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19 mai 2002

Décision n° 87-D-54 du 8 décembre 1987 relative à la situation de la concurrence dans le secteur de l’entretien et de la réparation des cycles, cyclomoteurs et motocycles

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la saisine de la commission de la concurrence par le ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de la privatisation du 23 décembre 1986 ;

Vu les ordonnances n°45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945, modifiées, relatives respectivement aux prix et à la constatation, à la poursuite et à la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 fixant les conditions d’application de cette ordonnance ;

Vu les observations présentées par les parties et le commissaire du Gouvernement sur les griefs qui ont été notifiés le 21 mai 1987 ;

Vu le mémoire en réponse présenté par les parties sur le rapport qui leur a été notifié le 18 septembre 1987 ;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;

Retient les constatations (I), et adopte la décision (II) ci-après exposées,

I. - Constatations

La Fédération nationale du commerce et de la réparation du cycle et du motocycle (F.N.C.R.M.) est la plus importante organisation professionnelle du secteur. Elle regroupe, d’une part, un syndicat interdépartemental, le syndicat général des vélocistes et motocistes, qui couvre les huit départements de la région parisienne et vingt-sept départements de province et, d’autre part, cinquante-huit syndicats départementaux.

Le secteur d’activité comprend environ 8 500 entreprises, dont 4 500 sont affiliées aux syndicats regroupés au sein de la F.N.C.R.M.

Par un engagement de lutte contre l’inflation en date du 17 mars 1986, la liberté de détermination des tarifs d’entretien et de réparation a été rendue à ce secteur à compter du 1er juillet 1986.

A la suite de la signature de cet engagement de lutte contre l’inflation, le président de la F.N.C.R.M. a adressé le 19 mars 1986 aux présidents départementaux une lettre précisant notamment :

« A partir du 1er janvier 1986, en application des dispositions de l’engagement de lutte contre l’inflation n°86-168 du 17 mars 1986, que j’ai négocié avec les pouvoirs publics, nos entreprises pourront déterminer leurs tarifs sous leur responsabilité dans le cadre (pour reprendre la formule consacrée) des objectifs définis par le Gouvernement...

« De plus, à compter du 17 mars 1986, pour toutes ses prestations de services, la profession sort du champ d’application des ordonnances du 30 juin 1945.

« En effet, comme vous le savez, un engagement de lutte contre l’inflation est agréé par une lettre ministérielle qui ne lui confère aucun caractère réglementaire.  En d’autres termes, aucune sanction ne peut être désormais prise, dans le cadre des ordonnances précitées, à l’encontre d’une entreprise qui n’en respecterait pas les dispositions.

« Il est bien évident, par ailleurs, que cet engagement ne pourra pas être opposé à une éventuelle mesure de libération générale des prix (mesure qui figurait dans la plate-forme électorale de la nouvelle majorité issue du scrutin du 16 mars dernier).

« Ainsi notre organisation professionnelle apporte à tous les chefs d’entreprise du « deux roues » la certitude, que, quoi qu’il advienne, au 1er juillet 1986 au plus tard, ils pourront rééquilibrer la rentabilité du poste main d’oeuvre de leur atelier. Ils ne doivent pas laisser cette chance leur échapper une nouvelle fois.

« Une " note individuelle Prix (à répercuter à vos adhérents) " était jointe à cette lettre et en reproduisait les termes. »

Le 1er avril 1986, le président de la F.N.C.R.M. adressait une nouvelle lettre à ses présidents départementaux à répercuter à leurs adhérents et ainsi conçue

« Monsieur le président,

« Je vous prie de trouver ci-joint une lettre destinée à tous nos ressortissants, leur rappelant les mesures qui découlent de l’engagement de lutte contre l’inflation que j’ai signé et qui a été agréé par la « lettre ministérielle  » du 17 mars 1986 sous le numéro 86-168.

« Je leur demande dans leur intérêt de respecter cet engagement et j’attire leur attention sur « l’arme absolue » dont disposent encore les pouvoirs publics : la taxation.

