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Le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la régularité de actes préparatoires propres à un scrutin déterminé.

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

Le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour contrôler la régularité d’un acte préparatoire à un scrutin dès lors que celui fixe les règles permanentes et de portée générale applicables à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Référence : CC, décision du 14 mars 2001 relative à une requête présentée par Monsieur Stéphane Hauchemaille (deuxième espèce)

Décidant Stéphane Hauchemaille fait partie des personnes faisant avancer le droit constitutionnel ! Dans une première décision en date du 25 juillet 2000, le Conseil constitutionnel avait opérée un revirement de jurisprudence en se déclarant compétent pour connaître de la régularité des décrets des 12 et 18 juillet 2000 relatifs à l’organisation et au déroulement du référendum sur le quinquennat. Le juge complétait ainsi sa jurisprudence sur le contrôle des actes préparatoires.

Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel s’était refusé à se reconnaître compétent pour contrôler les actes préparatoires à l’organisation d’un référendum. Tel avait été le cas lors du contentieux préalable au référendum sur la Nouvelle-Calédonie et, du contentieux préalable au déroulement de la consultation de septembre 1992 sur le traité de l’Union européenne.

La jurisprudence adoptée en juillet 2000 ne faisait qu’étendre les attributions juridictionnelles du Conseil constitutionnel. En effet, quelques années auparavant, le juge constitutionnel s’était déclaré compétent pour contrôler les actes préparatoires aux élections présidentielles [décision du 17 mai 1969, Ducatel] ou les actes préparatoires aux élections législatives [décision du 11 juin 1981, Delmas].

La décision du 14 mars 2001 vient préciser le domaine de compétence du Conseil constitutionnel sur le contrôle des actes préparatoires aux élections présidentielles. La loi organique du 6 novembre 1962 confère au Conseil constitutionnel le pouvoir de statuer sur les opérations relatives à l’élection présidentielle. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 1969, s’est reconnu compétent pour contrôler les actes préparatoires en vertu de sa « mission générale de contrôle de la régularité des opérations électorales ».

Le Conseil constitutionnel s’est donc reconnu compétent pour examiner les requêtes dirigées contre des actes conditionnant la régularité d’un scrutin à venir dans les cas où l’irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l’efficacité de son contrôle des opérations électorales, vicierait le déroulement général du vote ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics.

En l’espèce, le requêrant contestait la légalité du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962. Ce décret abrogeait et complétait les dispositions antérieures contenues dans un décret de 1964. M. Hauchemaille contestait notamment que le droit de réclamation ouvert contre l’établissement de la liste des candidats à l’élection du Président de la République ne pouvait être limité aux seules personnes ayant fait l’objet de présentation. Il contestait aussi l’existence de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, les textes posant le principe de la compétence unique du Conseil constitutionnel. Enfin, il invoquait une violation, par le décret, des principes d’égalité et d’indivisibilité de la République en ce qu’il rendait applicable aux seuls départements d’Alsace-Moselle les dispositions de la loi du 10 juillet 1906.

Le Conseil constitutionnel a rejeté sa demande en estimant qu’il n’était pas compétent pour contrôler les actes préparatoires qui ne sont pas propres à un scrutin déterminé. Les règles permanentes et de portée générale relèvent donc de la compétence du Conseil d’Etat.

Cette solution se justifie-t-elle encore ? Le développement du principe de bonne administration de la justice, ainsi que les influences de la doctrine, invitent le Conseil constitutionnel à se reconnaître totalement compétent pour contrôler les actes préparatoires aux élections dont il connaît la légalité, actes propres à une élection particulière ou, généraux et de portée générale.

Mais, en l’espèce, si le Conseil constitutionnel s’était reconnu compétent pour contrôler le décret déféré, une difficulté supplémentaire serait apparue. En effet, le Conseil constitutionnel a été consulté par le Gouvernement, préalablement à la publication dudit décret. Si ce dernier s’était reconnu compétent, il aurait eu à connaître la régularité d’un décret dont, il avait déjà eu l’occasion d’apprécier la teneur quelques semaines au préalable.

Une telle situation rappelle fortement les conditions dans lesquelles la Cour européenne des droits de l’Homme a sanctionné l’Etat luxembourgeois, en raison de la violation, par le Conseil d’Etat luxembourgeois, de l’article 6§1 ouvrant droit à un procès équitable, organisé devant un tribunal impartial. Le Conseil d’Etat luxembourgeois avait, dans une formation quasi-identique, été consulté par le Gouvernement luxembourgeois sur un texte et rejeté une requête déposée contre ce texte. La Cour européenne avait sanctionné l’Etat au motif que le requêrant n’avait pas pu bénéficier d’un procès véritablement équitable.

Si le Conseil constitutionnel s’était déclaré compétent, l’Etat français aurait pu faire l’objet de la même condamnation. En effet, n’existant aucune formation spécifique en son sein, la majorité des conseillers constitutionnels - et ce malgré le renouvellement par tiers - ayant donné son avis sur le décret, aurait également été amenée à contrôler la régularité dudit décret - et donc de leur avis. Les hypothèses de la jurisprudence Procola aurait pu donc être réunies.

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 14 mars 2001

 


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