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19 mai 2002

Décision n° 2002-MC-01 du 24 janvier 2002 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Canal Europe Audiovisuel

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Commission permanente,

Vu la lettre enregistrée le 25 octobre 2001 sous les numéros F 1353 et M 291 par laquelle la société Canal Europe Audiovisuel a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société CanalSatellite dans le secteur de la diffusion de programmes audiovisuels qu’elle estime anticoncurrentielles et a demandé le prononcé de mesures conservatoires ;

Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu l’article 82 du traité de Rome ;

Vu les observations présentées par la société CanalSatellite, par la société Canal Europe Audiovisuel et par le commissaire du gouvernement ;

Vu l’avis adopté le 27 novembre 2001 par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la demande du Conseil, en application de l’article 16 du décret n° 86-1309 susvisé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du gouvernement et les représentants de la société Canal Europe Audiovisuel et de la société CanalSatellite entendus lors de la séance du 20 décembre 2001 ; M. Daniel Renard, directeur de la rédaction de la revue Télésatellite, entendu au titre de l’article L. 463-7 du code de commerce ;

I. - Sur la saisine au fond

Considérant que la société Canal Europe Audiovisuel (CEA) est une société de droit luxembourgeois qui édite des programmes de télévision satellitaire francophones non cryptés (en clair) et gratuits ; que ces programmes font l’objet d’une concession du gouvernement luxembourgeois accordée le 24 novembre 1998, venant à échéance le 31 décembre 2008, dont le cahier des charges impose la localisation de la régie finale de la chaîne et de la liaison montante vers le satellite sur le territoire luxembourgeois (article 5) ; que la société a réservé des capacités sur le satellite Astra, géré par la société SES et, souhaitant diffuser sa chaîne sur le territoire français, a pris contact avec le seul distributeur assurant la reprise du réseau satellitaire d’Astra sur ce territoire, à savoir la société CanalSatellite ; que Canal Europe Audiovisuel (CEA) a commencé la diffusion de ses programmes en décembre 1998, sur une thématique "Grand Tourisme" (chaîne "auto-moto") ; que CanalSatellite lui avait octroyé, sur ses décodeurs, un positionnement fixe sur le canal 104 ; qu’en septembre 1999, CEA a mis à l’antenne une seconde chaîne, "No Zap", consacrée au cinéma, qui partageait le canal 104 avec "Grand Tourisme" ; qu’en juillet 2000, CEA a interrompu sa diffusion ; qu’elle soutient que cette interruption était destinée à améliorer ses programmes et à trouver de nouveaux partenaires financiers pour le lancement d’une troisième chaîne, destinée au public des "seniors", "Grand Canal" ; que, diffusant désormais trois programmes, "Grand Canal", "Grand Tourisme" et "No Zap", ce dernier consacré à la diffusion quotidienne de films, elle a contacté de nouveau CanalSatellite en décembre 2000 ; que cette société lui a alors refusé un positionnement fixe, arguant de sa liberté éditoriale d’intégrer ou non une chaîne dans son bouquet, de la non-pérennité de la chaîne et de la non-complémentarité de ses programmes par rapport aux siens ; que la chaîne a loué des capacités sur Astra par l’intermédiaire d’une filiale hollandaise du groupe Canal Plus, la société Canal Digitaal BV, moyennant des droits de 192 858 euros ; qu’après avoir fonctionné trois mois, la chaîne a cessé ses activités en mars 2001 ; qu’après des démarches et recours judiciaires, elle a pu reprendre son activité, grâce à la société "Europe Online" qui a mis gratuitement une part de sa capacité disponible sur Astra à sa disposition ;

