l’exception de l’entreprise défaillante". Il annule en conséquence la décision du 5 juillet 2002.

A la suite de cette annulation, le ministre se trouve à nouveau saisi du renvoi décidé par la Commission européenne le 8 janvier 2002, et devra donc à nouveau se prononcer au vu de l’ensemble des données de fait existant à la date à laquelle il statuera. L’annulation prononcée par le Conseil d’Etat étant fondée sur le caractère non pertinent des motifs invoqués par le ministre à l’appui de sa décision de 2002, elle ne fait pas obstacle par elle-même à ce qu’une nouvelle décision, de sens voisin mais fondée de façon pertinente, soit prise.

 


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