« Cette mise en liberté de nos prestations le 1er juillet 1986 (si aucune mesure de libération générale des prix n’intervient d’ici là) ne doit pas se faire dans l’anarchie.  Le comité directeur de notre fédération a donc décidé d’examiner les problèmes qu’elle posera au cours d’une assemblée générale qui se tiendra à Paris (en principe l’après-midi du 9 juin 1986)... »

Le 16 juin 1986, un compte rendu d’une assemblée générale extraordinaire de la F.N.C.R.M., tenue le 9 juin 1986 à Paris, a été diffusé. Il était accompagné d’un schéma de calcul du taux horaire de réparation.

Ce schéma comporte une page intitulée « heures vendues  » qui présente une méthode de calcul intégrant des éléments chiffrés, présentés comme ne variant « guère » d’une entreprise à l’autre, et aboutissant à proposer aux professionnels l’application d’un « coefficient des heures productives » de 1,525 (rapport heures achetées/heures vendues).

Le calcul de ce coefficient se fonde notamment sur la prise en compte d’un nombre forfaitaire d’heures d’absence des salariés (quatre jours annuels de stage et huit jours annuels de maladie par employé) et sur l’affirmation selon laquelle l’ouvrier « perd largement 20 p. 100 de son temps à l’atelier ».

En annexe au schéma figure une page intitulée «  Tarif horaire de main-d’oeuvre en Europe », sur laquelle sont présentés des tarifs plus élevés que ceux pratiqués en France avant le 1er juillet 1986.

De plus, au cours de l’assemblée générale extraordinaire du 9 juin 1986, l’application d’une marge de 20 à 25 p. 100 au prix de revient de l’heure de main-d’oeuvre a été préconisée, ainsi qu’en font foi les éléments recueillis par l’administration auprès de plusieurs professionnels.

Par lettre du 2 septembre 1986, le président de la F.N.C.R.M. a invité les présidents départementaux à relever les évolutions tarifaires appliquées par les réparateurs depuis le 30 juin 1986 et à faire parvenir la totalité des résultats de cette enquête à la fédération.  Ce recensement est ainsi présenté aux adhérents :

« Après avoir obtenu cette libération (que tous les professionnels appelaient de leurs voeux mais à laquelle ils n’étaient guère préparés ... ) notre fédération a fourni à ses adhérents les moyens de calculer rationnellement leurs taux horaires de réparation.

« Il importe aujourd’hui de connaitre l’usage qu’ils en ont fait.  »

Cette lettre était elle-même accompagnée d’un modèle rédigé ainsi qu’il suit et destiné à être envoyé par chaque syndicat à ses adhérents :

« Depuis le 1er juillet dernier, vous pouvez, sous votre seule responsabilité, déterminer les tarifs de vos prestations (cycles, motocycles et voiturettes).

« Cette liberté de gestion de nos ateliers était l’un des objectifs prioritaires de notre fédération.

« Maintenant qu’il est atteint (très peu de branches peuvent se targuer d’un tel résultat à ce jour), il est normal pour notre organisation de s’assurer que les professionnels n’ont pas laissé la chance de rentabiliser leur atelier leur échapper une nouvelle fois.

« Je vous demande de bien vouloir
« 1°) Répondre au questionnaire ci-joint
« 2°) M’adresser votre réponse avant le 20 septembre prochain (les réponses à ce questionnaire centralisées par mes soins doivent parvenir au siège de la F.N.C.R.M. pour le 1er octobre 1986. »

L’enquête conduite par l’administration en octobre 1986 et concernant 910 entreprises du secteur réparties dans 51 départements a révélé que les tarifs pratiqués pour les taux horaires par les réparateurs de motocycles et de cycles avaient augmenté entre juillet et octobre 1986. En ce qui concerne la réparation des motocycles, ces hausses s’établissaient à 35 p. 100 dans le Centre et le Sud-Est de la France, 40 p. 100 dans l’Ouest, 50 p. 100 dans la région parisienne et la Normandie.  Quant à celle des cycles et cyclomoteurs, les hausses moyennes pratiquées ont varié de 20 à 35 p. 100 selon les zones ci-dessus décrites.  Il ressort également de cette étude que dans l’échantillon examiné, la proportion des professionnels syndiqués ayant augmenté leurs tarifs est supérieure (92 p. 100) à la proportion des professionnels non syndiqués ayant procédé à une telle augmentation (78 p. 100).

