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19 mai 2002

Décision n° 88-D-27 du 21 juin 1988 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la messagerie-groupage

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la lettre en date du 23 octobre 1985 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et du budget a saisi la Commission de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur de la messagerie-groupage  ;

Vu les ordonnances nos 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ;

Vu les observations présentées par les parties ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteurs, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées.

I.- CONSTATATIONS

A. - Le secteur de la messagerie-groupage

Définition et caractéristiques

Les entreprises intervenant dans le secteur de la messagerie-groupage ont pour mission de réunir les envois de marchandises en provenance de plusieurs expéditeurs ou à l’adresse de plusieurs destinataires et de réaliser les opérations de transport des lots ainsi constitués par des transporteurs Ferroviaires ou routiers.  Ainsi, le rôle du groupeur est de constituer, à partir d’envois multiples collectés par ses soins, des charges complètes aptes à remplir des équipements de transport routiers ou ferroviaires et le rôle de l’entreprise de messagerie est de mettre en oeuvre un parc de véhicules et des infrastructures de plate-forme et autres équipements de manutention. Selon les cas, les opérations de groupage - ou de dégroupage - sont effectuées par une ou plusieurs entreprises ; en cas de nécessité, le commissionnaire groupeur a toujours la possibilité de sous-traiter différentes opérations comme l’enlèvement de la marchandise à domicile, la manutention des colis, l’expédition des lots, la livraison terminale. Occasionnellement, le commissionnaire groupeur peut assurer lui-même, avec des moyens de transport qui lui sont propres, le transport des marchandises qui lui sont confiées.

Le marché de la messagerie-groupage compte différentes catégories d’opérateurs : des groupeurs nationaux assurant le groupage sur une zone plus ou moins vaste du territoire mais réalisant la distribution des marchandises sur l’ensemble du pays , des transporteurs régionaux spécialisés dans l’exploitation de lignes précises ; des réseaux nationaux intervenant sur l’ensemble du territoire et sur lequel le Sernam et la Compagnie générale Calberson, respectivement service et filiale de la S.N.C.F., jouent un rôle prééminent.

A la fin de l’année 1983, le secteur de la messagerie-groupage comportait 1 104 entreprises employant près de 60 000 salariés.

Ces différentes entreprises se distinguent tant en raison du fait qu’elles assurent ou non la fonction de transport et qu’elles offrent ou non une gamme de services plus ou moins étendue. Les services proposés se différencient en effet selon trois critères principaux : délai de livraison, poids et dimension des envois, destinations desservies. S’agissant des délais de livraison, des entreprises se sont attachées à offrir des services «  Express ».

Si le décret n°61-619 du 30 juin 1961 a prévu dans son article 12.1 que les tarifs de messagerie-groupage devaient être « approuvés par le ministre des travaux publics et des transports selon la procédure fixée par arrêté du ministre  », cette tarification réglementaire n’a jamais vu le jour.  Dans les faits, les prix des services de messagerie-groupage ont, en revanche, été par le passé « encadrés » et tel a été le cas au cours de la période du 1 1 juin 1982 au 31 décembre 1983. Ultérieurement, des engagements de lutte contre l’inflation ont été conclus entre les organisations représentatives de la profession et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.  Au 1er janvier 1985, les entreprises ont obtenu la liberté de fixer elles-mêmes leurs prix.

Les entreprises de messagerie-groupage sont représentées par la Fédération nationale de la messagerie (F.N.M.) ; elle regroupe les dix-sept associations professionnelles des entreprises de messageries (A.P.E.M.). Cette fédération participe au Conseil national des commissionnaires de transports (C,N.C.T.) instauré par l’article 40 du décret du 14 novembre 1949, modifié par le décret n°61-676 du 30 juin 1961 , ce conseil a, pour partie, un pouvoir réglementaire.

En application des textes régissant la profession, le groupeur, titulaire d’une licence de commissionnaire de transport, est tenu de se conformer aux « conditions générales de transport des envois de détail », émanant du C.N.C.T. et régissant les rapports entre le groupeur et ses clients. Ces conditions prévoient en particulier la perception par le commissionnaire de transport d’un prélèvement dénommé « droit d’enregistrement et de timbre » s’ajoutant au prix du transport résultant du tarif applicable.

