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29 mars 2002

Le pouvoir du Conseil d’Etat de conférer à des dispositions réglementaires leur exacte portée

Par un arrêt du 25 mars 2002 (Caisse d’assurance-accidents agricole du Bas-Rhin et autres, n° 224055), le Conseil d’Etat a, dans le cadre du contentieux de la codification à droit constant, usé d’un pouvoir encore inédit : celui de conférer à des dispositions de nature réglementaire leur exacte portée.

Par la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999, le Parlement a autorisé le Gouvernement à procéder, par la voie des ordonnances de l’article 38 de la Constitution, à la codification de plusieurs textes législatifs. Selon le dernier alinéa de l’article 1er de la loi d’habilitation, "les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes (...) et harmoniser l’état du droit".

Appelé à se prononcer sur la conformité de ce texte à l’exigence qui découle de l’article 38 de la Constitution suivant laquelle une habilitation conférée sur le fondement de cet article doit déterminer avec précision son domaine d’intervention, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, estimé, que le gouvernement ne saurait, à l’occasion de la codification autorisée par la loi, apporter des modifications de fond aux dispositions législatives existantes.

En outre, il n’est fait exception à ce principe que s’il s’agit d’assurer le respect de la hiérarchie des normes ou de procéder à l’harmonisation de l’état du droit, cette dernière devant "se borner à remédier aux incompatibilités pouvant apparaître entre des dispositions soumises à codification".

Dans le cadre de cette habilitation législative, le gouvernement a adopté l’ordonnance n° 2000-550 du 15 juin 2000 relative à diverses parties législatives du Code rural. La Caisse d’assurance-accidents agricole du Bas-Rhin ainsi que d’autres organismes sociaux ont contesté la légalité de ces dispositions. Les requérants invoquaient notamment l’absence de codification à droit constant de certaines dispositions.

Ainsi, le Conseil d’Etat rejette les moyens fondés sur l’absence de reprise de l’article L. 761-12 du Code rural fixant le montant maximum de la cotisation uniforme prévue à l’article 1006 du Code local des assurances sociales. En effet, relève le juge administratif, le Gouvernement n’a pas méconnu les dispositions de la loi d’habilitation étant donné que la fixation d’un tel taux relève du pouvoir réglementaire.

Mais la question principale concernait l’article L. 761-21 du Code rural qui indique que les règles de calcul de certaines rentes valent pour les assurés "mentionnés à l’article L. 761-18". Or, cet article ne mentionne aucune catégorie d’assurés. Dans le cadre de l’instruction, le Conseil d’Etat relève que "les assurés auxquels s’appliquent les dispositions de l’article L.761-21 sont ceux mentionnés, non comme l’indique par erreur l’article L. 761-21, à l’article L. 761-18, mais à l’article L. 761-19". Une telle erreur matérielle pouvait-elle justifier l’annulation partielle de l’ordonnance ?

Le Conseil d’Etat répond par la positive. Il relève en effet que "cette erreur matérielle est normalement de nature, eu égard notamment à l’objet de la codification, à entraîner l’annulation des dispositions erronées de l’article L. 761-21". Mais, en cas d’annulation, un problème de taille se serait élevé. En effet, la durée d’habilitation prévue par la loi du 16 décembre 1999 était expirée. Le Gouvernement n’aurait pas pu corriger cette erreur matérielle en adoptant une nouvelle ordonnance de codification. Seul le législateur devenait alors compétent, entraînant ainsi l’obligation de patienter de nombreux mois durant lesquels se déroulent les navettes parlementaires.

Mais, le juge administratif suprême a trouvé une parade à cette situation. Il relève en effet que "dans les circonstances de l’espèce, compte tenu tant de l’absence de tout doute sur la façon dont les auteurs de l’ordonnance auraient dû transcrire les dispositions antérieures à la codification, que de l’impossibilité (...) de prendre une ordonnance qui rectifierait l’erreur entachant l’article L. 761-21, il y a lieu pour le Conseil d’Etat, pour donner le meilleur effet à sa décision, non pas d’annuler les dispositions erronées de cet article, mais de conférer aux dispositions codifiées leur exacte portée et de prévoir que le texte ainsi rétabli sera rendu opposable par des mesures de publicité appropriées".

Le Conseil d’Etat a donc décidé tout naturellement que "l’article L. 761-21 du Code rural s’entend comme renvoyant à l’article L. 761-19 et non à l’article L. 761-18". "un extrait de la présente décision, comprenant l’article 1er de son dispositif et les motifs qui en sont le support, sera publié au Journal officiel dans un délai d’un mois à compter de la réception par le Premier ministre de la notification de cette décision", ajoute l’arrêt.

La solution est totalement inédite. Pour la première fois - et pour donner "le meilleur effet à sa décision" - le juge administratif prend la plume pour tout d’abord réécrire un texte réglementaire qui ne peut l’être que par la voie législative et, ensuite, en ordonner des mesures de publicité.

Sur le fond de la théorie juridique, on peut également se demander si cet arrêt ne va pas déchaîner les foudres des opposants au fameux Gouvernement des juges. En effet, le Conseil d’Etat aurait très bien pu annuler les dispositions réglementaires et laisser le pouvoir législatif modifié le texte lors de l’adoption de la loi de ratification. Il revenait normalement et juridiquement au Parlement le soin de corriger cette erreur matérielle. Doit on admettre de telles corrections de la part du juge administratif ? La question est ouverte. (BT)

 


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