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LES DERNIERES DECISIONS :
Décision n° 2002-D-21 du 14 mars 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur du transport scolaire dans les départements de l’Yonne et de la Nièvre
Décision n° 2002-D-20 du 14 mars 2002 relative à des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le réseau de distribution de la société Fichet-Bauche
Décision n° 2002-D-19 du 14 mars 2002 relative aux pratiques du Syndicat national des utilisateurs de grues et entreprises de levage-montage et manutention (SNUG) dans le secteur de la location de grues mobiles
Décision n° 2002-D-18 du 13 mars 2002 relative aux pratiques de l’État et de l’Association pour les fouilles archéologiques nationales lors de la passation du marché des fouilles archéologiques préventives du chantier de modification de la route départementale Le Canet Perpignan
Décision n° 2002-D-17 du 12 mars 2002 relative à des pratiques relevées lors de la passation de marchés concernant la rénovation du centre hospitalier de Narbonne




19 mai 2002

Décision n° 2002-D-23 du 27 mars 2002 relative à des pratiques de l’association d’ambulanciers "Urgence 88" à l’occasion de la passation d’un appel d’offres lancé par le Centre hospitalier d’Epinal

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Commission permanente,

Vu la lettre enregistrée le 26 décembre 2000 sous le numéro F 1279 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l’association d’ambulanciers "Urgence 88" ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu les observations présentées par le commissaire du gouvernement, par l’entreprise Ambulances de la Vôge, et conjointement par l’association "Urgence 88" et les sociétés Ambulances 88, MBM Assistance 88 Ambulances, Ambulances Perrin Vosges, Ambulances 2000, Ambulances Arnould Frères, Ambulances Transmosel, Ambulances Mangel, Seniura Etienne, Clément Perrot Taxis Ambulances VSL, La Déodatienne, SVTA, Choserot Ambulance et les entreprises Ambulances Marie-Agnès Bobeda, Ambulances SOS St Dié, Ambulances SOS Nomexy Martin, Ambulances Pierrard AVS, Ambulances Borel-Barbier, Ambulances Centrales, Ambulances Dubois Jean-Marie VSL ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le Commissaire du gouvernement, le représentant de l’association "Urgence 88", les sociétés Ambulances 88, MBM Assistance 88 Ambulances, Ambulances Perrin Vosges, Ambulances 2000, Ambulances Arnould Frères, Ambulances Transmosel, Ambulances Mangel, Seniura Etienne, Clément Perrot Taxis Ambulances VSL, La Déodatienne, SVTA, Choserot Ambulance et les entreprises Ambulances Marie-Agnès Bobeda, Ambulances SOS St Dié, Ambulances SOS Nomexy Martin, Ambulances Pierrard AVS, Ambulances Borel-Barbier, Ambulances Centrales, Ambulances Dubois Jean-Marie VSL, et le représentant de la société ADTR entendus lors de la séance du 20 décembre 2001 ;

Mme Capelli, directrice du CHG Jean Monnet d’Epinal, auditionnée au titre de l’article L. 463-7 du code de commerce ;

Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. - Constatations

A. - LE SECTEUR D’ACTIVITé

Les transports médicalisés d’urgence sont dits, soit primaires lorsqu’ils sont effectués du lieu de la détresse vers un établissement de soins, soit secondaires lorsqu’il s’agit du transport d’un établissement de soins à un autre. Dans le cas des transports primaires, les intervenants peuvent être des sapeurs-pompiers dans le cadre de leurs missions statutaires sur les voies publiques et dans les prompts secours, ou des ambulanciers privés. Les transports secondaires sont essentiellement assurés par des ambulanciers privés. Ces transports sont organisés par les établissements hospitaliers dans le cadre du Service d’aide médicale d’urgence du département (SAMU) et sont gérés par le Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR), qui apporte, hors de l’enceinte hospitalière, des soins aux malades et aux blessés et assure leur transport dans des conditions de réanimation satisfaisantes.

