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15 février 2002

Un Etat ne peut émettre de mandat d’arrêt à l’encontre d’un ministre des affaires étrangères en exercice

Par un arrêt en date du 14 février 2001 (Affaire mandat d’arrêt du 11 avril 2000), la Cour Internationale de Justice basée à la Haye a retenu la responsabilité internationale du Royaume de Belgique pour avoir émis et diffusé un mandat d’arrêt à l’encontre du ministre des affaires étrangères de la République Démocratique du Congo (ex-Zaire). La Cour relève notamment que les immunités résultant du droit international coutumier demeurent opposables devant les tribunaux d’un Etat étranger même lorsque ces tribunaux exercent une compétence pénale élargie sur la base de diverses conventions internationales tendant à la prévention et à la répression de certains crimes graves.

Les autorités judiciaires belges ont émis et diffusé sur le plan international un mandat d’arrêt, le 11 avril 2000, à l’encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi, ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo. La Belgique le suspecte notamment d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Se plaignant de la violation de la coutume de droit international d’immunité des ministres, la RDC a saisi la Cour de justice internationale afin que le juge statue sur ces questions.

La question principe de ce litige était la suivante : une personne couverte par une immunité internationale peut-elle faire l’objet d’actes de procédure pénale lorsque les faits commis relèvent de la catégorie des crimes contre l’humanité. Selon la réponse, cela aurait permis (ou non) de faire voler en éclat une partie de l’immunité juridictionnelle du chef de l’Etat pour sa participation dans certains actes criminels.

Dans son arrêt, la Cour fait remarquer qu’en droit international coutumier, les immunités reconnues à un ministre des affaires étrangères ne lui sont pas accordées pour son avantage personnel, mais pour lui permettre de s’acquitter librement de ses fonctions pour le compte de l’Etat qu’il représente. En raison de ses activités de représentation notamment, il bénéficie, pour toute la durée de sa charge, d’une immunité de juridiction pénale et d’une inviolabilité totales à l’étranger. "Cette immunité et cette inviolabilité protègent l’intéressé contre tout acte d’autorité de la part d’un autre Etat qui ferait obstacle à l’exercice de ses fonctions.", relève la Cour.

Ainsi, la Cour considère qu’il n’est pas possible d’opérer de distinction entre les actes accomplis par un ministre des affaires étrangères à titre « officiel » et ceux qui l’auraient été à titre « privé », pas plus qu’entre les actes accomplis par l’intéressé avant qu’il n’occupe les fonctions de ministre des affaires étrangères et ceux accomplis durant l’exercice de ces fonctions. C’est ainsi que, si un ministre des affaires étrangères est arrêté dans un autre Etat à la suite d’une quelconque inculpation, il se trouvera à l’évidence empêché de s’acquitter des tâches inhérentes à ses fonctions.

Statuant sur le principe de compétence universelle soulevée par la Belgique et notamment, sur les arguments selon lesquels les ministres des affaires étrangères ne jouissent d’aucune immunité lorsque pèse sur eux le soupçon d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, la Cour, après l’examen de la législation et de la jurisprudence de divers Etats, a estimé qu’en droit international coutumier, il n’existait aucune "exception quelconque à la règle consacrant l’immunité de juridiction pénale et l’inviolabilité des ministres des affaires étrangères en exercice, lorsqu’ils sont soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité".

La Cour indique en outre que les règles gouvernant la compétence des tribunaux nationaux et celles régissant les immunités juridictionnelles doivent être soigneusement distinguées. Les immunités résultant du droit international coutumier, notamment celles des ministres des affaires étrangères, demeurent opposables devant les tribunaux d’un Etat étranger, même lorsque ces tribunaux exercent une compétence pénale élargie sur la base de diverses conventions internationales tendant à la prévention et à la répression de certains crimes graves.

La Cour souligne toutefois que l’immunité de juridiction dont bénéficie un ministre des affaires étrangères en exercice ne signifie pas qu’il bénéficie d’une impunité au titre de crimes qu’il aurait pu commettre, quelle que soit leur gravité. Immunité de juridiction pénale et responsabilité pénale individuelle sont des concepts nettement distincts. Alors que l’immunité de juridiction revêt un caractère procédural, la responsabilité pénale touche au fond du droit. L’immunité de juridiction peut certes faire obstacle aux poursuites pendant un certain temps ou à l’égard de certaines infractions ; elle ne saurait exonérer la personne qui en bénéficie de toute responsabilité pénale.

Après avoir examiné les termes du mandat d’arrêt du 11 avril 2000, la Cour note que l’émission du mandat d’arrêt litigieux, comme telle, constitue un acte de l’autorité judiciaire belge ayant vocation à permettre l’arrestation, sur le territoire belge, d’un ministre des affaires étrangères en exercice inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Elle estime que, compte tenu de la nature et de l’objet du mandat, la seule émission de celui-ci a constitué une violation d’une obligation de la Belgique à l’égard du Congo, en ce qu’elle a méconnu l’immunité de M. Yerodia en sa qualité de ministre des affaires étrangères en exercice du Congo et, plus particulièrement, violé l’immunité de juridiction pénale et l’inviolabilité dont il jouissait alors en vertu du droit international. (BT)

 


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