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26 septembre 2002

Multilinguisme sur le pot de yahourt polynésien et information des consommateurs

Dans un arrêt en date du 26 juin 2002 (Gouvernement de la Polynésie française c/ M. Jacquet, n° 00PA02401), la Cour administrative d’appel de Paris statuant en formation plénière a annulé une délibération de l’Assemblée de la Polynésie française autorisant la rédaction en français, tahitien et anglais des mentions d’étiquetage figurant sur les produits.

Par une délibération n° 98/189 APF du 19 novembre 1998, l’Assemblée de la Polynésie française a prévu que "l’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l’esprit de l’acheteur ou du consommateur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et plus particulièrement sur la nature, l’identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, la conservation, l’origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d’obtention". En conséquence, l’assemblée a prévu à l’article 4 de la délibération que toutes les mentions d’étiquetage "doivent être facilement compréhensibles, rédigées en langue française, tahitienne ou anglaise".

Mécontent de cette position ayant pour effet d’offrir à l’anglais une place importante, un requérant a saisi la justice administrative afin d’obtenir l’annulation de la référence à la langue de Shakespeare dans la délibération contestée. Par un jugement en date du 28 mars 2000, le Tribunal administratif de Papeete a procédé à l’annulation de la mention pointée du doigt. Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Paris a eu à apprécier la conformité de cette prévision avec les dispositions législatives et constitutionnelles existantes.

L’article 2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, dite Loi Toubon, prévoit que "dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances, l’emploi de la langue française est obligatoire". L’application de cette disposition devrait, en conséquence, imposait l’impossibilité d’avoir des étiquettes en anglais voire en tahitien. Seulement, un obstacle de taille s’opposait à l’applicabilité de ce texte législatif : la territorialité. En effet, à ce jour les dispositions de la Loi Toubon ne sont pas applicables en Polynésie française.

Le deuxième argument qu’il est possible d’avancer est celui qui a pour fondement l’article 2 de la Constitution. Cet article a posé comme fondement que "La langue de la République est le français". De ce principe, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’affirmer que l’usage du "français en qualité de "langue officielle", doit s’entendre comme imposant en Polynésie française l’usage du français aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public, ainsi qu’aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics" (Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française).

Or, le texte attaqué ne vise pas les personnes morales de droit public, mais les personnes morales de droit privé, les importateurs et commerçants dans leurs relations avec les citoyens polynésiens. Il ne s’agit pas d’une activité d’une personne de droit privé dans la sphère de la mission de service public. En conséquence, et sur le fondement de la position prise par le Conseil constitutionnel, la possibilité d’avoir des étiquettes en anglais ou en tahitien n’est pas contraire à la Constitution.

Seulement, la Cour administrative d’appel n’a pas validé pour autant la possibilité de recourir uniquement à l’anglais. En effet, après une analyse précise des objectifs du texte contesté, le juge relève que la délibération a pour objectif d’exiger des importateurs une information du consommateur d’autant plus précise que les denrées alimentaires peuvent présenter, dans certaines situations, un danger pour la santé humaine. Or, précise le juge, "si la plupart des mentions d’étiquetage rédigées en langue anglaise peuvent être comprises des consommateurs, le caractère peu courant de certains ingrédients, dont par conséquent le nom anglais sera mal connu, les interprétations erronées des mentions d’étiquetage auxquelles une connaissance partielle de la langue anglaise risque de donner naissance comme les règles d’usage linguistique qui diffèrent en anglais et en français, notamment pour ce qui concerne l’écriture des dates ou des abréviations, peuvent être de nature à créer une confusion dans l’esprit du consommateur qui serait contraire à la finalité même de la délibération".

En conséquence, la Cour administrative d’appel de Paris annule la référence à la langue anglaise dans la délibération contestée. Cette annulation risque sans doute d’avoir des conséquences préjudiciables, économiquement parlant, auprès des résidents polynésiens. En effet, la plus grande partie des importations de produits alimentaires en Polynésie provient de pays anglophones. L’imposition de l’obligation d’étiqueter les produits en français ou polynésien aura sans doute pour effet d’augmenter le coût et le prix des denrées alimentaires ainsi mises en vente. (BT)

 


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