Les transports médicalisés secondaires organisés par le SAMU du département des Vosges se sont élevés en 1998 à 413 sorties pour les établissements publics d’hospitalisation et à 113 sorties pour les cliniques privées, à destination principalement des centres hospitaliers de Brabois Nacy et Dommartin-lès-Toul spécialisés en micro-chirurgie, et de Freyming-Merlebach, spécialisé dans le traitement des grands brûlés.

Avant le 1er avril 1999, les frais afférents à ces transports étaient, dans le département des Vosges, pris en charge de façon irrégulière par la caisse de sécurité sociale d’affiliation du malade, dans les conditions fixées par la convention nationale des transports sanitaires et de son annexe tarifaire adoptée selon le code de la Sécurité Sociale. Cette tarification, précisée par arrêté préfectoral dans chaque département, est fonction de la zone géographique d’exécution des transports et intègre un forfait départemental de prise en charge, un terme kilométrique ainsi qu’un certain nombre de majorations liées à des circonstances particulières (tarif de nuit et week-end, intervention dans le cadre de l’urgence à la demande d’un SAMU ou d’un centre 15).

Le 26 mars 1999, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Vosges a mis fin à l’irrégularité en rappelant aux ambulanciers privés, agissant dans le cadre de transports médicalisés d’urgence réalisés à la demande des SMUR, que le coût de ces derniers ne relevait pas de la prise en charge par l’assurance maladie mais incombait aux établissements hospitaliers assurant le SAMU, demandeurs de la médicalisation de l’ambulance. La CPAM annonçait qu’en conséquence, à compter du 1er avril 1999, les factures ne devaient plus lui être transmises mais devaient être adressées au centre hospitalier général (CHG) d’Epinal.

B. - LES PRATIQUES CONSTATéES

1. Les pratiques tarifaires

Dans le cadre de sa mission de suivi des procédures de passation des marchés publics, la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a constaté, postérieurement à la décision de la SPAM du 26 mars 1999, une hausse importante des prix proposés par les entreprises ambulancières du département des Vosges.

Les bases forfaitaires de remboursement par la CPAM étaient fixées comme suit avant le 1er avril 1999 :

  • forfait pris en charge	243,20 F
  • terme kilométrique	11,85 F
  • majoration de nuit	+ 75 %
  • majoration de week-end	+ 50 %
  • majoration centre 15	122,95 F

En 1998, les bases de remboursement étaient respectivement de :

  • forfait pris en charge	231,60 F
  • terme kilométrique	11,30 F
  • majoration centre 15	117,10 F

Le 4 mai 1999, le CHG "Jean Monnet" a reçu une facture correspondant à un transport secondaire médicalisé assuré par les ambulances Perrin Vosges Assistance sur la Moselle dont les composantes étaient les suivantes :

Véhicules cat. A

  • mise à disposition du véhicule	500,00 F TTC
  • kilométrage en charge	11,85 F TTC
  • Supplément 15 U	122,95 F TTC

Le 25 juin 1999 à l’intérieur de la ville d’Epinal, le CHG recevait une autre facture de la société Ambulances 2000 d’Epinal pour un transport secondaire médicalisé dont les éléments sont les suivants :

  • forfait pris en charge	243,20 F TTC
  • terme kilométrique	11,85 F TTC
  • attente	500,00 F TTC/heure
  • majoration de nuit	Selon les termes de la convention départementale
  • majoration centre 15	122,95 F TTC

L’essentiel des factures reçues par la suite pour ce type de transport par le CHG d’Epinal sera conçu sur les mêmes bases :

  • Un montant de prise en charge de 500,00 F au lieu de 243,20 F ;
  • L’imputation de frais d’immobilisation du véhicule (500,00 F au lieu de la gratuité antérieure).

