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19 mai 2002

Décision n° 88-D-19 du 19 avril 1988 relative à des pratiques de la Fédération française de ski en matière de commercialisation d’assurances sportives

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu les lettres des 26 juin et 28 août 1984 par lesquelles l’Association F.O. Consommateurs (A.F.O.C.) a saisi la Commission de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles imputables à la Fédération française de ski (F.F.S.) en matière de commercialisation d’assurances sportives ;

Vu les ordonnances n°45-1483 et n°45-1484 du 30 juin 1945 modifiées, respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les observations présentées par les parties ;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - Les constatations

Sur la fédération et les clubs affiliés

La Fédération française de ski est une association fondée en 1924 et reconnue d’utilité publique par décret du 29 octobre 1970. Aux termes de ses statuts, elle a pour objet de développer la pratique du ski sous toutes ses formes, de faciliter la création de groupements sportifs pratiquant le ski ainsi que le contrôle et la coordination desdits groupements.

Elle est composée d’associations dont les membres pratiquent le ski et qui adhèrent à ses statuts et à ses règlements.  Les clubs sportifs sont affiliés à la fédération par décision du comité directeur de cette dernière et groupés par elle au sein de comités régionaux.  En principe, il n’y a qu’un club par station.

En application de la loi n°75-988 du 29 octobre 1975, puis de la loi n°84-610 du 16 juillet 1984, la Fédération française de ski a reçu délégation exclusive du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives et délivrer les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux.

Il en résulte que tout club sportif qui souhaite organiser des compétitions est tenu de s’affilier à la fédération qui régit toutes les activités des clubs.

Deux dispositions essentielles des règlements et des cahiers des charges doivent être relevées (pièces 102/3, 102/4 et 108).

En premier lieu, les différents règlements précisent soit que « chaque personne, membre d’un groupement, doit être titulaire d’un titre d’adhérent de l’année en cours (licence ou « carte neige ») », soit que le club s’engage «  à prendre autant de licences fédérales que le club ou la section Ski du club (s’il s’agit d’un club omnisports) compte de membres ».

En second lieu, le club affilié s’interdit « d’engager ou de favoriser directement ou par groupement interposé toute action tendant à la vente, à la distribution ou à la mise en circulation d’un titre susceptible de concurrencer en tout ou partie la licence « compétition-dirigeant » ou la licence «  pratiquant ».

Par ailleurs des sanctions sont prévues en cas de non respect des dispositions précitées : il s’agit de l’exclusion ou de la radiation.

Au total, il ressort que seuls deux titres, la licence « compétition-dirigeant  » et la licence « pratiquant » ou « carte neige  », peuvent être et ont été diffusés par les clubs sportifs sous l’égide de la fédération.

Sur la licence « compétition-dirigeant »

Il s’agit d’une licence-assurance, destinée aux skieurs participant aux compétitions de haut niveau, dont les garanties comprennent notamment la responsabilité civile, les frais de secours et de transport, les frais médicaux, le versement d’un capital en cas de décès, une indemnisation journalière en cas d’hospitalisation, enfin des remboursements de forfaits intéressant les remontées mécaniques et les écoles de ski français (pièce 34).

A l’issue de la saison 1984-1985, il y avait 39 972 titulaires de la licence « compétition-dirigeant ».

Sur la licence « pratiquant » ou « carte neige  »

Bien que le dépôt de la marque « carte neige » ait été effectué le 12 novembre 1974, la création effective de la « carte neige » date de la fin de l’année 1980. Ce titre, également appelé licence « pratiquant  », est destiné aux skieurs ne participant pas à des compétitions de haut niveau. Il fait l’objet d’une charte qui a été établie dans le but « de fixer d’une manière plus précise un certain nombre de points relatifs à la pratique de la "carte neige" » (pièce 104/3) , la « carte neige » se présente sous quatre formules  : la « carte neige normale », valable jusqu’au 15 novembre suivant la date d’achat, la « carte neige familiale », avec une même période de validité, valable pour tous les membres de la famille, la « carte neige huit jours », la «  carte neige fond ».

Ces titres sont vendus principalement par les 2 500 clubs affiliés à la fédération, également par les écoles de ski français à la suite d’un accord dit « protocole de Val d’Isère » (pièce 104/2).

L’acquisition de la « carte neige » entraîne l’adhésion à un club et à la Fédération française de ski, donc le paiement de cotisations, ce qui n’était pas précisé dans les dépliants publicitaires jusqu’à la saison 1984-1985.

Le titulaire de la « carte neige » bénéficie d’avantages locaux divers : navettes gratuites, ristournes dans certains magasins, sur parkings, piscines et remontées mécaniques, voire autres commerces (pièces 16/4, 16/6 et 16/8). Sous réserve de l’acquisition d’une vignette supplémentaire, également dénommée « vente de titres locaux », ces avantages sont étendus aux titulaires de la « carte neige » acquise dans un autre club.

La carte neige comporte également une assurance assistance.