Considérant que le marché pertinent pour apprécier les pratiques en cause est le marché où interviennent les éditeurs de programmes et les distributeurs de services ; que les éditeurs de programmes composent les grilles de programmation des chaînes et assurent la responsabilité éditoriale des programmes qu’ils éditent ; que les distributeurs de services (ou "ensembliers") choisissent les chaînes qui seront commercialisées au sein de leur "bouquet" et proposées aux téléspectateurs moyennant la conclusion d’un abonnement ; que dans un avis n° 98-A-14 du 31 août 1998 sur la fusion-absorption de la société Havas par la Compagnie générale des eaux, le Conseil de la concurrence a distingué, au sein du secteur de la télévision payante, trois marchés en fonction du procédé de diffusion utilisé, et notamment, un "marché de la télévision numérique par satellite" ; que, dans une décision du 19 novembre 1991, le Conseil avait défini un marché de la diffusion des chaînes sur les réseaux câblés ; qu’en l’état de l’instruction, il apparaît que les services proposés aux chaînes par les opérateurs de satellite sont très différents de ceux proposés par les opérateurs hertziens ou du câble, le satellite permettant, notamment, une couverture géographique beaucoup plus large que le câble lequel est limité en France au périmètre de concessions locales ; que, par ailleurs, les éditeurs de programmes ne sont pas obligés de contracter avec un distributeur (TPS ou CanalSatellite) pour diffuser leurs programmes sur le satellite, alors qu’ils sont obligés de passer par un câblo-opérateur (NC Numericâble, Noos, FT Câble) et de figurer dans son offre commerciale, pour être diffusés sur le câble ; que cette négociation est difficile, puisque chaque câblo-opérateur concessionnaire a une offre commerciale différente et n’accepte, en général, de diffuser que les chaînes investies d’une certaine notoriété ; que les distributeurs satellitaires sont soumis à l’obligation de permettre la réception, par leurs abonnés, des chaînes gratuites en clair diffusées par satellite, alors qu’aucune obligation de ce type ne pèse sur les distributeurs du câble ; que le marché français présente des caractéristiques qui accentuent encore la non substituabilité entre les services rendus par les opérateurs du câble et du satellite, à savoir l’existence d’une législation qui soumet les distributeurs du câble à un régime d’autorisation et les distributeurs du satellite à un régime de simple déclaration, et le fait que les abonnés français du câble sont majoritairement équipés en réception analogique (seuls 450 000 abonnés sur 3 millions sont équipés pour la réception en mode numérique) ; qu’il n’est donc pas exclu que le marché pertinent soit le marché français de la diffusion des chaînes par satellite ;

Considérant que, sur ce marché, la société CanalSatellite, filiale à 66 % du groupe Canal Plus, regroupe 1,7 million d’abonnés fin 2001, contre 1 million pour TPS, filiale de TF1 ; que les abonnés directs du groupe AB-Sat, le troisième distributeur de chaînes par satellite du marché français, sont 20 000 et que 140 000 foyers sont équipés d’une parabole pour la réception des chaînes numériques diffusées en clair, sans disposer d’un abonnement auprès d’un distributeur ; que CanalSatellite dispose donc, d’après les chiffres communiqués par le CSA, de 59 % de part de marché ; que compte tenu de la place de TPS (35 %), son principal concurrent sur le marché français, de l’intégration verticale du groupe Canal Plus, présent dans la production cinématographique, dans l’édition de programmes (Multithématiques), dans la télédistribution par câble (NC Numericable), par satellite (CanalSatellite) et par voie hertzienne, dans le marché d’achat de droits de diffusion et de gestion de droits et enfin dans le secteur des technologies numériques d’accès conditionnel et d’interactivité (Canal plus technologies), et compte tenu des rapports d’exclusivité existant entre CanalSatellite et certaines chaînes thématiques du groupe Canal Plus, il n’est pas exclu que CanalSatellite soit en position dominante sur ce marché ;

Considérant que les chaînes gratuites (ou "en clair"), comme Canal Europe Audiovisuel, qui utilisent le mode de diffusion par satellite, doivent réserver des capacités sur un opérateur de satellite (pour la France, Hotbird ou Astra) et faire acheminer leurs signaux vers ce satellite (liaison montante) ; qu’elles peuvent être reçues directement par les téléspectateurs équipés d’une antenne parabolique et d’un terminal de réception (mode de réception appelé "réception directe") ; que les chaînes en clair sont aussi reçues sur les terminaux des distributeurs de services diffusés par satellite ; que pour accéder aux programmes de ces distributeurs (CanalSatellite et TPS), les abonnés leur louent des "décodeurs", qui remplissent les fonctions d’interprétation des signaux et de décompression numérique, de décryptage et de gestion de contrôle d’accès, de mise en œuvre de l’interactivité et enfin de paiement des applications à la demande ; que, compte tenu du faible nombre de foyers équipés d’une parabole "en réception directe", les chaînes en clair sont essentiellement reçues par l’intermédiaire des décodeurs des distributeurs de services par satellite ; que les chaînes en clair peuvent d’ailleurs parfois figurer directement dans l’offre commerciale des distributeurs de services par satellite ; qu’il n’y a donc pas lieu, en l’espèce, de distinguer le marché de la distribution par satellite des chaînes gratuites du marché de la distribution par satellite des chaînes payantes ;

