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8 avril 2002

L’Etat pourrait être amener à dédommager les victimes de Maurice Papon

Lors d’une audience qui s’est déroulée le vendredi 5 avril 2002 au Conseil d’Etat, Sophie Boissard, Commissaire du gouvernement, a proposé à la haute juridiction administrative de condamner l’Etat à prendre en charge une partie des dommages-intérêts dus par Maurice Papon à la suite de sa condamnation en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité.

Le 2 avril 1998, Maurice Papon a été condamné par la Cour d’assises de la Gironde à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité et à verser aux familles des victimes - notamment de déportés - la somme d’environ 720.000 €. Ce dernier étant insolvable à la suite d’un ensemble de donation-partage effectué au bénéfice de ses enfants de 1995 à 1997 (et qualifiés de frauduleux par le Tribunal de grande instance de Melun le 4 septembre 2001), Maurice Papon a adressé une demande au ministre de l’Intérieur afin d’obtenir la prise en charge par l’Etat de la totalité des condamnations civiles. L’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde se fondait sur le qu’il avait agi en qualité de serviteur de l’Etat.

Suite au refus du ministre de l’Intérieur de prendre en charge une telle condamnation, les familles de victimes ont saisi la justice administrative. Par un premier jugement en date du 27 septembre 2001, le Tribunal administratif de Paris s’est déclaré incompétent et a renvoyé le dossier devant le Conseil d’Etat qui a entendu les parties en audience publique le 5 avril 2002.

Dans ses conclusions, Sophie Boissard a repris les principes posés notamment par la jurisprudence Pelletier du Tribunal des conflits du 30 juillet 1873 distinguant la faute de service et la faute personnelle commise par l’agent public. En effet, la faute personnelle - insusceptible d’engager la responsabilité de l’administration - est soit la faute commise en dehors du service matériellement, soit la faute commise à l’occasion du service mais comportant une intention de nuire ou présentant une gravité inadmissible. En outre, en vertu de la théorie du cumul, le juge administratif admet la possibilité de mettre en jeu également la responsabilité de l’administration en plus de la mise en jeu de la responsabilité de l’agent public ayant commis cette faute et cela dès lors qu’une faute de service est commise en même temps qu’une faute personnelle ou si la faute personnelle n’est pas dénuée de tout lien avec le service.

La Commissaire du gouvernement relève que "les fautes de service qui ont concouru, indépendamment des agissements imputables à M. Papon, à l’arrestation et à la déportation des victimes engagent la responsabilité propre de l’administration française et ne peuvent être mises uniquement au compte de l’occupant allemand". A titre d’exemple, sont cités la mise en place d’un service des questions juives, le recensement des personnes de "race juive", la "création de camps d’internement spéciaux en réalité entachés d’une illégalité manifeste". Afin d’appuyer également sa démonstration de l’existence d’une faute propre de l’administration, Sophie Boissard s’est fondée sur un discours prononcé par Jacques Chirac le 16 juillet 1995 dans lequel il a expliqué que "la folie criminelle de l’occupant [avait] été secondée par les Français, par l’Etat français".

Ainsi, en raison de la superposition d’une faute personnelle et de fautes de l’administration, Sophie Boissard a proposé au Conseil d’Etat de condamner l’Etat à prendre à sa charge une partie de l’indemnité due aux victimes, part s’élevant à 1/3 du montant total des indemnités dues.

La décision qui sera rendue sous une quinzaine de jours risque d’apporter son lot de critiques et d’encouragement. Pour le Commissaire du gouvernement, "l’Etat républicain ne [saurait] échapper à l’héritage de Vichy. Il est tenu d’assumer toutes les conséquences de l’action présente et passée de ses services, même lorsque ces services, agissant sous la tutelle d’autorités illégitimes, ont commis de graves illégalités". (BT)

 


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