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29 janvier 2002

Le Conseil d’Etat et l’intégration complète du droit communautaire

Dans un arrêt d’Assemblée en date du 25 janvier 2002, le Conseil d’Etat (n° 224850, Ligue pour la protection des oiseaux et autres) statuant à la demande de plusieurs associations protectrices de l’environnement a apprécié la légalité du décret relatif à la chasse aux oiseaux d’eau par rapport au droit communautaire. Notamment, il a intégré dans son corpus juridique, les décisions de la Cour de justice des communautés européennes.

Aux termes de l’article L. 424-2 du Code de l’environnement, "nul ne peut chasser en dehors des périodes d’ouverture de la chasse fixées par l’autorité administrative. Les oiseaux ne peuvent être chassés ni pendant la période nidicole, ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Les oiseaux migrateurs ne peuvent en outre être chassés pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification. Toutefois, pour permettre dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux migrateurs terrestres ou aquatiques en petites quantités, conformément aux dispositions de l’article L. 225-5, des dérogations peuvent être accordées. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application de cette disposition".

Appliquant cette disposition, un décret en date du 1er août 2000 a modifié les dates entre lesquelles la chasse au gibier d’eau et aux oiseaux de passage peut être ouverte et a autorisé les préfets à fixer des dérogations à ces dates. Saisi par plusieurs associations protectrices de l’environnement, le Conseil d’Etat a partiellement annulé ledit décret sur le fondement de décisions de la Cour de justice des communautés européennes.

En effet, il estime que pour l’appréciation de la légalité des dispositions introduites par cet article et relatives aux dates d’ouverture et de clôture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau, "il y a lieu de se référer à l’interprétation que la Cour de justice des Communautés européennes a, en particulier dans ses arrêts du 19 janvier 1994 et du 7 décembre 2000, donnée de l’article 7 § 4 de la directive du 2 avril 1979". Notamment, la protection prévue pour ces espèces, tant pour la période nidicole et les différents stades de reproduction et de dépendance que pour le trajet de retour des espèces migratrices vers leur lieu de nidification, doit être une protection complète, excluant des risques de confusion entre espèces différentes. Par ailleurs, la fixation de dates échelonnées en fonction des espèces n’est licite que s’il peut être établi, au regard des données scientifiques et techniques, que cet échelonnement est compatible avec cet objectif de protection complète.

Tirant les conséquences de cette analyse, le Conseil d’Etat a estimé que les dispositions du décret attaqué fixant au 10 août, pour les régions autres que les grandes régions de nidification, l’ouverture de la chasse aux canards, rallidés et foulques "ont été prises en méconnaissance des objectifs de l’article 7 § 4 de la directive du 2 avril 1979". En outre, il résulte "du rapprochement entre les données scientifiques telles qu’elles ressortent des pièces du dossier et l’interprétation mentionnée ci-dessus de l’article 7 § 4 de la directive du 2 avril 1979 que si le décret du 1er août 2000 a pu légalement reporter jusqu’au 10 février la clôture de la chasse pour les colombidés, il est, en revanche, entaché d’illégalité en tant qu’il a fixé à des dates postérieures au 31 janvier la clôture de la chasse pour le râle d’eau et les macreuses, la bécasse des bois, les bécassines et certains autres limicoles, ainsi que pour les turdidés".

Par ailleurs, toujours dans le cadre de ce contrôle, le juge administratif suprême a fait usage de la procédure de la question préjudicielle posée à la juridiction européenne. Il a donc, demandé à la Cour de justice des communautés européennes si l’article 9 § 1 c de la directive du 2 avril 1979 permet de déroger aux dates d’ouverture et de fermeture de la chasse fixées compte tenu des objectifs mentionnés à l’article 7 § 4, et, en cas de réponse affirmative à cette question, selon quels critères et dans quelles limites ces dérogations peuvent être prévues.

Au final cette décision est intéressante dans le domaine de la prise en compte complète du droit communautaire par le juge administratif. Outre l’usage de la technique de la question préjudicielle qui donne le pouvoir d’interprétation au juge communautaire, le Conseil d’Etat s’estime lié par les précédentes décisions - et notamment interprétation - de la CJCE qu’elle aurait pu émettre dans d’autres affaires.

Ce caractère impératif des décisions communautaires ne s’applique donc pas uniquement dans le cadre de la procédure de la question préjudicielle, mais bien de manière générale. A la suite de la lecture de cette décision d’Assemblée du Conseil d’Etat, il semble se dessiner une nouvelle hiérarchie des normes où la jurisprudence communautaire rendue par la CJCE prendrait une place supra-nationale. Quand le juge suprême national, devient juge inférieur ... nous sommes véritablement entrés dans la création d’une grande Europe ! (BT)

 


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