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10 juillet 2002

Doit-on procéder à la fermeture des sites Internet des candidats à la veille du scrutin ?

Pour la première fois, le Conseil d’Etat a été amené à prendre position dans un arrêt du 8 juillet 2002 (Elections municipales de Rodez) sur la question de l’utilisation par un candidat à une élection d’un site Internet, comme outil de propagande. Confirmant une décision prise par le Tribunal administration de Toulouse le 25 septembre 2001, le juge suprême apporte néanmoins des précisions très intéressantes.

Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 49 du Code électoral, "à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale". Cet article a pour objectif d’éviter d’une part, l’exercice de toute pression sur l’électeur et ainsi lui permettre de voter de manière libre et éclairée et, d’autre part, de toujours permettre aux candidats d’avoir une possibilité de répondre en cas d’attaques de dernière minute émanant de leurs opposants.

Qu’en est-il de l’application aux sites Internet ? A ce jour et compte tenu des diverses positions prises par le juge judiciaire mais également par le législateur, il est possible d’assimiler un site Internet utilisé par un candidat à une "forme de propagande électorale par voie de communication audiovisuelle" comme l’a confirmé le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 juillet 2002. En conséquence, les dispositions de l’article L. 49 semble applicable. Cela aurait pour conséquence d’imposer la fermeture du site Internet à compter de la veille du scrutin, toute diffusion de message de propagande électorale par voie audiovisuelle étant interdite.

Cette solution a été adoptée par de nombreuses juridictions du fond. Ainsi, le Tribunal administratif de Toulouse a jugé le 25 septembre 2001 (Elections municipales de Rodez)que "si le maintien le jour même du scrutin d’une partie du site Internet créé par une liste ne peut être confondu avec la distribution interdite au premier alinéa [de l’article L. 49] des dispositions précitées, cette circonstance constitue en revanche une violation du second alinéa". Néanmoins, le juge n’a pas sanctionné le défaut de fermeture estimant ainsi que "les candidats de la liste des requérants avaient eu de répondre à son contenu qui n’est d’ailleurs pas critiqué" (Tribunal administratif de Toulouse, précité) ou que "le retard apporté dans la fermeture du site n’a pas été constitutif d’une manœuvre de nature à altérer les résultats du scrutin" compte tenu du nombre de connexions enregistré (Tribunal administratif de Paris, 3 octobre 2001, Elections municipales de Suresnes).

En conséquence, les principes étaient les suivants : le site Internet ouvert par un candidat est visé par les dispositions de l’article L. 49 et, en conséquence, doit fermer ses portes électroniques à compter de la veille du scrutin. A défaut, le candidat s’expose à des sanctions dès lors que ce maintien a eu pour effet d’altérer les résultats du scrutin.

Néanmoins, une atténuation a été apportée au cours de la campagne présidentielle par la Commission nationale de contrôle de l’élection dans une communication du 16 avril 2002. La Commission estime tout d’abord que les sites Internet des candidats ne doivent pas fermer car "rien ne fera toutefois obstacle au souhait des électeurs de se connecter au site des candidats, y compris le jour du scrutin", précise-t-elle. Néanmoins, à défaut de fermeture, le contenu du site devrait être gelé et donc "les candidats ne (doivent plus procéder) à des modifications du contenu de leur site Internet (... et ...)de ne plus inscrire de nouvelles informations ou de nouveaux argumentaires sur leur site Internet à compter de cette date et d’y faire cesser toute activité interactive, notamment sous forme de dialogue en direct avec les internautes".

Cette solution qui pourtant peut paraître contra legem vient d’être confirmée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 juillet 2002. Le juge estime en effet que "le maintien sur un site Internet, le jour du scrutin, d’éléments de propagande électorale ne constitue pas, lorsque aucune modification qui s’analyserait en nouveaux messages n’a été opérée, une opération de diffusion prohibée par les dispositions du second alinéa de l’article L. 49". Le juge suprême estime donc que le site Internet n’entre pas dans la sphère de l’article L.49 sauf, en cas d’ajout de nouveaux éléments.

Cette position est assez étonnante et il est nécessaire d’analyser les raisons qui peuvent fonder ce choix. Revenons sur l’article L. 49. Cet article a pour objet d’interdire essentiellement aux candidats de harceler les électeurs durant "la période de choix" c’est à dire dans les 48 heures qui précèdent le vote. Le juge a ainsi sanctionné la distribution de tracts le jour du scrutin ou l’appel lancé sur les ondes télévisées de voter pour tel ou tel candidat. La situation du site Internet est-elle la même ?

Pas vraiment. En effet, contrairement à une diffusion de tracts ou via le secteur audiovisuel, l’électeur-internaute doit réaliser une démarche pro-active pour accéder au site Internet, c’est à dire s’y connecter. Cette opération provient en conséquence de sa "propre volonté" et contrairement à un tract qui serait glisser dans le panier de courses de la ménagère de moins de 50 ans, il ne fait l’objet d’aucune influence ou agression extérieure pour accéder à l’information. Alors que dans la rue ou sur les ondes audiovisuelles, l’électeur n’a aucune maîtrise sur l’accès à la propagande électorale, au travers d’Internet, il détient totalement cette maîtrise. On peut donc estimer que le site Internet devrait par nature être exclu du champ d’application de l’article L. 49 qui cherche finalement à protéger l’électeur comme une propagande qu’il ne peut contrôler.

Le second élément qui peut justifier cette sortie du champ d’application de L. 49 est les principes dégagés par la Convention européenne des droits de l’Homme en matière de droit à l’information. La Cour de cassation, dans son arrêt du 4 septembre 2001, a sanctionné la législation française sur les sondages au motif qu’elle portait atteinte d’une part au droit des journalistes à informer les citoyens mais également, d’autre part, à la liberté des électeurs de recevoir des informations.

Ainsi, une interprétation de l’article L. 49 qui aurait pour conséquence d’intégrer le site Internet dans le champ d’application de l’interdiction n’aurait-elle pas pour effet de porter atteinte à cette liberté des citoyens, des internautes de recevoir et d’accéder à l’information, et notamment aux positions adoptées par les candidats et étayées sur leurs sites Internet ?

Le Conseil d’Etat a donc, à juste titre, décidé d’exclure le site Internet du champ de L. 49. Néanmoins, là où le raisonnement devient délicat, c’est à propos de l’exception apportée par le juge administratif. Il estime en effet que dès lors que des nouveaux propos seraient publiés, le site Internet rebasculerait dans le champ de L. 49. Cette bascule devient ici difficilement justifiable au regard des principes énoncés plus haut.

Il est sans doute nécessaire d’interpréter cette exception posée par le juge administratif non pas comme un retour dans le champ d’application de L. 49, mais plutôt comme un avertissement. En effet, le juge des élections a le pouvoir de sanctionner tout comportement qui aurait pour effet ou pour objet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. L’ajout de nouveaux arguments (directement par le candidat ou son équipe, ou par l’intermédiaire de forums de discussion modérés ou non modérés) auxquels les opposants ne peuvent pas répondre pourrait fonder une telle sanction.

Au final, les principes qui découlent de la décision du Conseil d’Etat sont sans doute les suivants : le site Internet peut rester ouvert durant le scrutin, néanmoins les candidats ne devront pas ajouter au dernier moment des arguments nouveaux au risque d’être sanctionnés. Mais, il convient également de préciser que cette décision vise uniquement les sites Internet et sans doute pas les courriers électroniques (BT)

A suivre prochainement ... Le Conseil d’Etat confirme l’utilisation d’Internet comme outil électoral

 


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