Enfin, il ressort également de l’enquête de l’administration que, dans la région Ile-de-France et en Normandie, les hausses moyennes auxquelles ont procédé les professionnels syndiqués (56,8 p. 100 pour les motocycles et 39 p. 100 pour les cycles et cyclomoteurs) sont plus élevées que celles auxquelles ont procédé les non-syndiqués (36 p. 100 pour les motocycles et 21 p. 100 pour les cycles et cyclomoteurs).

II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence

Considérant que les faits ci-dessus décrits étant antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986, les articles 50 et 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 demeurent applicables en l’espèce ;

Considérant que le fait, pour la F.N.C.R.M., d’avoir mené un ensemble d’actions, notamment sous forme de lettres et de circulaires aux présidents des syndicats départementaux, avec instruction de les diffuser auprès des adhérents, en incitant les professionnels à augmenter leurs tarifs horaires de réparation et d’entretien, constitue en l’espèce une pratique concertée qui a pu avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence ;

Considérant que s’il est normal pour une fédération de syndicats de fournir aux membres adhérents une aide à la gestion, celle-ci ne doit pas exercer d’influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l’intérieur de la profession de quelque manière que ce soit ;

Considérant qu’au cas particulier, le fait pour la F.N.C.R.M. d’avoir diffusé un schéma de calcul du taux horaire comportant des éléments chiffrés, qui paraissent ainsi s’imposer à toutes les entreprises, alors même qu’ils pourraient varier d’une entreprise à l’autre, va au-delà d’une simple aide à la gestion et constitue une pratique concertée qui a eu en l’espèce pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en favorisant la hausse artificielle des prix ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction que l’application d’une marge de 20 p. 100 à 25 p. 100 au prix de revient de l’heure de main-d’oeuvre a été préconisée par la F.N.C.R.M. au cours de l’assemblée générale extraordinaire tenue le 9 juin 1986 ; que ce fait constitue aussi une pratique anticoncurrentielle qui a eu pour effet de favoriser la hausse artificielle des prix ;

Considérant que les relevés de prix effectués en octobre 1986 montrent que les réparateurs syndiqués ont été en proportion plus nombreux à augmenter leurs tarifs que les réparateurs non syndiqués et les augmentations qu’ils ont pratiquées sont plus importantes ; que l’argument développé par la F.N.C.R.M., selon lequel cette différence de comportement s’explique par le fait que les réparateurs syndiqués ont été informés plus rapidement que les non-syndiqués, est largement contrebalancé par le fait que la libre détermination des tarifs à compter du 1er juillet 1986 a été rendue publique dès le 17 mars 1986 ;

Considérant qu’en l’espèce, il n’est ni allégué, ni établi que ces pratiques puissent bénéficier des dispositions de l’article 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945  ;

Considérant que les pratiques ainsi constatées tombaient sous le coup de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945  ; que de telles pratiques sont également contraires aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986  ;

D E C I D E  :

Article 1er. - Les pratiques relevées à l’encontre de la Fédération nationale du commerce et de la réparation du cycle et du motocycle tombent sous le coup des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945, sans pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 51 du même texte.

Article 2. - Il est infligé à la F.N.C.R.M. une sanction pécuniaire de cent mille francs (1 00 000 F).

Article 3. - Dans un délai maximum de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, le texte intégral de celle-ci sera publié aux frais de la F.N.C.R.M. dans Moto revue et Moto journal

Délibéré en section, sur le rapport de M. J. CAROLE, dans sa séance du 8 décembre 1987 où siégeaient  : M. PINEAU, vice-président, présidant, MM. AZEMA, CABUT, CORTESSE, GAILLARD et SARGOS, membres.

 


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