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19 mai 2002

Décision n° 2002-D-02 du 29 janvier 2002 relative à des pratiques anticoncurrentielles relevées lors de la passation de plusieurs marchés d’irrigation agricole dans le département du Rhône

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Section,

Vu la lettre du 24 avril 1996, enregistrée sous le numéro F 869, par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par diverses entreprises lors d’appels d’offres relatifs à des marchés d’irrigation agricole dans le département du Rhône ;

Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d’application de l’ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Vu les observations présentées par les sociétés Albertazzi, Spie-Citra Sud-Est venant aux droits de la société Citral, Petavit, Rampa, Sade, Sogea Rhône-Alpes, Sogea, SPAC, Stracchi, Spie-Trindel, et le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

La rapporteure, le rapporteur général, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Albertazzi, Spie-Citra Sud-Est, Petavit, Rampa Travaux Publics, Sade-Compagnie générale de travaux hydraulique, Sogea Rhône-Alpes, Sogea, SPAC et Spie-Trindel, entendus au cours de la séance du 31 octobre 2001 ;

Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés ;

I. - Constatations

A. - LES MARCHéS ET LES ACTEURS éCONOMIQUES

Dix-huit marchés relatifs à la fourniture et à la pose de canalisations d’irrigation agricole ont été passés et notifiés dans le département du Rhône, entre septembre 1990 et juin 1994 pour un montant total de 81,5 millions de francs.

Les appels d’offres relatifs à ces opérations ont été lancés, d’une part, par des associations syndicales autorisées (ASA) regroupant des agriculteurs d’une ou plusieurs communes voisines et qui procèdent à la réalisation de réseaux de desserte collectifs destinés à leurs adhérents, d’autre part, par le syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (SMHAR), établissement public auquel adhèrent les ASA intéressées ainsi que le département du Rhône.

Le SMHAR et les ASA appliquent le code des marchés publics et font appel, pour la mission de maîtrise d’œuvre, au cabinet Merlin, à la direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) du Rhône, ou encore, à la compagnie nationale du Rhône (CNR). Les marchés ont été passés, pour la plupart, suivant la procédure d’appel d’offres restreint, et attribués au moins-disant.

Les entreprises soumissionnaires oeuvrent dans le secteur des travaux publics et, plus particulièrement, dans la branche des travaux d’irrigation, mais les pratiques examinées dans le cadre des marchés susvisés se rapportent uniquement à la pose de canalisations.

Les demandes de travaux sont formulées par les agriculteurs et elles transitent par le SMHAR, la DDAF, la Chambre d’agriculture ou le Conseil général.

B. - LES PRATIQUES CONSTATéES

Dans le cadre de l’enquête relative à l’attribution des marchés en cause, les fonctionnaires de la brigade interrégionale d’enquête de Lyon, agissant sur autorisation donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lyon en date du 3 février 1994, ont procédé à des opérations de visite et de saisie dans les locaux des entreprises Petavit, Sade, SPAC et Stracchi.

Sur la base de ces documents et des déclarations recueillies par les enquêteurs, huit griefs d’entente de répartition de marchés ont été notifiés, le 3 novembre 1997, conformément au tableau suivant :

 

Griefs

Entreprises

1

Entente générale de répartition des marchés

Albertazzi
Citral
Petavit
Rampa
Sade
Sogea Rhône Alpes
Sogea
SPAC
Stracchi

2

Entente de répartition du marché de Quincieux-Ambérieux du 7 mars 1991

Albertazzi
Stracchi

3

Entente de répartition du marché de Chasselay Les Chères du 7 mars 1991

Petavit
Stracchi

4

Offre de couverture de SADE au profit de Stracchi lors du marché de Pusignan Jonage Genas du 8 octobre 1992

Sade
Stracchi

5

Offre de couverture de SADE au profit de Petavit lors du marché de Jons du 8 octobre 1992

Sade
Petavit

6

Entente de répartition des marchés du sud-est lyonnais

Albertazzi
Citral
Petavit
Rampa
Sade
Sogea Rhône Alpes
Sogea
SPAC
Stracchi

7

Offres de couverture au profit de Stracchi lors du marché de Pusignan Jonage Genas du 2 mars 1993

Albertazzi
Citral
Petavit
Sade
Sogea Rhône Alpes
Sogea
Stracchi

8

Concertation entre sociétés d’un même groupe

Citral
Spie Trindel

La dissolution anticipée de la société Citral ayant été prononcée le 27 octobre 1993, les griefs concernant cette société ont été notifiés à la société Spie-Citra Sud-Est qui a repris son capital, ses activités ainsi que son personnel.