Les opérations simultanées de visites et de saisies réalisées par la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont révélé le rôle joué par l’association "Urgence 88", et son président M. Clément (société Ambulances 88) dans la mise en place de ces nouveaux tarifs. Cette association, régie par la loi du 1er juillet 1901, avait été créée dans le courant de l’année 1998 et rassemblait, au 11 septembre 1998, 37 ambulanciers privés opérant dans le département des Vosges.

Mme Liéby, trésorière de l’association, a ainsi déclaré : "C’est M. Clément, président de l’association "Urgence 88", qui a proposé les tarifs communs pour lesquels tous les membres présents à la réunion ont été d’accord". M. Roussel (Sarl A.D.T.R.), membre de l’association, a précisé : "... c’est lors de la réunion qui s’est tenue le 8 septembre 1999 à Darnieules que la nouvelle tarification des transports secondaires médicalisés a été adoptée à l’unanimité... Le bureau a proposé... .une revalorisation du forfait de mise à disposition du véhicule de catégorie A, la création d’un forfait (1/4 d’heure d’attente), la prise en charge de la distance parcourue à compter du premier kilomètre". De même, M. Perrot (S.A. Clément-Perrot), membre de l’association, a déclaré : "... Une discussion a suivi sur la tarification de l’immobilisation de l’ambulance et sur le prix du kilomètre en charge à partir du premier kilomètre".

Dans un compte-rendu manuscrit, M. Perrin, secrétaire de séance de l’association "Urgence 88", relate les discussions entre le président de l’association, M. Clément, et le syndicat départemental des ambulanciers des Vosges (SDVA), représenté par son président Mme Borel Barbier, lors de la réunion consacrée aux transferts secondaires médicalisés. Ce compte-rendu fait état de la décision adoptée par l’assemblée : "En référence à la circulaire de la CPAM d’Epinal qui vous met dans l’obligation de respecter les textes concernant la prise en charge des transferts secondaires médicalisés et aux vues des difficultés à nous rencontrer afin d’en discuter, l’association "Urgence 88" a étudié un tarif qui, sauf concertation rapide, sera appliqué à partir du 17 04 1999".

La suite du compte-rendu manuscrit donne le détail de la tarification envisagée :

Véhicule cat. A

  • Mise à disposition du véhicule	500,00 F
  • Tarif kilométrique en charge	11,85 F
  • Supplément ISU
  • Immobilisation du véhicule et équipage / 15 mn	500,00 F

	Divisible par 1/4 d’heure.

Un compte-rendu de la réunion de l’association "Urgence 88", en date du 9 août 1999, mentionne un ordre du jour comprenant le premier point suivant :

1- " Transports secondaires médicalisés ;

Résumé discussion avec CH ZUP (Katala) : pas d’accord pour payer, surtout "attente",

A la suite de cette réunion, une nouvelle tarification a été mise en place qui s’est traduite par un relèvement du forfait de prise en charge (encore qualifié de mise à disposition d’une ambulance), qui est passé de 243,20 F à 500,00 F (majoration de 105,60 %).

La démarche mise en œuvre par "Urgence 88" a également conduit les ambulanciers à facturer aux établissements hospitaliers participant au SAMU 88 des charges qui n’étaient pas prises en compte lors des remboursements par la CPAM. C’est ainsi que les factures reçues par le CHG "Jean Monet" d’Epinal, en tant qu’établissement organisateur du SAMU 88 après le 1er avril 1999, font systématiquement apparaître :

  • la prise en compte de la distance parcourue à compter du premier kilomètre, alors que les factures précédentes intégraient dans un forfait les 5 premiers kilomètres.
  • la facturation de la période d’immobilisation de l’ambulance et des personnels, dans un premier temps par tranches de 15 mn, puis par la suite, de 30 mn.

La tarification proposée par le bureau d’"Urgence 88" a été adoptée après un vote des adhérents. La nouvelle tarification a donné lieu à l’envoi d’une lettre circulaire par les ambulanciers aux directeurs d’établissements hospitaliers et a été matérialisée par la création d’un modèle de facture, le tout sous l’égide de l’association.

