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1er octobre 2002

Les collectivités locales et la Convention européenne des droits de l’homme : débats autour de la notion de partie contractante

Après l’arrêt du 30 mai 2002 de la Cour administrative d’appel de Lyon qui avait refusé aux collectivités locales d’invoquer les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la Cour administrative d’appel de Paris (ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Commune de Montreuil, n° 01PA04037) vient de verser son grain de sel dans cette mécanique bien huilée en reconnaissant la possibilité d’invoquer ces dispositions internationales.

L’ensemble des litiges trouve son fondement dans le feuilleton juridique qui oppose l’Etat et les collectivités locales depuis 1986. Afin d’alléger la taxation des entreprises, le Parlement a pris plusieurs mesures au cours des années 1986 et 1987 passant notamment par la mise en oeuvre d’un abattement et d’une réduction de la taxe professionnelle selon les entreprises. Ces mesures avaient une conséquence directe pour les collectivités locales qui perdaient une partie substantielle de leurs revenus. En conséquence, une dotation supplémentaire de l’Etat était prévue pour compenser la perte.

Sur le fond, une opposition naquit entre l’administration fiscale et plusieurs communes sur le calcul de cette dotation supplémentaire. Alors que les communes souhaitaient un calcul intégrant les rôles supplémentaires, l’administration prenait pour base que les rôles primitifs. Un important arrêt du Conseil d’Etat en date du 18 octobre 2000, Commune de Pantin, a mis fin à cette opposition et fit droit aux collectivités locales. La conséquence fut immédiate : de nombreuses collectivités décidèrent de demander le versement par l’administration de la somme correspondant aux rôles supplémentaires.

Seulement, pour contrecarrer ce déferlement de recours, le Parlement adopta dans le cadre de la loi de finances pour 2002, une disposition législative validant rétroactivement la méthode de calcul choisie par l’administration fiscale.

Malgré cette loi de validation législative, plusieurs communes décidèrent de saisir la justice administrative afin d’obtenir le paiement des dotations compensatrices des réductions de taxe professionnelle. Pour contourner l’obstacle de nature législative que représente la loi de finances pour 2002, la majorité des communes invoquèrent l’incompatibilité de cette loi avec les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne.

Rappelons que dans une décision d’Assemblée du 11 juillet 2001 (Ministre de la Défense c/ Préaud, n° 219312), le Conseil d’Etat avait écarté l’application d’une loi de validation qui annulait purement et simplement des créances de l’Etat en matière de rémunération des militaires, sur le motif de l’incompatibilité avec l’article 1er du premier protocole additionnel. Aux yeux du juge, "l’atteinte portée aux biens que constituait la privation rétroactive des primes que le requérant pouvait légalement percevoir n’était pas justifiée par des motifs d’intérêt général".

La transposition de ces dispositions aux cas soumis aux juges administratifs a fait l’objet d’un traitement différent. La Cour administrative de Lyon (30 mai 2002, Commune d’Annecy) a estimé que "la notion de Haute Parties contractantes doit s’apprécier indépendamment des modalités d’organisation de chacun des Etats signataires de ladite convention ; que doivent notamment être regardées comme des Hautes Parties contractantes au sens de ces stipulations les personnes morales de droit public, autre que l’Etat, investies de prérogatives de puissance publique, et en particulier les communes". En conséquence, ajoute la Cour, "ces personnes ne peuvent revendiquer contre une autre partie contractante le bénéfice des droits et libertés que les stipulations précitées obligent les parties contractantes à reconnaître aux personnes relevant de leur juridiction". En conséquence, le juge administratif a refusé de reconnaître la possibilité pour les collectivités d’invoquer directement les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Ce n’est pas la position qu’ont adopté la Cour administrative d’appel de Douai ou celle de Paris. Dans un arrêt du 14 mars 2002 (ministre de l’économie et des finances c/ Commune de Calais), la Cour administrative d’appel de Douai a contrôlé la conformité de la loi de finances à l’article 6§1 de la Convention européenne. Même scénario au sein de la Cour administrative d’appel de Paris (ministre de l’économie et des finances c/ Commune de Montreuil ; à paraître). La juridiction parisienne précise que la commune ne pouvait invoquer, en l’espèce, les dispositions européennes puisque la contestation ne portait pas sur un droit ou une obligation de caractère civil au sens de l’article 6§1 et rejette le recours fondé sur le protocole additionnel, les dispositions législatives restrictives ne violant pas le principe du respect des biens.

Cette opposition crée ainsi un trouble dans la dimension protectrice de la convention européenne. La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion d’affirmer dans une décision sur la recevabilité en date du 1er février 2001 (affaire Ayuntamiento de Mula c/ Espagne) que les collectivités locales ne peuvent la saisir. Doit-on pour autant en déduire que ces mêmes collectivités ne peuvent invoquer les dispositions de la CEDH ? L’avenir le dira. (BT)

 


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