Ce « droit d’enregistrement et de timbre » comporte deux éléments. En premier lieu, il s’agit d’une ressource fiscale reversée au Trésor public. Perçu en application des dispositions du code général des impôts (art. 925 et suivants), le droit de timbre a été fixé à 3 francs par la loi de finances pour 1984. En second lieu, pour le surplus, le droit d’enregistrement entre, selon les usages professionnels, dans la rémunération de l’entreprise elle-même.  Selon ces usages ce droit perçu, quel que soit le type ou l’importance de l’envoi, est destiné à couvrir les charges fixes de l’entreprise qui se rattachent directement à l’opération de transport
 , il est, en principe, déterminé librement par le groupeur dans le respect des limites supérieures fixées par le C.N.C.T.

B. - Les pratiques relevées

1. L’accord conclu le 1er octobre 1984 entre la Compagnie générale Calberson et Danzas S.A.

La Compagnie général Calberson a créé un service « express » dénommé « Calexpress  » permettant d’acheminer dans un délai maximal de 48 heures des envois de détail. En application de J’accord conclu le 1er octobre 1984, la société Danzas a accès au réseau « Calexpress » de Calberson pour une période de cinq ans. L’article 3 g du contrat conclu (pièce n°4) stipule que le groupe Calberson s’engage à ne pas consentir à d’autres entreprises les avantages accordés à Danzas et, en application des articles 3 a et 3 b, il est prévu que la société Danzas applique les tarifs de Calberson et que les parties s’engagent «  au respect de leur clientèle respective ».

2. Les hausses de prix relevées les 1er janvier et 1er juillet 1985

S’agissant de la hausse du 1er janvier 1985, de multiples pièces versées au dossier témoignent de la réalité d’une concertation visant à promouvoir des hausses uniformes de tarifs (pièces n°22 à 29). Ces pièces révèlent que la concertation a été engagée par la F.N.M. et que le Sernam et Calberson y ont apporté leur concours. Lors d’une réunion entre le président de la F.N.M. et le président de la Compagnie générale Calberson, tenue le 22 octobre 1984, une hausse de prix de 5 p. 100 est envisagée si la liberté des prix est octroyée (pièce n°22).

Dans une lettre du 22 novembre 1984 adressée par le président de Calberson à son directeur commercial on peut lire qu’«  à partir du début de 1985, nous pourrions engager par la voie professionnelle une action de relèvement qui reprendrait somme toute les projets que nous avions formés, c’est-à-dire 5 p. 100 le 1er janvier et 4 p. 100 le 1er juillet. Il va sans dire qu’à ce moment-là nous devrons être très vigilants pour faire une fourchette... en différenciant par entreprise car, sans cela, nous nous trouverons sous le coup des « ententes » (pièce n°23). La lettre du 3 décembre 1984 du président de Calberson à son directeur commercial enseigne pour sa part que le Sernam « est derrière nous, à partir du 1er janvier, pour promouvoir, au même niveau, les hausses tarifaires de janvier et de juillet » et que la « dernière circulaire » du président de la F.N.M. du 30 novembre 1984 ne serait « pas très bien rédigée puisque, en particulier, elle n’évite, nullement le risque d’entente et ne formule aucun conseil et aucune recommandation dans ce sens » (pièce n°25). La participation du Sernam à l’accord tarifaire conclu est corroborée par les indications reportées sur la pièce n°27 (cahier de réunion du directeur administratif de la F.N.M.) où l’on relève, à la suite d’une réunion du 1 1 décembre 1984, les mentions « Il faut modifier prix dès 1.1. Le Sernam nous suit dans cet accord. Niveau majoration. » La preuve de la concertation professionnelle est encore rapportée par les pièces n°28 (compte rendu de la réunion du conseil d’administration de l’A.P.E.M. d’Ile-de-France du 12 décembre 1984) et n°29 (circulaire du Sernam aux directeurs de succursales datée du 26 décembre 1984) où l’on note respectivement les mentions qui suivent : «  A titre d’information, sur proposition de la fédération, l’augmentation de la sous-traitance sera plafonnée à 5 p. 1 00 »... « Le tarif de référence est majoré d’un taux moyen équivalent à celui recommandé à ses adhérents par la Fédération nationale de messagerie.  »

Dans les faits, au 1er janvier 1985, la hausse du tarif messagerie a été de 5,5 p. 100 en moyenne pour le Sernam, de 5 p. 100 pour Calberson, de 6 p. 100 pour Danzas, de 5 à 7 p. 100 pour Mory-T.N.T.E.