Au stade du rapport qui a été notifié aux parties le 20 juin 2001, le grief n° 7 a seul été retenu à l’encontre des sociétés Albertazzi, Citral, Petavit, Sade, Sogea, Stracchi, les autres griefs étant abandonnés, le grief n° 1 comme faisant double emploi avec le grief n° 6 et les griefs n° 2, 3, 4, 5, 6 et 8 en raison de l’absence d’éléments suffisamment probants.

Les entreprises concluent à leur mise hors de cause et invoquent divers moyens de procédure relatifs à l’imputabilité des pratiques (Sogea), à l’application de la règle non bis in idem (Sade, Sogea Rhône-Alpes et SPAC), à la validité de la saisie de certaines pièces (SPAC), à l’étendue de la saisine du Conseil (Sade) et à la prescription (Spie-Citra, Petavit, Sade).

II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,

Sur la prescription

Considérant qu’aux termes de l’article L. 462-7 du code de commerce : "Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction" ;

Considérant que les sociétés Spie-Citra, Petavit et Sade font valoir qu’un délai de plus de trois ans s’est écoulé entre l’envoi de la notification de griefs, le 3 novembre 1997 et celui du rapport définitif, le 20 juin 2001 et que la prescription se trouve donc acquise en application du texte précité ;

Considérant que le commissaire du Gouvernement oppose qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir pour faire accomplir un acte interruptif de prescription et que le délai prévu à l’article précité a été suspendu à son égard ; que la motivation de l’arrêt de la Cour de cassation en date du 17 juillet 2001, censurant un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 9 mars 1999 qui avait admis le principe de la suspension de la prescription à l’égard de l’entreprise saisissante, mise dans l’impossibilité d’agir dans la procédure en cours devant le Conseil, ne s’applique pas au cas d’une saisine émanant du ministre car celui-ci, à la différence des entreprises ou autres personnes morales saisissantes, est dépourvu de tout moyen alternatif de protéger l’ordre public économique atteint par les pratiques anticoncurrentielles ;

Mais considérant que l’arrêt du 9 mars 1999 précité a fait l’objet d’une double cassation pour violation de la loi, la première, prononcée au visa de l’article L. 462-7 du code de commerce, aux motifs "(…) qu’en statuant ainsi, en ajoutant au texte susvisé un cas de suspension de la prescription qu’il ne prévoit pas la cour d’appel l’a violé", la seconde, prononcée au même visa, aux motifs "(…) qu’en statuant ainsi, alors que le Conseil de la concurrence, chargé de la protection de l’ordre public économique, n’est pas compétent pour réparer le préjudice éventuellement subi par les parties qui le saisissent et qui allèguent être victimes de pratiques anticoncurrentielles et peuvent saisir les juridictions civiles et répressives d’une action en indemnisation, en annulation ou en cessation des pratiques contestées dans les délais de prescription afférents à ces actions, (…) la cour d’appel a violé le texte susvisé (…)" ;

Considérant que chacun de ces deux motifs de censure fonde à lui seul la cassation prononcée, indépendamment de l’autre ; que dès lors, le premier motif, qui s’appuie, pour exclure la suspension de la prescription, sur le libellé de l’article L. 462-7 du code de commerce, disposition applicable quel que soit l’auteur de la saisine du Conseil, conduit à considérer que la prescription, qui n’est pas suspendue lorsque la saisine émane d’une entreprise, ne l’est pas davantage lorsque le Conseil est saisi par le ministre ;

Considérant, cependant, que dans les observations orales qu’il a présentées lors de la séance, le commissaire du Gouvernement a soutenu que la prescription avait été interrompue par l’arrêt de la Cour de cassation en date du 16 novembre 1999 rejetant le pourvoi formé à l’encontre d’une ordonnance rendue le 3 juillet 1998 par le président du tribunal de grande instance de Lyon, qui avait, elle-même, rejeté une demande de la société SPAC tendant à l’annulation des opérations de visite et de saisie de documents effectuées dans les locaux des société Petavit et Stracchi en exécution de l’autorisation donnée par une première ordonnance du même magistrat en date du 3 février 1994 ; qu’à l’invitation de la présidente de séance, les parties ont pu s’expliquer oralement sur ce moyen par l’intermédiaire de leurs avocats ;