Il ressort par ailleurs du compte-rendu de la réunion du 8 septembre 1999, que l’association a fait signer à ses adhérents une feuille d’engagement pour responsabiliser ses adhérents dans la mise en œuvre effective des décisions adoptées, notamment pour la tarification des transports secondaires médicalisés. Le caractère effectif de la signature des feuilles d’engagement est confirmé par les déclarations de plusieurs ambulanciers et les copies de feuilles d’engagement, complétées et retournées à l’association "Urgence 88" qui ont également été communiquées.

Une étude comparative effectuée par le CHG d’Epinal, sur la base des factures reçues entre septembre 1999 et décembre 2000, fait apparaître que 21 ambulances, membres d’"Urgence 88", ont effectivement appliqué ces nouveaux tarifs.

De plus, le règlement intérieur de l’association stipule que les entreprises adhérentes devront s’acquitter d’une cotisation mensuelle de 400,00 F par ambulance. En plus de cette cotisation mensuelle par ambulance était exigé un chèque de caution de 9 600 F, en principe non débité. Il était indiqué que cette caution serait restituée à l’entreprise qui cesserait son activité pour cause de retraite ou pour cause de vente, mais dans ce cas la caution pourrait après accord, être assumée par le repreneur. Elle serait perdue par contre, pour les entreprises qui quitteraient volontairement l’association, qui en seraient exclues ou mises en liquidation. Cette menace ressort d’un compte-rendu de réunion rédigé par M. Perrin.

Plusieurs ambulanciers ont déclaré que ce chèque de caution était utilisé comme un moyen de pression pour leur faire respecter les tarifs fixés ;

  • M. Roussel :

"C’est à cette occasion, qu’il nous a été annoncé que les chèques de caution seraient débités sur nos comptes bancaires en cas de certains manquements à la feuille d’engagement que chacun de nous avait signée".

  • M. Balland, SVTA :

" M. Clément... a provoqué une nouvelle réunion des adhérents à Darnieules le 8 septembre 1999, afin de rappeler aux membres "d’Urgence 88" l’application de la tarification depuis avril 1999, le président Clément a également demandé que les adhérents s’engagent et respectent les décisions adoptées lors des réunions. Chaque adhérent a ainsi été destinataire d’une lettre d’engagement vierge à retourner dûment remplie au président. J’ai, en ce qui me concerne, fait retour de cette lettre après y avoir apposé ma signature et le cachet de la société".

  • PV de déclaration de Mme Liéby : "Le chèque de caution n’est pas débité...et sert à matérialiser le sérieux de l’engagement de l’adhérent à la discipline de l’association".
  • PV de déclaration de M. Perrot : "... L’ensemble de ces chèques sont conservés par le trésorier de l’association et ne seront remis à l’encaissement que si un adhérent quitte l’association ou fait l’objet d’une mesure de radiation".
  • PV de déclaration de Mme Dexemple, entreprise Dexemple : "Lors de notre adhésion, nous avons déposé un chèque de caution de 9 600 F... qui n’a pas été encaissé par l’association. L’encaissement ne devient effectif que si l’adhérent ne joue pas le jeu et ne respecte pas les dispositions adoptées lors des réunions".

2. L’échec de l’appel d’offres lancé le par le CHG d’Epinal le 24 septembre 1999

L’imputation sur son budget des dépenses de transports médicalisés d’urgence, y compris les transports secondaires, ayant été rappelée, le CHG "Jean Monnet" d’Epinal a lancé, le 24 septembre 1999, un appel d’offres ouvert relatif à ce type de prestations.

Cet appel d’offres comportait trois lots :

  • lot n° 1 : déplacement des moyens médicalisés ;
  • lot n° 2 : transports primaires SMUR ;
  • lot n° 3 : transports secondaires SMUR.

A la date limite de réception des offres, deux plis avaient été réceptionnés par le CHG d’Epinal, l’un établi par les ambulances "SOS Thaon Lemarquand", l’autre par la société "Ambulance la Spinalienne".