Au titre de l’assurance, les garanties comprennent la responsabilité civile (qui ne s’applique qu’en cas d’absence de toute couverture personnelle du titulaire de la carte) ainsi que la couverture des accidents survenus en relation avec la pratique du ski, des frais de secours et de «  recherche des skieurs blessés, morts ou égarés », des frais de transport correspondant au premier transport du sinistré depuis le lieu de l’accident jusqu’au centre médical le plus proche, des frais médicaux en complément des remboursements faits par la sécurité sociale et les mutuelles, la défense et le recours, enfin, le remboursement de divers forfaits (remontées mécaniques et Ecole de ski français) (pièce 28).  Aucune prestation n’est servie en cas de décès ou d’incapacité.

Au titre de l’assistance, s’agissant exclusivement des accidents, les garanties portent sur le transport du centre médical local à l’hôpital, le rapatriement au domicile, l’accompagnement des enfants de moins de quinze ans, le rapatriement du corps en cas de décès, enfin l’assistance aux véhicules (pièces 29 et 125).

Sur les assureurs retenus par la Fédération française de ski et sur les prix de la « carte neige » :

En ce qui concerne le choix des assureurs, la Fédération française de ski, par l’intermédiaire du cabinet de courtage Patriarche, a procédé le 30 avril 1980 à un large appel d’offres (pièce 23/1). En vertu de contrats annuels renouvelables par tacite reconduction ont été retenues, pour l’assurance de la « licence compétition », la compagnie New Hampshire Insurance Company, pour l’assurance de la « carte neige  », les compagnies New Hampshire Insurance Company et Helvetia co-assureurs à 50 p. 100. La compagnie Helvetia ayant résilié le contrat la liant à la fédération à compter du 31 octobre 1983, elle a été remplacée par l’Union des assurances de Paris (U.A.P.). Pour la partie assistance, a été retenue la Compagnie générale de secours, filiale à 51 p. 100 de la New Hampshire Manchester.

Les assureurs prennent en charge l’édition du dépliant publicitaire « carte neige » ainsi que la gestion du fichier des adhérents. Ils ont participé, en 1984, à l’effort de promotion de la Fédération française de ski à raison de 1 franc par titre (pièce 104/1).

Le prix de la « carte neige » varie d’une station à une autre. En effet, chaque année la fédération détermine la fraction du prix lui revenant et celle attribuée aux comités régionaux, ainsi que la fourchette de prix de vente au consommateur.

Les prix de l’assurance et de l’assistance résultent de négociations entre les assureurs et la fédération. Les différentes cotisations (à la fédération, au comité régional et au club) représentent la plus grande part du prix, alors que la part réservée à l’assurance assistance est relativement réduite. Par exemple, pour la saison 1982-1983, le montant global de la prime d’assurance pour la « carte neige normale » s’élevait à 14 F (dont 0,50 F pour la responsabilité civile) et la prime d’assistance à 8 F alors que les parts réservées à la fédération et au comité régional totalisaient 32 F et que la fourchette du prix de vente était de 66 à 140 F (pièce 16/7).

La « carte neige » constitue une part importante des ressources de la fédération, des comités régionaux et des clubs. Ainsi, en 1983, ce titre a représenté 37,76 p. 100 des ressources de la fédération et 38,60 p. 100 en 1984.

Ces ressources sont d’autant plus considérables que, la pratique des sports d’hiver se développant, le nombre des titres placés est en constante augmentation. Il était de 664/721 pour la saison 1981-1982 et de 797 102 pour la saison 1984-1985, ce qui correspond pour cette saison à 15 p. 100 du nombre des skieurs.

Sur les autres formes d’assurance de la pratique du ski de loisirs  :

Les compagnies d’assurance proposent la souscription de contrats responsabilité civile chef de famille ou d’assurance individuelle accident couvrant la pratique du ski. D’autres titres plus spécifiques prennent en charge, outre la responsabilité civile, le transport médical, les frais de recherche et de secours ainsi que les frais médicaux.  Peuvent être nommés : la carte blanche (U.A.P.), le ticket-neige (Orion-S.N.T.F.), H 24 Neige (G.M.F.), Vignette jour (G.E.S.A.), Mutuelle sports (M.N.S.)... Une charte de partenariat a été signée le 18 octobre 1986 entre la fédération et la Garantie mutuelle des fonctionnaires qui est à l’origine d’un titre concurrent H 24 Neige (pièce 101).