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, une chaîne gratuite, comme CEA, qui est rémunérée par la publicité en fonction de son audience, ne peut atteindre l’équilibre économique que si elle est reçue sur les décodeurs du distributeur attaché au satellite qui la diffuse, en l’espèce, CanalSatellite ; qu’à cet égard, c’est le "référencement" des chaînes par les distributeurs, c’est-à-dire l’attribution d’un numéro par l’intermédiaire des décodeurs, qui conditionne leur bonne réception par les abonnés ; que le processus de "référencement" est décrit par le CSA à la page 11 de son avis : "Après avoir défini un plan de services, CanalSatellite délimite la part de capacité de son terminal réservée à son offre réelle, voire potentielle. Cette capacité est constituée d’un nombre de canaux numérotés qui peut être supérieur au nombre de services distribués afin de permettre l’intégration de nouveaux services" ; "CanalSatellite définit une table spécifique dans laquelle chaque service est directement associé à un numéro de canal. Par l’intermédiaire de techniques logicielles propriétaires, cette table de correspondance entre chaque service et un numéro fixe s’impose au terminal CanalSatellite" ; que cette numérotation reste fixe, quel que soit le nombre de chaînes qui est diffusé par ailleurs par le satellite, permet l’identification facile de la chaîne par les abonnés et figure aussi sur les programmes de télévision ; que depuis fin août, la capacité réservée par CanalSatellite pour les chaînes sélectionnées dans son plan de service est de 300 canaux ; que, pour capter les chaînes ne bénéficiant pas de numéros fixes, (donc, au delà de 300), il faut utiliser la fonction "mémorisation manuelle" qui scanne la totalité des fréquences et leur attribue un numéro, en les mémorisant ; que, la manipulation dure environ une demi-heure, mais permet de trouver la chaîne recherchée ; que, cependant, sur un certain nombre de décodeurs, évalué à 400 000 par la société requérante, certaines chaînes en clair, comme CEA, ne sont pas reçues du tout ; qu’en effet, les décodeurs distribués par Canalsatellite ne peuvent mémoriser plus de 500 numéros et qu’ils identifient toutes les fréquences qui passent par le satellite Astra, qu’il s’agisse de chaînes (cryptées ou non) ou de radios, ce qui peut constituer un nombre très important de fréquences ; que la capacité de mémorisation restante étant de 200 canaux (compte tenu des 300 canaux réservés), la mémoire de ces décodeurs est rapidement saturée ; que les chaînes dont les fréquences ne correspondent pas aux 200 premières fréquences scannées ne peuvent pas faire l’objet d’une mémorisation ; que des constats d’huissiers versés aux débats par la requérante, l’aveu du distributeur CanalSatellite lui-même et des courriers de téléspectateurs abonnés à CanalSatellite (ou à TPS), démontrent l’absence totale de réception de certaines chaînes en clair sur certains décodeurs ; qu’il apparaît que seul l’attribution d’un numéro fixe ou le changement du logiciel de sélection des chaînes (techniquement possible) permettraient d’assurer avec certitude la réception des chaînes en clair ;