Lors de la réunion de la commission d’appel d’offres qui s’est tenue le 25 novembre 1999 à 14 H 30, il a été constaté que les deux offres étaient irrecevables et la commission d’appel d’offres a déclaré l’appel d’offres infructueux. Les responsables du CHG ont décidé de recourir à la procédure négociée et un avis d’appel public à la concurrence a été publié au BOAMP et au BOCE le 26 novembre 1999. Trois dossiers de consultation ont été retirés dont deux par des entreprises membres "d’’Urgence 88". Lors de la réunion relative à l’examen des offres qui s’est tenue le 25 janvier 2000, les responsables du CHG ont constaté qu’une seule proposition, par ailleurs irrecevable, leur était parvenue. A la suite de ce deuxième échec, le CHG a décidé l’attribution des lots 1 (déplacement des moyens médicalisés) et 2 (transports primaires) au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Vosges.

Cette attribution s’est faite par voie de convention (hors marché public).

Le lot 3 "transports secondaires" a fait l’objet d’une consultation négociée.

Les comptes-rendus des réunions tenues par l’association "Urgence 88" montrent que la question de l’appel d’offres a été inscrite plusieurs fois à l’ordre du jour.

M. Clément, président de l’association, a également déclaré, le 23 novembre 1999, le lendemain de la date limite de remise des plis :

"S’agissant de l’appel d’offres lancé par le CHG d’Epinal, pour l’organisation du SMUR à compter du 1er janvier 2000, l’association a défini une stratégie commune afin de déterminer la façon de répondre à la consultation. Cette stratégie, débattue en mon absence, a été approuvée à l’unanimité. Je vous laisserai découvrir la teneur de cette stratégie à l’occasion de l’ouverture des plis de cet appel d’offres".

II. – Sur la base des constatations qui précèdent,

En ce qui concerne la fixation concertée des prix :

Considérant que l’association "Urgence 88" et les ambulanciers, représentés conjointement, soutiennent que le chèque de caution demandé aux adhérents de l’association "Urgence 88" n’avait d’autre objet que de témoigner au CHG d’Epinal et au SAMU de ce que les ambulanciers étaient bien en mesure d’assurer le financement d’un poste de régulateur pour une année ; qu’ils font valoir que l’association n’a joué qu’un rôle de conseil afin de fédérer les entreprises de transports sanitaires dans le département des Vosges, d’être un interlocuteur représentatif et de permettre une couverture globale de département en moins de 20 minutes, comme le souhaitait le CHG d’Epinal ;

Mais considérant que, s’il est loisible à une association de donner à ses membres des informations destinées à les renseigner d’une manière générale sur le fonctionnement d’un marché ou à les aider dans la gestion de leur entreprise, l’aide ainsi apportée ne doit pas exercer d’influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l’intérieur de la profession de quelque manière que ce soit ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que les tarifs des ambulanciers pour les transports secondaires médicalisés n’étant plus, à compter du 1er avril 1999, contraints par leur remboursement par la CPAM sur les bases forfaitaires fixées par arrêté préfectoral, les ambulanciers du département des Vosges se sont concertés, au sein de l’association "Urgence 88", pour fixer les tarifs qu’ils entendaient désormais facturer au CHG d’Epinal, auquel la prise en charge de ces transports incombait ;

Considérant que ces tarifs, établis de façon concertée, ont effectivement été appliqués après le 1er avril 1999 par 21 sociétés d’ambulances ainsi que l’attestent les factures transmises par le CHG d’Epinal dans le cadre de l’instruction ;

Considérant que les interventions des ambulanciers ne s’inscrivaient pas dans le cadre d’un marché ou d’une convention engageant la totalité d’entre eux ; que chacun d’eux intervenait individuellement à la demande du centre 15 et aurait dû, de ce fait, pratiquer la tarification correspondant à ses propres coûts de revient ;