La hausse constatée le 1er juillet 1985 a également donné lieu à des concertations (pièces nos 32 à 39).  Les comptes rendus manuscrits des réunions du 14 mai 1985 de la commission économique de la F.N.M. et du conseil d’administration de cette fédération font ainsi état de projets de hausse se situant entre 2,5 et 3 p. 100 au 1er juillet 1985, certes accompagnés d’un relèvement significatif des limites de responsabilité des entreprises (pièces nos 32 et 33). Après avoir envisagé une hausse de 3,8 p. 100 pour août lors d’une réunion tenue à la fin de mai 1985 avec la F.N.M. (pièce n°34) et après concertation avec la F.N.M., le Sernam préconise le 1 1 juin 1985 des hausses de 3 p. 100 dès juillet pour l’«  express » et de 2,5 à 3,5 p. 100 « pour la messagerie selon les coupures de poids ». Les hausses envisagées à la même date pour Calberson et Mory-T.N.T.E. s’établissent alors respectivement à 3 et 2,8 p. 100 (pièce n°37).  Les augmentations ainsi avancées sont conformes aux souhaits de la profession appelant, dès mai 1985, à la faveur d’un «  tour de table » une augmentation de 2,5 à 3 p. 100 « si le Sernam et l’Express augmentent » (pièce n°35).  L’engagement du Sernam sur la hausse espérée (pièce n°39) conduit alors le directeur administratif de la F.N.M. à répercuter l’information quant aux augmentations de prix à pratiquer dès juillet à différentes associations professionnelles régionales.

En moyenne, les hausses de prix constatées en juillet 1985 se sont établies à 2,8 p. 100 pour le Sernam, 2,9 p. 100 pour Calberson, 2,5 p. 100 pour Danzas et 3 p. 100 pour Mory-T.N.T.E.

3. La fixation du niveau du prélèvement dit «  droit d’enregistrement et de timbre »

Comme il a été déjà indiqué, la fixation du droit de timbre est définie par la voie législative, le maximum du « droit d’enregistrement et de timbre » est déterminée par le C.N.C.T. Au 1er janvier 1985, ce maximum a été fixé à 16,50 F (envoi en port payé). Les pièces versées au dossier montrent l’importance que des entreprises attachent à ce « droit » qui constitue « une part non négligeable de leurs recettes » (pièces nos 26 et 41). A la date du 1er janvier 1985, les sociétés Compagnie générale Calberson, Danzas S.A. et Mory-T.N.T.E. se sont alignées sur ce tarif plafond.

La question de l’application du tarif plafond a été évoquée par le président de la Compagnie générale Calberson auprès de la F.N.M. en décembre 1984 : « je pense que cette fois-ci, nous devons à nouveau être homogènes avec la profession... » (pièce n°26). « En vue de décisions à prendre » (pièce n°42), la F.N.M. a élaboré une série de tableaux à la date de décembre 1984 indiquant sur la base d’un « montant actuel  » différentes évaluations de « droits et taxes  » en fonction de différentes hypothèses de hausses comprises entre 4 et 7 p. 100.

II - A LA LUMIERE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Sur les textes applicables :

Considérant que, dans le cas où les faits constatés sont antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986, l’absence de vide juridique résulte de l’application des règles de fond contenues dans l’ordonnance du 30 juin 1945 dans la mesure où les qualifications énoncées par celle-ci sont reprises par le nouveau texte ; que l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les pouvoirs de qualification des pratiques anticoncurrentielles et de décision, antérieurement dévolus au ministre chargé de l’économie, sont confiés au Conseil de la concurrence ; qu’en vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article 50 de cette ordonnance demeurent valables les actes de constatation et de procédure établis conformément aux dispositions de l’ordonnance du 30 juin 1945 ; qu’enfin les pratiques, qui étaient visées par les dispositions du premier alinéa de l’article 50 de cette dernière ordonnance et auxquelles les dispositions de son article 51 n’étaient pas applicables, sont identiques à celles qui sont prohibées par l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne l’accord conclu le 1er octobre 1984 entre la Compagnie générale Calberson et Danzas S.A. :

Considérant que les parties ne contestent pas le contenu de l’accord conclu le 1er octobre 1984 ; qu’elles en soulignent le caractère technique devant en particulier permettre à la Compagnie générale Calberson de mieux assurer l’amortissement de sa flotte et à Danzas S.A. de consolider sa place sur le marché sans avoir à investir à perte ; qu’elles s’efforcent par ailleurs de réduire la portée des clauses incriminées au motif, en particulier, que l’accord conclu « ne liait pas deux concurrents, mais une entreprise (Calberson) qui offrait un service spécifique, dont l’activité était déjà assise et performante sur le plan national, à une autre entreprise demanderesse » ;

