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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 9 octobre 2003, n° 01BX00020, Veuve El Hamel Kheira O. A.

Les pensions dont bénéficient les veuves des agents publics énumérés par l’article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont des allocations personnelles et viagères auxquelles leur donnent droit les services accomplis par leurs maris jusqu’à la cessation régulière de leurs fonctions. Ainsi, une pension d’ayant-cause est un bien au sens des stipulations de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne, alors même que le droit à pension relève d’un régime de puissance publique et qu’aucune corrélation directe ne peut être établie entre le montant des cotisations versées et celui de la pension attribuée.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 01BX00020

Mme Veuve El Hamel Kheira O. A.

M. Desramé
Président Rapporteur

M. Bec
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 9 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

(1ère chambre)

Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2001 au greffe de la cour, présentée pour Mme Veuve El Hamel Kheira O. A. ;

Mme Veuve El Hamel Kheira O. A. demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 9901004 du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 23 mars 1999 du ministre de la défense lui refusant le bénéfice d’une pension militaire de réversion du chef du décès de son époux, survenu le 30 décembre 1997 ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 4.000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 55 ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi de finances n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 septembre 2003 :
- le rapport de M. Desramé, président-rapporteur ;
- les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour demander l’annulation de la décision par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension de réversion à la suite du décès de son mari survenu le 30 décembre 1997, Mme Veuve El Hamel Kheira O. A., de nationalité algérienne, soutient que les dispositions de l’article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont il lui a été fait application, sont incompatibles avec les stipulations de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article premier du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur... l’origine nationale ", et qu’aux termes de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens " ;

Considérant que les pensions dont bénéficient les veuves des agents publics énumérés par l’article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont des allocations personnelles et viagères auxquelles leur donnent droit les services accomplis par leurs maris jusqu’à la cessation régulière de leurs fonctions ; qu’ainsi, une pension d’ayant-cause est un bien au sens des stipulations précitées de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention, alors même que le droit à pension relève d’un régime de puissance publique et qu’aucune corrélation directe ne peut être établie entre le montant des cotisations versées et celui de la pension attribuée ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. O., ancien militaire de l’armée française, rayé des contrôles de l’armée active le 21 janvier 1946, a été admis au bénéfice d’une pension militaire de retraite proportionnelle après avoir accompli 15 ans et 4 jours de services militaires effectifs ; que suite au décès de celui-ci, sa veuve a sollicité la réversion de cette pension ; que celle-ci lui a été refusée au seul motif de la perte par la requérante de la nationalité française au 1er janvier 1963, date de l’accession à l’indépendance de l’Algérie, alors que si elle avait été de nationalité française un droit à pension de réversion lui aurait été normalement reconnu ; qu’eu égard à la nature de la pension litigieuse qui a pour objet de rémunérer des services rendus dans l’armée française, une telle différence de traitement, fondée exclusivement sur l’origine nationale du pensionné, est dépourvue de justification objective et rationnelle ; qu’elle présente par suite un caractère discriminatoire au sens de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Veuve El Hamel Kheira O. A. est fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi du 26 décembre 1964 dont il lui a été fait application sont incompatibles avec le principe de non-discrimination dans le droit au respect des biens qui résulte des stipulations combinées de l’article 14 de la Convention précitée et de l’article premier du premier protocole additionnel à ladite convention, et qu’en conséquence, c’est à tort que le ministre de la défense lui a opposé ces dispositions législatives pour lui refuser l’obtention de la pension de réversion sollicitée ; que, par suite, elle est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué ainsi que de la décision du ministre de la défense rejetant sa demande de pension de réversion ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à payer à Mme Veuve El Hamel Kheira O. A. une somme de 600 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 22 juin 2000 et la décision du ministre de la défense du 23 mars 1999 sont annulés.

Article 2 : L’Etat est condamné à payer à Mme Veuve El Hamel Kheira O. A. une somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 


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