II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence

Considérant, d’une part, que la loi n°84-610 du 16 juillet 1984 donne à la Fédération française de ski et aux clubs un pouvoir d’organisation des compétitions sportives et les habilite à développer la pratique du ski ; que, toutefois, en matière d’assurance, la loi, qui ne fait aucune distinction entre la compétition et le sport loisir, n’impose ni l’obligation d’assurance personnelle ni l’obligation d’assistance ; que son article 38 se borne à obliger les groupements sportifs à informer leurs adhérents de l’intérêt qu’il y aurait pour eux de souscrire un contrat d’assurance de personne et à tenir à la disposition de ceux-ci des formules de garantie susceptible de réparer les atteintes à l’intégrité physique du pratiquant

Considérant, d’autre part, que les règlements et les cahiers des charges autorisent, sous la sanction de l’exclusion ou de la radiation, la seule diffusion par les clubs des deux titres admis par la fédération, la licence « compétition-dirigeant » et la « licence pratiquant » ou « carte neige » ; que ces règlements, élaborés par la fédération en liaison avec les clubs, rendent obligatoire pour l’accès aux compétitions sportives la détention d’une licence « compétition-dirigeant  » et imposent l’inclusion d’une assurance assistance dans la «  licence pratiquant », laquelle n’est pas obligatoire ; que ces règlements prohibent toute action tendant de la part des clubs à vendre tout autre titre susceptible de concurrencer totalement ou partiellement lesdites licences ; que ces dispositions relèvent d’une concertation entre la fédération et les clubs qui revêt le caractère d’une entente au sens de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 et de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1283 du 1er décembre 1986 ; qu’il y a donc lieu de rechercher si cette entente a pour objet, ou peut avoir pour effet, d’entraver le jeu de la concurrence en matière de commercialisation des assurances sportives, soit directement, soit du fait du lien établi entre la prestation d’assurance et les autres prestations fournies par les clubs

Sur la licence « carte neige » :

Considérant que la Fédération française de ski a procédé à un large appel d’offres avant de retenir les compagnies proposant des garanties adaptées à la pratique du ski ; que les contrats conclus sont annuellement renouvelables  ;

Considérant que le skieur adepte du sport loisir n’est pas tenu d’acquérir la « carte neige » et qu’il a la possibilité de contracter une assurance auprès d’autres compagnies ; que d’ailleurs la proportion des détenteurs de la « carte neige » est d’environ 15 p. 100 ;

Considérant qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que la Fédération française de ski et les clubs qui lui sont affiliés aient utilisé le titre « carte neige  » dans le but de faire obstacle à la présence sur le marché d’offres d’assurances sportives concurrentes de celles formulées par les sociétés avec lesquelles la fédération a conclu ,

Considérant que la liberté de choix des skieurs membres d’un club serait mieux assurée si les propositions incluses dans la « carte neige » mentionnaient la ventilation de la cotisation globale demandée et si les prestations d’assurances offertes par la fédération étaient diversifiées en fonction des risques encourus par les diverses catégories de demandeurs , que, toutefois, ces lacunes ne sont pas d’une nature telle que le régime de la « carte neige » puisse être regardé comme apportant au jeu de la concurrence une entrave contraire aux dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 et de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ,

Sur la licence « compétition-dirigeant »

Considérant qu’en vertu des dispositions de la loi n°84-610 du 16 juillet 1984 la fédération dispose, par délégation du ministre chargé des sports, du monopole de l’organisation des compétitions sportives et de la délivrance des titres internationaux, nationaux, régionaux ou locaux correspondants ,

Considérant que, pour l’exécution de la mission qui leur est ainsi dévolue, la fédération et les clubs affiliés subordonnent l’accès aux compétitions de ski à la présentation de la licence « compétition-dirigeant  » ;

Considérant que, si la condition mise par la fédération à la délivrance de ladite licence se limitait, en matière de couverture des risques, à l’exigence de la détention par le skieur d’une assurance personnelle, elle ne porterait pas en elle-même atteinte à la concurrence, dès lors que la liberté pour le compétiteur de choisir le prestataire d’assurance demeurerait entière ;

Considérant que la fédération et les clubs ne se bornent pas à proposer aux demandeurs de la licence « compétition-dirigeant  » une assurance, comme l’y invitent les dispositions de l’article 38 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée ; qu’au contraire, en vertu des règlements susanalysés, l’adhésion au régime d’assurance par elle négocié est obligatoire sous peine pour le candidat, même convenablement assuré, d’être exclu des compétitions ; que cette mesure, contenue dans les règlements, constitue une atteinte au libre jeu de la concurrence, contraire aux dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 et de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ; que les arguments avancés par la fédération ne permettent pas de fonder une application des dispositions de l’article 51 de l’ordonnance de 1945 susvisée ;

D E C I D E :

Article 1er  : La Fédération française de ski et les associations qui lui sont affiliées doivent cesser de subordonner la délivrance de la licence « compétition-dirigeant  » à la souscription de la formule d’assurance retenue par leurs soins.

Article 2  : Pour l’application de l’article précédent la fédération et les associations devront, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, modifier en tant que de besoin les dispositions correspondantes des règlements et des cahiers des charges.

Ces modifications seront, dans le même délai, portées à la connaissance du Conseil de la concurrence par la Fédération française de ski.

Délibéré en formation plénière sur le rapport de M. C. PERS, dans la séance du 19 avril 1988, où siégeaient M. LAURENT, président , MM. BETEILLE et PINEAU, vice-président, MM. AZEMA, BON, CORTESSE, FLECHEUX, FRIES, GAILLARD, Mme LORENCEAU, MM. MARTIN-LAPRADE, SARGOS, SCHMIDT, URBAIN, membres.

 


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