Considérant que l’article L. 462-7 du code de commerce précise que la prescription peut être interrompue par tout acte tendant à la "recherche, (la) constatation ou (la) sanction" des faits dont le Conseil est saisi ; que, dès lors que les opérations de visite et de saisie sont des actes de recherche et de constatation des faits susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du code de commerce, les décisions rendues sur les contestations élevées à l’encontre de la validité de ces actes, qui peuvent conduire à leur annulation et retirer ainsi à la poursuite les éléments matériels de preuve sur lesquels elle s’appuie, constituent également des actes interruptifs de prescription ; qu’en conséquence, l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Lyon, le 3 juillet 1998, a interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai expirant le 3 juillet 2001 ; qu’ensuite, l’arrêt rendu le 16 novembre 1999 par la Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé contre cette ordonnance a interrompu, à son tour, la prescription et fait courir un nouveau délai expirant le 16 novembre 2002 ; que la prescription n’est donc, en l’espèce, pas acquise ;

Considérant que, dans une note, parvenue au Conseil en cours de délibéré, la société Sade fait, cependant, valoir que seuls les actes de procédure ou d’instruction accomplis par les autorités de poursuite et manifestant leur volonté de poursuivre les faits sont susceptibles, après la saisine du Conseil, d’interrompre la prescription ; qu’elle ajoute que conférer à l’arrêt de la Cour de cassation relatif à l’ordonnance d’autorisation de visite et de saisie un effet interruptif de prescription reviendrait à traiter moins favorablement les entreprises utilisant les voies de recours prévues par la loi que celles qui s’en abstiennent et à faire bénéficier des règles protectrices de la prescription, non pas les parties poursuivies, mais l’autorité de poursuite, ceci en violation du droit au procès équitable, principe énoncé par l’article 6 de la CEDH ;

Mais considérant que la procédure suivie en matière de concurrence, qui vise à protéger l’ordre public économique et revêt à l’égard des entreprises en cause un caractère punitif, peut être, en ce qui concerne les actes de recherche et de constatation des infractions, rapprochée de la procédure pénale et s’inspirer des principes applicables à cette dernière ; qu’à maintes reprises et de façon constante, notamment, dans un arrêt du 25 juin 1993, la chambre criminelle de la Cour de cassation a énoncé que "(...) les actes de poursuite ou de procédure, y compris les voies de recours, interrompent, par eux mêmes, la prescription de l’action publique (...)" ; que, dans un arrêt du 23 novembre 1972, la même chambre avait précisé que "(...) si l’acte d’appel émanant du prévenu, ne peut être considéré comme un acte de poursuite, ledit acte n’en produit pas moins en matière correctionnelle, un effet interruptif de prescription ; il est par sa nature même indépendant du jugement contre lequel il est dirigé et dont la nullité ne saurait influer sur sa propre validité ni l’empêcher de produire les effets qui lui sont propres (...)" ; qu’ainsi, les actes par lesquels une personne mise en cause dans une procédure pénale conteste la validité de cette procédure ou d’une décision intervenue dans ce cadre, interrompent la prescription en ce qu’ils participent au déroulement de la procédure ; qu’il en est de même, pour identité de motifs, en ce qui concerne les procédures suivies devant le Conseil de la concurrence ; qu’il s’ensuit que, dans le cas d’espèce, la prescription des pratiques soumises au Conseil s’est trouvée interrompue non seulement par l’ordonnance du 3 juillet 1998 et par l’arrêt du 16 novembre 1999, précités, mais également par le pourvoi de la société SPAC qui a donné lieu à cet arrêt ;

Considérant que la société Sade oppose, enfin, que la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation ont déjà implicitement admis qu’un arrêt de cette dernière juridiction validant une ordonnance de visite et saisie ne constitue pas un acte interruptif de prescription ; qu’elle cite, à cet égard, un arrêt de la cour d’appel du 1er décembre 1995 qui constate l’acquisition de la prescription, alors qu’ était intervenu, à une date susceptible d’interrompre cette prescription, un arrêt de la Cour de cassation ayant déclaré irrecevable le pourvoi formé contre une ordonnance d’autorisation de visite et saisie ;

Considérant, cependant, qu’au cas d’espèce invoqué et ainsi qu’en convient la société Sade dans son mémoire, le ministre de l’économie n’avait fait valoir ni devant la Cour d’appel, ni devant la Cour de cassation que l’arrêt de la Cour de cassation relatif à l’ordonnance de visite et saisie était interruptif de prescription ; que si l’acquisition de la prescription constitue une exception péremptoire et d’ordre public, qui doit être relevée d’office, il appartient, en revanche, à la partie poursuivante de soulever le moyen relatif à l’interruption de la prescription ; que dès lors, l’absence, dans les deux arrêts invoqués, de référence à l’effet interruptif de prescription de l’arrêt de la Cour de cassation validant une ordonnance d’autorisation de visite et de saisie ne peut être regardée comme une négation de cet effet interruptif ;

