Un contrôle de constitutionnalité a posteriori ?

Patrice Gérard, Sénateur de son état, a déposé il y a quelques jours une proposition de loi constitutionnelle tendant à rajouter un article 61-1 à notre Constitution. Cet article disposerait dans sont premier alinéa que «  Les lois qui n’ont pas fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel et qui portent atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et du citoyen, peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.  ».

Cette proposition tend donc à instaurer en sus d’un contrôle abstrait a priori [c’est à dire, un contrôle effectué en dehors de tout contentieux et, avant promulgation de la loi - ce qui est le cas actuellement en France et, une exception en Europe], un contrôle abstrait a posteriori. Le Conseil constitutionnel deviendrait ainsi juge de la loi promulguée. Pourquoi une telle volonté ? L’honorable sénateur expose que « La France n’est pas encore totalement un Etat de droit du fait que certaines lois, antérieures à 1958, ou que d’autres postérieures à 1958 ont échappé au contrôle du Conseil constitutionnel, alors qu’elles peuvent être contraires à la Constitution et qu’elles portent atteinte à des droits fondamentaux de l’homme et du citoyen.  ».

Il indique par ailleurs que cette proposition de loi constitutionnelle - « visant à combler [une] lacune juridique dans notre système d’Etat de droit » - cherche à préserver la spécialité française en refusant toute procédure d’exception d’inconstitutionnalité.

Seulement, deux points sont largement contestables dans cette proposition. Tout d’abord, cette procédure ne viserait que les lois portant atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et du citoyen. Cela signifie que les autres atteintes à la Constitution subsisteraient et ne pourraient être gommées par cette nouvelle procédure. En outre, il faut relever qu’actuellement, le Conseil constitutionnel n’est pas totalement impuissant face à des lois déjà promulguées. En effet, et cela lui est arrivé notamment dans sa décision du 15 mars 1999 relative à la loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, la haute instance n’hésite pas à censurer des dispositions d’une loi déjà promulguées. Pour cela, il suffit uniquement que la loi soumise au Conseil modifie, complète les dispositions d’une loi déjà en vigueur

Enfin, dernier point, il faut remarquer que les mêmes rigueurs en matière de délai seraient imposées. Ainsi, l’instance constitutionnelle devrait statuer dans un délai d’un mois sauf, si il y a urgence, dans un délai de huit jours. Mais, aujourd’hui, la Haute juridiction atteint un seuil de saturation assez important, d’autant que la dernière loi organique sur la Nouvelle-Calédonie lui a remis le contentieux des lois du pays de Nouvelle-Calédonie. A mon avis, il faut avant d’imposer une quelconque réforme de la saisine ou de la compétence du Conseil Constitutionnel, penser à rénover son organisation et notamment le nombre des membres le composant. Le nombre de 9 paraît de plus en plus insuffisant face à la production des législateurs.

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Citation : Un contrôle de constitutionnalité a posteriori ?, in Rajf.org, brève du 27 mars 2000
http://www.rajf.org/spip.php?breve93