Considérant que CanalSatellite refuse de référencer CEA et d’autres chaînes en clair ; que les chaînes en clair diffusées sur Astra en décembre 2001 paraissent bénéficier de la part de CanalSatellite de traitements différents, sans que, à ce stade de l’instruction, aucune justification objective n’ait été avancée ; qu’il est soutenu que certaines chaînes paieraient pour être référencées, comme la chaîne Liberty Tv. Com figurant sur le canal 34 (1 franc par abonné et par mois), d’autres semblant être référencées sans condition particulière, comme AB Moteur (qui a des liens capitalistiques avec Canal) ou encore comme Fashion TV, d’autres encore n’étant pas référencées du tout, comme TV5 France/Belgique ou comme No Zap ; que les chaînes gratuites étrangères sont souvent référencées, tandis que les chaînes francophones, généralistes ou de cinéma, positionnées sur le même créneau que les chaînes payantes de Canal Plus, ne sont pas référencées ; que, depuis la saisine du Conseil (en octobre 2001), deux chaînes en clair, Home Shopping Europe et RTBF Sat, ont été référencées, le 7 décembre 2001, sous les numéros 95 et 293 ; que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, dans son avis, estime que les motifs du refus opposé par CanalSatellite à la demande de CEA ne sont pas convaincants ; que le référencement est bien une prestation de service que CanalSatellite rend à certaines chaînes, parfois gratuitement, parfois moyennant paiement, sans que des conditions publiques d’accès à ce service n’aient été apparemment arrêtées ; que, dans un arrêt du 16 mai 2001, la Cour d’appel de Paris, saisie du refus de référencement de la chaîne Hot par CanalSatellite, a considéré que la distribution des chaînes constitue une prestation de service, susceptible d’être fournie à titre onéreux, et a condamné la société CanalSatellite à communiquer à la société Hot, sous astreinte, son barème de prix et ses conditions générales de vente pour une diffusion en position fixe sur son réseau satellite ; que le refus d’accès des chaînes gratuites au référencement n’est pas justifié par son coût, qui semble à peu près nul, dès lors qu’il reste un grand nombre de canaux disponibles ; que l’augmentation, le 28 août 2001, par CanalSatellite, du nombre de canaux qui lui sont réservés de 199 à 299, sans raison apparente, puisque de nombreux numéros ne sont pas attribués aux chaînes sélectionnées dans son plan de service à ce jour, a contribué à aggraver la saturation des décodeurs et par voie de conséquence, les problèmes de réception des chaînes en clair ;

Considérant qu’il n’est pas exclu que ces refus conduisent le distributeur CanalSatellite à enfreindre l’article 4 de la directive 95/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995 relative à l’utilisation de normes pour la transmission de signaux de télévision, qui a été transposée par l’article 22 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 ; qu’aux termes du nouvel article 95 de la loi de 1986 résultant de cette transposition : "II. Les exploitants de système d’accès sous condition font droit, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux demandes provenant de distributeurs ou éditeurs de services de télévision ou de radiodiffusion sonore mis à disposition du public par voie de signaux numériques lorsque ces demandes concernent la fourniture des prestations techniques nécessaires à la réception de leur offre par le public autorisé. L’accès à tout parc de terminaux de réception de services de télévision ou de radiodiffusion sonore mis à disposition du public par voie de signaux numériques est proposé à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires à tout distributeur ou éditeur de services de télévision ou de radiodiffusion sonore désirant l’utiliser pour mettre à disposition du public autorisé son offre. Les dispositions du présent alinéa ne visent pas l’accès aux infrastructures de diffusion hertzienne et les réseaux de télédistribution" ; qu’au cours des débats devant l’Assemblée nationale, la ministre de la culture et de la communication déclarait que "dans un pays où les décodeurs sont contrôlés par les distributeurs de services, il m’a semblé utile de prévoir un mécanisme pour l’accès aux parcs déjà installés" (Assemblée nationale, 3ème séance du 25 mai 1999, JO page 4879) ; que le rapporteur de l’Assemblée nationale, Monsieur Mathus, décrivait ainsi le dispositif : "Ces exploitants ( les opérateurs de bouquets) mettent à disposition du public (sous la forme d’une vente ou d’une location) des décodeurs dont ils maîtrisent les paramètres de décodage. L’objet de ce paragraphe est de permettre à d’autres distributeurs ou éditeurs de services numériques d’accéder à ce mode de distribution afin que l’opérateur de bouquet ne se serve pas de sa maîtrise du support technique pour empêcher le développement d’une concurrence sur les contenus. Dans la mesure où l’on ne peut forcer l’opérateur technique d’un bouquet à accueillir dans sa propre offre commerciale tous les éditeurs de programmes qui le souhaitent, il convient que cet opérateur offre aux distributeurs et éditeurs tiers les moyens techniques nécessaires à la réception de leur offre par le public autorisé" (rapport de l’Assemblée nationale n° 2238, pages 83 et 84) ;