Considérant que, de son côté, la société Sogea soutient que la saisine du Conseil effectuée le 24 avril 1996 par M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, n’a pu produire aucun effet interruptif de prescription en raison de son irrégularité tenant au fait, d’une part, que le ministre saisissant n’a pas agi au nom du ministre de l’économie, d’autre part, que la saisine du Conseil de la concurrence ne fait pas partie des attributions expressément déléguées au ministre délégué aux finances et au commerce extérieur par le décret n° 95-1248 du 28 novembre 1995 ;

Mais considérant que, dans un arrêt du 13 décembre 2001, société anonyme GAMMVERT, la cour d’appel a retenu qu’aux termes du décret précité "M. Galland exerçait les attributions qui lui étaient confiées par le ministre de l’économie et des finances relatives à la consommation, à la concurrence, aux marchés publics et au commerce extérieur ; que, pour l’exercice de ses attributions et dans la limite de celles-ci, il avait notamment autorité sur la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et recevait délégation du ministre de l’économie et des finances pour signer, en son nom, tous actes, arrêtés et décisions ; que M. Galland était donc habilité à saisir le Conseil de la concurrence des pratiques dénoncées…" ; qu’il résulte des termes de cette décision que la prescription des faits soumis au Conseil dans la présente procédure a été valablement interrompue par la saisine du ministre délégué aux finances et au commerce extérieur agissant dans le cadre des attributions qui lui avaient été déléguées par le ministre de l’économie et des finances ; que le moyen de la société Sogea est donc sans fondement ;

Sur le fond et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens de procédure soulevés

En ce qui concerne le grief n° 7 relatif à la présentation d’offres de couverture au profit de l’entreprise Stracchi lors du marché de Pusignan Jonage Genas du 2 mars 1993,

Considérant que la société Stracchi, qui avait obtenu le marché de Pusignan Jonage Genas en date du 8 octobre 1992, a été consultée, le 8 janvier 1993, par le cabinet Merlin, maître d’œuvre du précédent marché, pour réaliser l’extension du réseau de desserte du même territoire ; que cette société a estimé le montant des travaux à 301 480,26 francs soit 4,8 % de plus que l’évaluation du cabinet Merlin ; que le seuil de 300 000 francs étant franchi, le maître d’ouvrage a décidé de recourir à une mise en concurrence préalable et qu’il a effectué un appel à candidatures le 25 janvier 1993 ; que la société Stracchi a, par courrier en date du 24 février 1993, présenté une offre identique à celle de son estimation initiale lors de la consultation du 8 janvier 1993 ;

Considérant que la lettre du 8 janvier 1993 émanant du cabinet Merlin et qui a été saisie dans les locaux de la société Stracchi (cote 202 des annexes du rapport) porte, au-dessous de la mention manuscrite "résultat AO", les annotations, également manuscrites, suivantes : les noms des sociétés Petavit, Albertazzi, Sogea, Sade, Citral et Stracchi, précédés, pour les trois premières et pour Citral et Stracchi, d’astérisques et suivis, pour toutes, de chiffres correspondant aux écarts entre les estimations de base établies par le maître d’ouvrage et les soumissions (tableau n° 2, cote 98 du rapport), les noms Thiollier (de la société Sogea) et Termet (de la société Stracchi) au regard du nom de Sogea, des points d’interrogation à côté des noms Sade et Citral, la mention "OK" au regard des noms Petavit et Citral et la mention "le 24/2" sur la même ligne et à gauche des noms Petavit et Citral ; que la date du 24 février 1993 se situe entre l’appel à candidatures et la date limite de remise des soumissions ;

Considérant que la société Stracchi observe qu’"il lui suffisait de faire un devis légèrement inférieur à 300 000 francs pour éviter dans le strict respect de passation des marchés publics, la procédure d’appel d’offres" ; que la société Citral fait remarquer que le document saisi "doit être considéré comme un simple indice non daté" et que "cet indice revêt un caractère douteux" ; que "l’intitulé Résultat AO implique que les mentions manuscrites ont été apposées à la suite de l’ouverture des prix" ; que la société Sade estime que si les informations avaient été obtenues avant le dépôt des offres, les termes "prévision" et "anticipation" auraient été utilisés et non pas le terme "résultat" ;

