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Conseil d’Etat, Assemblée, 4 juillet 2003, n° 239509, Mme Dominique M.

Les membres du Conseil économique et social siègent dans cette assemblée consultative comme représentants des différentes activités du pays. Il ressort des dispositions de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social et du décret du 4 juillet 1984 qu’alors même que certaines organisations et associations interviennent dans la procédure de désignation des membres nommés au titre de la représentation des diverses activités économiques, sociales et culturelles, ceux-ci ne peuvent, dans l’exercice de leur mandat, être regardés comme les représentants de ces organisations ou associations. Par suite, s’ils peuvent être déclarés démissionnaires d’office dans l’hypothèse, prévue à l’article 9 de l’ordonnance du 29 décembre 1958, où ils viendraient à perdre la qualité au titre de laquelle ils ont été désignés, ils ne sauraient voir leur mandat remis en cause par ces organisations ou associations.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 239509

Mme M. 

M. Debat Rapporteur

Mme Mitjavile Commissaire du gouvernement

Séance du 20 juin 2003
Lecture du 4 juillet 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 20 octobre 2001, présentée pour Mme Dominique M. ; Mme M. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler : la délibération du 6 juin 2001 par laquelle le conseil d’administration de la fédération des familles de France l’a déchue de son habilitation à représenter ladite association au conseil économique et social ; la délibération du 30 juin 2001 du conseil d’administration de la fédération des familles de France ; la décision du Premier ministre en date du 4 octobre 2001 la remplaçant par M. Fresse comme membre du conseil économique et social ; la décision du 9 octobre 2001 du secrétaire général du conseil économique et social lui interdisant de siéger au sein du conseil économique et social ;

2°) de condamner la fédération des familles de France et, à défaut, l’Etat, à lui verser la somme de 20 000 F en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au conseil économique et social, ensemble le décret n° 84-558 du 4 juillet 1984 pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme M. et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Fédération des familles de France,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 9 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social : "Les membres du Conseil économique et social sont désignés pour cinq ans. Si, au cours de cette période, un membre du Conseil vient à perdre la qualité au titre de laquelle il a été désigné, il est déclaré démissionnaire d’office et remplacé" ; qu’aux termes de l’article 7 de la même ordonnance : "Le Conseil économique et social comprend (…) 7° : Dix-sept représentants des activités sociales, dont dix représentants des associations familiales (…)" ; que le décret du 4 juillet 1984, intervenu, en application du même article 7 de l’ordonnance du 29 décembre 1958, pour préciser la répartition et les conditions de désignation des membres du Conseil économique et social, a prévu en son article 11 que les dix représentants des associations familiales prévus en tant que représentants des activités sociales seraient désignés pour six d’entre eux directement par l’union nationale des associations familiales et pour les quatre autres par les mouvements familiaux à recrutement général habilités à cet effet par l’union nationale des associations familiales ; que, selon l’article 15 du même décret, il revient au Premier ministre de transmettre au président du Conseil économique et social le nom de ces représentants ; que l’article 17 dispose qu’"en cas de vacance d’un siège, par suite de décès, de démission ou pour tout autre cause, il est procédé à la désignation d’un nouveau titulaire dans les conditions où avait été désigné le représentant à remplacer. Le mandat du nouveau titulaire cesse lors du renouvellement intégral du Conseil économique et social" ;

Considérant que Mme M. a été désignée par le conseil d’administration de la fédération des familles de France le 4 juin 1999 pour siéger au sein du Conseil économique et social ; que par délibérations des 6 et 30 juin 2001, cette même instance a entendu démettre Mme M. de ses fonctions et désigner pour la remplacer M. Fresse ; que la fédération des familles de France a transmis cette délibération au Premier ministre, qui a, le 4 octobre 2001, porté à la connaissance du président du Conseil économique et social le changement ainsi intervenu ; que, le 9 octobre 2001, le secrétaire général du Conseil économique et social a invité Mme M. à ne plus siéger et que, le 23 octobre 2001, le président du Conseil économique et social a confirmé cette position ;

Sur les conclusions dirigées contre les délibérations des 6 et 30 juin 2001 :

Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme M., les délibérations par lesquelles le conseil d’administration de la fédération des familles de France, organisme de droit privé, procède à la désignation ou au remplacement de son représentant au Conseil économique et social ne revêtent pas le caractère d’actes administratifs ; que si l’article 10 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 donne compétence au Conseil d’Etat pour connaître des contestations auxquelles peut donner lieu la désignation des membres du Conseil économique et social et pour vérifier à ce titre que la personne désignée l’a été par une organisation habilitée à le faire et selon la procédure prévue, ces dispositions ne l’habilitent pas à statuer sur des décisions prises par un tel organisme de droit privé ; qu’il suit de là que les conclusions de Mme M. tendant à l’annulation des délibérations des 6 et 30 juin 2001 ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 4 octobre 2001 du Premier ministre :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que les membres du Conseil économique et social siègent dans cette assemblée consultative comme représentants des différentes activités du pays ; qu’il ressort de l’ensemble des dispositions précitées de l’ordonnance du 29 décembre 1958 et du décret du 4 juillet 1984 qu’alors même que certaines organisations et associations interviennent dans la procédure de désignation des membres nommés au titre de la représentation des diverses activités économiques, sociales et culturelles, ceux-ci ne peuvent, dans l’exercice de leur mandat, être regardés comme les représentants de ces organisations ou associations ; que, par suite, s’ils peuvent être déclarés démissionnaires d’office dans l’hypothèse, prévue à l’article 9 précité de l’ordonnance du 29 décembre 1958, où ils viendraient à perdre la qualité au titre de laquelle ils ont été désignés, ils ne sauraient voir leur mandat remis en cause par ces organisations ou associations ;

Considérant que, lorsque le Premier ministre est saisi en application des dispositions de l’article 15 du décret du 4 juillet 1984 susvisé, il lui revient de s’assurer que l’organisme qui désigne un membre du Conseil économique et social est habilité à y procéder, de vérifier l’existence de cette désignation et de s’assurer qu’elle respecte les conditions prévues par les textes qui régissent la désignation des membres du Conseil économique et social ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date à laquelle a été transmise la délibération du 30 juin 2001 par laquelle le conseil d’administration de la fédération des familles de France désignait M. Fresse pour remplacer Mme M. au sein du Conseil économique et social, aucune vacance, au sens de l’article 17 précité du décret du 4 juillet 1984, n’avait été constatée ; que, par ailleurs, Mme M. n’avait pas perdu, à cette date, la qualité au titre de laquelle elle avait été désignée sur le fondement du 7° de l’article 7 de l’ordonnance organique précitée en tant que représentant des activités sociales au titre des associations familiales, la délibération du 6 juin 2001 du conseil d’administration de la fédération des familles de France n’ayant, à elle seule, pu avoir cet effet ; que, dès lors, le Premier ministre ne pouvait, sans méconnaître les dispositions régissant la désignation des membres du Conseil économique et social, notifier la désignation de M. Fresse au président du Conseil économique et social ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme M. est fondée à demander l’annulation de la décision du 4 octobre 2001 du Premier ministre ;

Sur les conclusions dirigées contre les décisions des 9 octobre 2001 du secrétaire général et 23 octobre 2001 du président du Conseil économique et social :

Considérant que, par ces décisions, le secrétaire général et le président du Conseil économique et social se sont bornés à tirer les conséquences de la notification faite par le Premier ministre au président du Conseil économique et social du remplacement de Mme M. par M. Fresse pour représenter la fédération des familles de France ; qu’elles n’ont, dès lors, pas le caractère de décisions faisant grief ; que les conclusions de Mme M. tendant à leur annulation sont, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions de Mme M. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à ces conclusions et de condamner solidairement la fédération des familles de France et l’Etat à payer à Mme M. la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de la fédération des familles de France tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme M., qui n’est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à la fédération des familles de France la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du Premier ministre du 4 octobre 2001 est annulée.

Article 2 : La fédération des familles de France et l’Etat sont condamnés solidairement à payer à Mme M. la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : Les conclusions de la requête dirigées contre les délibérations du conseil d’administration de la fédération des familles de France sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la fédération des familles de France tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Dominique M., à M. Marcel Fresse, à la fédération des familles de France, au président du Conseil économique et social et au Premier ministre.

 


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