Considérant que les tarifs ainsi fixés étaient fortement en hausse par rapport aux bases forfaitaires remboursées par la CPAM et introduisaient, de plus, de nouveaux éléments de facturation ;

Considérant qu’il ressort des déclarations de plusieurs adhérents de l’association "Urgence 88" qu’ils étaient persuadés que le chèque de caution qu’ils avaient remis lors de leur adhésion ne leur serait pas restitué s’ils ne respectaient pas les tarifs fixés de façon concertée ;

Considérant que la fixation en commun de tarifs pour les transports médicalisés secondaires par les ambulanciers vise à limiter le libre jeu de la concurrence dont aurait pu bénéficier les établissements hospitaliers gestionnaires du SAMU et est constitutive d’une entente anticoncurrentielle prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;

Sur l’appel d’offres lancé par le CHG d’Epinal :

Considérant que l’association "Urgence 88" et les ambulanciers, représentés conjointement, font valoir que l’échec des consultations organisées par le CHG d’Epinal et, leur propre attitude, ne s’expliquent que par les nombreuses irrégularités dont ont été entachées les procédures utilisées par l’établissement hospitalier ;

Mais considérant qu’il ressort des compte-rendus de réunion de l’association "Urgence 88" et de la déclaration de son président, M. Clément, que ses membres se sont concertés afin d’adopter une position commune vis-à-vis de l’appel d’offres lancé par le CHG d’Epinal en vue de la passation d’un marché portant sur les transports médicalisés secondaires ; que la position adoptée en commun consistait à ne pas répondre à l’appel d’offres comme l’indique la très faible participation des ambulanciers privés à cet appel d’offres ; qu’une telle concertation a faussé le jeu de la concurrence que le CHG d’Epinal tentait d’instaurer entre les ambulanciers privés et est contraire aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;

Sur les sanctions :

Considérant que les tarifs établis de façon concertée entre les membres de l’association "Urgence 88" ont eu pour conséquence une forte hausse des sommes facturées par 21 sociétés d’ambulance aux établissements prescripteurs de transports médicalisés secondaires, par rapport à la situation qui prévalait avant la concertation, sans que cette hausse puisse être justifiée par de nouveaux éléments concernant les coûts supportés par les entreprises concernées ; que cette hausse peut être évaluée à 566 Frs en moyenne par intervention, soit 256,80 F de supplément sur mise à disposition du véhicule, 250 F de supplément d’attente pour un minimum de 30 mns et 59,25 F de supplément sur le kilométrage ;

Considérant que la concertation entre les adhérents de l’association "Urgence 88" a également eu pour conséquence l’échec de la mise en concurrence organisée par le CHG d’Epinal pour la passation de contrats portant sur les transports médicalisés secondaires alors que cette mise en concurrence était de nature à remettre en cause les tarifs établis de façon concertée ;

Considérant que l’association "Urgence 88" a joué un rôle actif dans l’animation de l’entente sur les prix entre ses membres et dans le boycott de l’appel d’offres du CHG d’Epinal ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 6 500 F ou 991 € ;

Considérant que, parmi les membres de l’association "Urgence 88", seuls 21 d’entre eux ont effectivement appliqué les tarifs établis de façon concertés ;