Considérant que le sens et la portée des annotations manuscrites figurant sur la lettre du 8 janvier 1993, prises dans leur ensemble, prêtent à discussion ; qu’en effet, si la mention de la date du 24 février pourrait laisser penser que la société Stracchi a recueilli auprès de ses concurrents le montant de leurs soumissions avant que ces dernières ne soient déposées, la mention "Résultat AO" appelle une autre interprétation, selon laquelle les chiffres résumeraient le résultat de l’appel d’offres, recueilli après l’ouverture des plis ; que cette interprétation avait été fournie, au cours de l’enquête par M. Jankowski, salarié de la société Stracchi, lequel avait déclaré avoir obtenu les résultats de l’appel d’offres auprès du cabinet Merlin "sans doute Mrs Valli ou Fromont" (cote 244) ; qu’aucun élément du dossier extrinsèque au document en cause ne permet de contredire utilement cette explication ; que, dans ces conditions, les mentions manuscrites figurant sur la lettre datée du 8 janvier 1993 ne démontrent pas l’existence d’un échange d’informations avant le dépôt des offres ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief d’entente entre soumissionnaires à l’appel d’offres du 2 mars 1993 ne peut être retenu ;

En ce qui concerne le grief n° 4 relatif à la présentation par la société Sade d’une offre de couverture au profit de l’entreprise Stracchi lors du marché de Pusignan Jonage Genas du 8 octobre 1992,

Considérant que le commissaire du Gouvernement a conclu au "maintien de ce grief" qui avait été abandonné dans le rapport ;

Considérant que la pièce sur laquelle se fondait le grief consiste en une page du cahier de notes de M. Simon de la société Sade qui se situe entre une page datée du "1.10.92" et une page datée du "5 octobre 1992" (cote 160) ; que figure sur cette page, parmi d’autres inscriptions manuscrites, l’intitulé "irrigation – Pusignan Jonage Genas" ; qu’apparaissent sous cette mention les montants "1 512 087 F" et "1 052 389 F" représentant respectivement les montants des estimations de base réalisées par les maîtres d’ouvrage des marchés de Pusignan Jonage Genas et de Jons en date du 8 octobre 1992 ; que figure également sur cette page le nom "Stracchi" entouré ; que cette dernière société a été déclarée attributaire du marché de Pusignan Jonage Genas ;

Mais considérant que le rédacteur de ces notes, M. Simon, qui n’avait été entendu ni au cours de l’enquête ni au cours de l’instruction, s’est expliqué sur les mentions en cause dans une attestation écrite en date du 20 décembre 1997, reproduite ci-après :

"Mon ancien employeur, la SADE, m’a communiqué le dossier de notification de griefs concernant quelques dossiers d’irrigation du Rhône.

Au sujet de l’interprétation donnée aux notes du cahier de travail saisi (scellé n° 6-66) dans mon bureau, en février 1994, j’apporte les précisions suivantes :

J’ai noté les montants estimatifs hors taxes, date bordereau DDAF, de deux dossiers de consultation en notre possession : PUSIGNAN-JONAGE-GENAS et JONS, pour lesquels nous étions admis à remettre une offre, début octobre 1992.

C’était un moyen d’identifier deux dossiers dont les actes d’engagement devait être adressés le 5 octobre, la valeur des coefficients, déterminée par les études en cours, n’étant pas encore arrêtée.

L’intérêt du dossier PUSIGNAN-JONAGE-GENAS était particulier pour la SADE, les travaux concernés se situant à proximité du siège régional de la Société.

Impatient de connaître le résultat, je me suis renseigné, après l’ouverture des plis, auprès de la DDAF, notant et entourant le nom de l’adjudicataire STRACCHI, devant le montant de base inscrit à une date antérieure.

Le faible écart (0,7 %) entre notre offre et celle du moins disant, témoigne de notre effort et confirme l’intérêt que nous portions à cette affaire.

J’ajoute que le titulaire de l’autre lot, n’apparaît à aucun moment.".

Considérant que M. Simon fournit ainsi une explication crédible de l’indice constitué par la page de notes décrite ci-dessus ; qu’en l’absence de tout autre indice, le dossier ne comporte pas suffisamment d’éléments pour justifier qu’il soit procédé à un supplément d’instruction ; que la demande, en ce sens, du commissaire du Gouvernement doit être rejetée ;

DéCIDE

Article unique - Il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Finidori, par Madame Pasturel, vice-présidente présidant la séance, Mme Perrot, MM. Piot et Ripotot, membres.

 


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