Considérant que la clause 3 b de cet accord prescrit le respect des clientèles respectives des parties et que par la clause 3 g la Compagnie générale Calberson « s’interdit dorénavant de concéder à un autre transporteur ou à un groupe de transporteurs d’importance nationale les mêmes avantages que ceux consentis au groupe Danzas dans le cadre du trafic Calexpress » ; que ces deux clauses ont pour objet et peuvent avoir pour effet de limiter l’exercice de la libre concurrence par d’autres entreprises, au sens de l’article 50 susmentionné ,

Mais considérant que la Compagnie générale Calberson et Danzas S.A. font valoir que l’accord conclu le 1er octobre 1984 constitue un accord de productivité à l’origine d’une rationalisation et d’une amélioration de la qualité des services proposés  ; qu’il apparaît en effet que ledit accord a permis à Calberson de mieux assurer l’amortissement de sa flotte et à Danzas de fournir une prestation d’une qualité supérieure à celle qu’elle aurait pu fournir à défaut de l’accord conclu, notamment en assurant un accès plus large de la clientèle au réseau Calexpress ;

Considérant que les dispositions du 2o de l’article 51 de l’ordonnance du 30 juin 1945 susmentionnée peuvent être appliquées à des pratiques prohibées par son article 50, dès lors que le progrès économique allégué est la conséquence de ces pratiques et dès lors qu’un tel progrès n’aurait pu être obtenu en l’absence de ces pratiques ; qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier et des explications fournies par les entreprises en cause que ledit accord n’aurait pas été conclu à défaut des clauses qui font l’objet des articles 3 b et 3 g et qui sont indissociables entre elles ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire application des dispositions du 2o de l’article 51 de l’ordonnance susvisée ;

En ce qui concerne les hausses de tarifs des 1er janvier et 1er juillet 1985 :

Sur l’application de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 :

Considérant que, si la Fédération nationale de la messagerie n’est pas expressément citée dans la conclusion du rapport définitif qui lui a été notifié, il résulte clairement des énonciations de la page 12 du rapport que « la Fédération nationale de la messagerie a mis en oeuvre des pratiques visées par l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945 (au titre des majorations intervenues les 1er janvier et 1er juillet 1985) auxquelles les sociétés Calberson, Danzas et Mory-T.N.T.E. ont apporté leur concours » , que ce grief est annoncé à la page 9 dudit rapport comme étant définitivement retenu , qu’il résulte de ce qui précède qu’il ne saurait être utilement soutenu par ladite fédération que le rapport ne fait mention d’aucun grief à son endroit ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces 22 à 29 et 32 à 39, qu’à propos des hausses de tarifs prenant respectivement effet le 1er janvier 1985 et le 1er juillet 1985 la Fédération nationale de la messagerie a pris l’initiative d’une concertation à laquelle ont participé, avec elle, le Sernam, service de la S.N.C.F., les sociétés Compagnie générale Calberson, Danzas S.A. et Mory-T.N.T.E.  ; que ces concertations ont porté effectivement sur les hausses de tarifs à intervenir ; qu’en agissant ainsi les entreprises se sont livrées à une action concertée ayant pour l’objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance susvisée de 1945 ;

Considérant, d’une part, que certaines des entreprises ayant participé à cette concertation tentent d’expliquer l’entente tarifaire par la situation particulière du Sernam sur le marché de la messagerie-groupage, compte tenu à la fois de son rôle, qui serait celui d’« entreprise-leader », et du caractère structurellement déficitaire de ses comptes , que cette situation, même à la supposer établie, ne saurait justifier une entente tarifaire entre les entreprises ;

Considérant, d’autre part, que la S.N.C.F. soutient que la législation relative aux ententes ne saurait être opposée aux pratiques du Sernam et de la Compagnie générale Calberson au motif que ces deux entités dépendent du même groupe ; que cet argument est, en tout état de cause, inopérant dès lors que le grief retenu par le conseil est non pas la réalisation d’une entente entre le Sernam et la Compagnie générale Calberson, mais la participation des services de la S.N.C.F. et de cette entreprise à une concertation à laquelle ont également pris part deux autres entreprises et la Fédération nationale de la messagerie ;