Considérant que la société ADTR a été mise en liquidation judiciaire le 1er juin 2001 ; qu’il n’y a pas lieu de lui infliger une sanction ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances de la Vôge s’est élevé à 1 181 548 F en 2000 ; qu’il convient, cependant, de tenir compte de ce que la gérante de la société Ambulances de la Vôge s’est rapidement trouvée en conflit avec l’association "Urgence 88" et a cessé toute relation avec cette association ; que le montant de la sanction doit, en ce qui la concerne, être fixé à 3 000 F ou 457 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Ambulances 88 s’est élevé à 1 986 657 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 16 000 F ou 2 439 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société MBM Assistance 88 Ambulances s’est élevé à 2 267 846 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 18 000 F ou 2 744 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Ambulances Perrin Vosges s’est élevé à 3 302 635 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 27 000 F ou 4 116 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Ambulances 2000 s’est élevé à 4 152 176 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 33 000 F ou 5 031 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Ambulances Arnould Frères s’est élevé à 737 689 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 6 000 F ou 915 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Ambulances Transmosel s’est élevé à 1 301 203 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 10 500 F ou 1 601 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Ambulances Mangel s’est élevé à 4 391 671 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 35 000 F ou 5 336 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Seniura Etienne s’est élevé à 2 770 007 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 22 000 F ou 3 354 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Clément Perrot Taxis Ambulances VSL s’est élevé à 4 664 422 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 37 500 F ou 5 717 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Ambulances La Déodatienne s’est élevé à 2 917 442 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 23 500 F ou 3 583 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société SVTA s’est élevé à 4 827 861 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 38 500 F ou 5 869 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de la société Choserot Ambulances s’est élevé à 4 719 959 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 38 000 F ou 5 793 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances Marie-Agnès Bobeda s’est élevé à 553 644 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 4 500 F ou 686 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances SOS S Dié s’est élevé à 1 269 680 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 10 000 F ou 1 524 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances SOS Nomexy Martin s’est élevé à 2 381 032 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 19 000 F ou 2 897 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances Pierrard AVS s’est élevé à 3 765 547 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 30 000 F ou 4 573 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances Borel-Barbier s’est élevé à 2 451 273 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 19 500 F ou 2 973 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances Centrales s’est élevé à 2 739 802 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 22 000 F ou 3 354 € ;

Considérant que le chiffre d’affaires de l’entreprise Ambulances Dubois Jean-Marie VSL s’est élevé à 1 661 696 F en 2000 ; qu’en fonction des éléments généraux et individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 13 500 F ou 2 058 € ;

 

DéCIDE

Article 1 - Il est établi que l’association "Urgence 88", les sociétés Ambulances 88, MBM Assistance 88 Ambulances, Ambulances Perrin Vosges, Ambulances 2000, Ambulances Arnould Frères, Ambulances Transmosel, Ambulances Mangel, Seniura Etienne, Clément Perrot Taxis Ambulances VSL, Ambulances La Déodatienne, SVTA, Choserot Ambulances, ADTR et les entreprises Ambulances de la Vôge, Ambulances Marie-Agnès Boreda, Ambulances SOS St Dié, Ambulances SOS Nomexy Martin, Ambulances Pierrard AVS, Ambulances Borel–Barbier, Ambulances Centrales, Ambulances Dubois Jean-Marie VSL, ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce.

Article 2 - Il est infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

991 € à l’association "Urgence 88" ;

2 439 € à la société Ambulances 88 ;

2 744 € à la société MBM Assistance 88 Ambulances ;

4 116 € à la société Ambulances Perrin Vosges ;

5 031 € à la société Ambulances 2000 ;

915 € à la société Ambulances Arnould Frères ;

1 601 € à la société Ambulances Transmosel ;

5 336 € à la société Ambulances Mangel ;

3 354 € à la société Seniura Etienne ;

5 717 € à la société Clément Perrot Taxis Ambulances VSL ;

3 583 € à la société Ambulances La Déodatienne ;

5 869 € à la société SVTA ;

5 793 € à la société Choserot Ambulances ;

457 € à l’entreprise Ambulances de la Vôge ;

686 € à l’entreprise Ambulances Marie-Agnès Boreda ;

1 524 € à l’entreprise Ambulances SOS St Dié ;

2 897 € à l’entreprise Ambulances SOS Nomexy Martin ;

4 573 € à l’entreprise Ambulances Pierrard AVS ;

2 973 € à l’entreprise Ambulances Borel-Barbier ;

3 354 € à l’entreprise Ambulances Centrales ;

2 058 € à l’entreprise Ambulances Dubois Jean-Marie VSL.

Délibéré, sur le rapport de M. Touré, par Madame Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, M. Nasse, vice-président.

 


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