Considérant qu’il ne peut être exclu que le refus de référencer CEA, ainsi que d’autres chaînes en clair, et les différences de traitement entre ces diverses chaînes, qui ne paraissent pas reposer sur des critères clairs et objectifs, soient constitutifs de pratiques prohibées par l’article L. 420-2 du code de commerce ou par l’article 82 du traité de Rome, dès lors que CEA est une chaîne francophone luxembourgeoise empêchée d’atteindre les consommateurs français, ce qui pourrait affecter les échanges entre états-membres ;

II. - Sur la demande de mesures conservatoires

Considérant que Canal Europe Audiovisuel allègue que le refus de référencement par CanalSatellite, en décembre 2000, a porté une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, puisqu’elle a dû interrompre totalement son activité en mars 2001 et qu’ayant repris ses activités en novembre 2001, elle ne pourra espérer survivre sans l’attribution de ce référencement ; qu’elle demande au Conseil d’enjoindre à CanalSatellite de lui attribuer un numéro fixe lui permettant d’être reçue sur les décodeurs des abonnés de CanalSatellite ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-1 du code de commerce, des mesures conservatoires "ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante" ; que les mesures susceptibles d’être prises à ce titre "doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence" ; que le Conseil peut "prendre les mesures qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires" ;

Considérant qu’en 1999, le chiffre d’affaires de Canal Europe Audiovisuel s’est élevé à 1 001 205 euros et, au titre des mois de janvier à juillet 2000, à 1 719 329 euros, soit un chiffre d’affaires, rapporté au mois, en progression (83 433 euros en 1999, 245 618 euros en 2000) ; que la société a arrêté sa diffusion de juillet 2000 à décembre 2000 ; que de janvier à mars 2001, le chiffre d’affaires réalisé par la chaîne s’est élevé à 179 733 euros pour les mois de janvier, février, mars et novembre 2001, soit à 44 933 euros par mois ; que la société fournit les statistiques établies par France Télécom retraçant l’évolution des appels des téléspectateurs sur la période mai-juillet 2000 pendant laquelle elle disposait d’une numérotation fixe par rapport au trimestre décembre 2000 février 2001, période pendant laquelle elle a été privée de numérotation fixe ; que la comparaison des diagrammes fait ressortir que les appels français ont été divisés par 4,6 alors que les appels allemands non concernés par ce problème de numérotation ont été multipliés par 1,9 ; que cependant un manque à gagner est insuffisant à lui seul pour caractériser l’atteinte grave et immédiate ; que par ailleurs, il n’est pas démontré que les difficultés rencontrées par la société CEA aient été directement causées par le refus de référencement de la société CanalSatellite, la chaîne ayant interrompu ses programmes de juillet à décembre 2000 ; qu’il résulte, par ailleurs, des déclarations faites à l’audience que certaines chaînes ont conclu des contrats de réservation de capacité simultanément avec Astra et avec le satellite concurrent, Hotbird ; qu’il n’est pas démontré que le recours à ce dernier satellite ait été légalement et économiquement impossible et qu’il n’ait pas existé de solutions alternatives ou au moins complémentaires pour remédier à la situation de dépendance dans laquelle la société CEA prétend se trouver placée à l’égard d’Astra et de CanalSatellite ; que le lien de causalité entre les pratiques litigieuses et les difficultés de l’entreprise n’est donc pas établi en fait ;

Considérant, par suite, que la demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 291 doit être rejetée, 

DéCIDE

Article 1 - La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 291 est rejetée.

Délibéré, sur le rapport de Mme Luc, par Mme Hagelsteen, présidente, et MM. Jenny et Nasse, vice-présidents.

 


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