Sur l’application du 2° de l’article 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 :

Considérant qu’en ce qui concerne le grief ci-dessus précisé la Fédération nationale de la messagerie et les sociétés Compagnie générale Calberson, Danzas S.A. et Mory-T.N.T.E., qui nient l’existence de toute entente tarifaire, ne se prévalent pas, dans les réponses qu’elles ont formulées à la suite de la communication du rapport, des dispositions du 2° de l’article 51 de l’ordonnance du 30 juin 1945 ; qu’en revanche, pour le compte du Sernam, fa S.N.C.F. invoque le bénéfice de ces dispositions  ;

Considérant que le Sernam se borne à invoquer la situation de son compte d’exploitation (pièce n°295 et à se prévaloir des dispositions statutaires qui lui sont propres, notamment en matière de tarification ; que l’argumentation ainsi présentée ne démontre pas que les hausses de tarifs auraient été supérieures en- l’absence de concertation ; qu’au contraire les concertations constatées ont eu pour objet de restreindre la concurrence alors que la liberté tarifaire recouvrée aurait dû autoriser une amélioration du processus concurrentiel ; que, dès lors, les pratiques relevées ne sauraient entrer dans le champ d’application du 2° de l’article 51 de l’ordonnance du 30 juin 1945 ;

En ce qui concerne la fixation du niveau du prélèvement dénommé « droit d’enregistrement et de timbre »  :

Considérant que, si des entreprises de messagerie-groupage ont pratiqué le même taux de prélèvement au titre du « droit d’enregistrement et de timbre », les pièces versées au dossier n’établissent pas que cet alignement résulte d’une concertation ; qu’en l’espèce les conditions d’application de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 ne sont donc pas réunies sur ce point ;

Sur les suites à donner :

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’entente en matière tarifaire, mise en oeuvre par la Fédération nationale de la messagerie, la S.N.C.F. par son service dénommé Sernam, la Compagnie générale Calberson et les sociétés Danzas S.A. et Mory-T.N.T.E., qui tombent ’sous le coup des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 sans pouvoir bénéficier de celles du 20 de son article 51, sont également visées par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 13 de ladite ordonnance , que ces entreprises et la fédération ne sauraient utilement invoquer à décharge les initiatives qui ont pu être prises par l’administration à l’occasion de la cessation de l’encadrement des prix, alors d’ailleurs que ces initiatives avaient pour objet de tenter de limiter les hausses de tarifs,

D E C I D E :

Article 1er : Il est infligé à la Fédération nationale de la messagerie une sanction pécuniaire d’un million de francs.

Article 2 : Il est infligé .

- à la société Compagnie générale Calberson et à la S.N.C.F. au titre de son service Sernam une sanction pécuniaire de trois millions de francs pour chacune ;

- à la société Danzas S.A. et à la société Mory-T.N.T.E. une sanction pécuniaire de deux millions de francs pour chacune.

Article 3 : Dans un délai maximum de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, la Fédération nationale de la messagerie devra faire publier, à frais communs avec la S.N.C.F. (Sernam) :

1°) Dans la revue Transports actualités, le texte intégral de cette décision ;

2°) Dans les journaux Les Echos et La Tribune de l’expansion, le communiqué suivant :

« Saisi, par le ministre chargé de l’économie, de pratiques anticoncurrentielles relevées dans le secteur de la messagerie-groupage, le Conseil de la concurrence a constaté l’existence d’une entente tarifaire et infligé de ce chef deux sanctions pécuniaires de trois millions de francs respectivement à la S.N.C.F. au titre du Sernam et à la société Compagnie générale Calberson deux sanctions pécuniaires de deux millions de francs, respectivement à la société Danzas S.A. et à la société Mory-T.N.T.E., et une sanction pécuniaire d’un millions de francs à la Fédération nationale de la messagerie. »

Ce communiqué, publié sous le titre Décision du Conseil de la concurrence fera l’objet d’un encadré de 10 centimètres sur 10 centimètres et sera inséré dans une page de rédaction.

Délibéré en formation plénière sur le rapport de Mme MERCEREAU et de M. J. TENIER, dans la séance du 21 juin 1988, où siégeaient M. LAURENT, président, MM. BETEILLE et PINEAU, vice-présidents, MM. AZEMA, BON, CABUT, CORTESSE, FRIES, Mme LORENCEAU, MM. MARTIN-LAPRADE, SARGOS, SCHMIDT, membres.

 


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