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5 février 2002

Le réquérant, le juge administratif et le courrier électronique

Dans un arrêt du 28 décembre 2001 (Elections municipales d’Entre-Deux-Monts, n° 235784), le Conseil d’Etat a été amené à statuer sur la légalité du dépôt d’une requête par un simple courrier électronique. Suivant une lignée jurisprudentielle déjà prise par le Tribunal administratif de Nantes, le juge administratif suprême a autorisé - sous conditions - ce dépôt. Néanmoins, cette décision ne constitue ni plus, ni moins que l’arbre cachant la forêt.

Le contentieux électoral des dernières élections municipales de mars 2001 a fait naître un étrange contentieux : celui du dépôt des requêtes par email. Développement des nouvelles technologies oblige, certains requérants ont souhaité utiliser le monde virtuel pour déposer des requêtes bien réelles. L’arrivée de ces nouvelles technologies dans le cadre du contentieux électoral n’est pas fortuite. En effet, l’article R. 119 du Code électoral précise que "les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine de nullité, dans les cinq jours qui suivent le jour de l’élection, au secrétariat de mairie, ou, à la sous-préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe (...) du tribunal administratif. Elles peuvent également être déposées au bureau central du greffe du tribunal administratif".

Ainsi, de manière dérogatoire, le droit électoral impose un délai de forclusion relativement court : à peine cinq jours. Les requérants peuvent donc être tentés (et ont été tentés) de déposer leurs recours à la dernière minute grâce au courrier électronique. D’un clic, la requête peut être adressée à l’une ou l’autre des autorités habilitées à enregistrer les protestations.

Mais au final une question centrale a été soulevée : le dépôt de la requête par email est-elle valable ? L’article R. 119 du Code électoral ne précise aucun élément quant à la forme que doit revêtir la requête. En outre, l’article R. 413-1 du Code de justice administrative relatif au dépôt de la requête précise simplement que "La requête doit être déposée ou adressée au greffe, sauf disposition contraire contenue dans un texte spécial". Aucune forme particulière n’est exigée.

Ainsi, le juge administratif fait preuve depuis plusieurs années d’une grande latitude en matière de forme et admet que les requêtes puissent être déposées autrement que par un courrier écrit. Le Conseil d’Etat a, par exemple, admis la présentation d’une requête sous la forme d’un telex (CE, 8 juillet 1988, Bernhard Dietschi, n° 88665) ou sous forme de télécopie (CE, 13 mars 1996, Diraison, n° 112949).

Dans cette dernière affaire, le Conseil d’Etat avait estimé qu’il pouvait être valablement saisi d’une requête ou d’un recours présenté par télécopie et enregistré dans les délais du recours contentieux, dès lors que cette requête ou ce recours contient l’exposé sommaire des faits et moyens, les conclusions et les noms et demeures des parties. En outre, afin de remplir l’ensemble des obligations de forme, les requérants sont dans l’obligation d’authentifier la requête ou le recours soit par la production d’un exemplaire dûment signé du mémoire adressé par télécopie, soit par l’apposition de leur signature au bas du document enregistré au Conseil d’Etat.

Cette solution également admise par le juge judiciaire a été transposée au monde virtuel. Dans un premier temps, le Tribunal administratif de Nantes a, le 7 juin 2001, implicitement validé le recours au courrier électronique pour le dépôt d’une requête. Cette validation a été confirmée le 28 décembre 2001 par le Conseil d’Etat qui a jugé dans une autre affaire, "qu’il résulte de l’instruction (...) que la protestation (...) a été transmise à la préfecture du Jura par un courrier électronique reçu le 16 mars 2001, et que le requérant a ultérieurement confirmé être l’auteur de cette protestation par lettre adressée au tribunal administratif de Besançon ; que cette protestation était ainsi recevable".

Le Conseil d’Etat a donc admis la possibilité pour un requérant de déposer un recours par un simple email. Seulement, un problème demeure à la lecture de cet arrêt, simple transposition de la solution retenue en matière de télécopie. C’est en quelque sorte, l’arbre qui cache la forêt. Dans l’affaire soumise au Tribunal administratif de Nantes le 7 juin 2001, le juge administratif a néanmoins rejeté la protestation au motif que celle-ci était tardive. En effet, le requérant pourra être amené à prouver que la requête a bien été reçue dans les temps par les autorités compétentes.

Le problème majeur en matière de dépôt est donc la preuve de l’envoi du courrier électronique. Transposant une solution retenue en matière de télécopie à propos du rapport d’émission (CE, 27 avril 1994, M. Raynal), le Tribunal administratif de Nantes a refusé d’accorder toute valeur probante à la simple impression du message figurant dans la boîte "Messages envoyés" du logiciel de messagerie. Nous reviendrons prochainement et, plus longuement, sur cette question pour les e-requérants, mais hélas il n’existe pas de solution bien efficace pour s’assurer à 100% de l’efficacité du recours au courrier électronique. (BT)

 


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