Rezala et son extradition

Hier après-midi, au cours de la séance consacrée à la discussion du projet de loi relatif à la présomption d’innocence à l’Assemblée nationale, la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Madame Elisabeth Guigou, annonçait aux parlementaires français que le Tribunal Suprême de Justice portugais, l’équivalent de notre Cour de Cassation, avait autorisé l’extradition vers la France de Sid Ahmed Rezala.

La section criminelle du Tribunal suprême a en effet, confirmé la décision du Tribunal de Relaçao [l’équivalent de nos Cours d’Appel] de Lisbonne qui avait le 14 mars dernier autorisé l’extradition vers la France de l’accusé en se basant notamment sur la promesse de Madame Guigou que Rezala ne serait en aucune façon condamné à plus de 30 ans de réclusion. Maintenant, le sort de l’extradition est entre les mains des avocats de Rezala qui ont dix jours pour saisir le Tribunal constitutionnel portugais aux fins d’annulation de la décision de la Cour suprême, qui aura lui-même 90 jours pour statuer sur le recours.

Mais, le point principal et le plus essentiel dans cet affaire - hormis celui des problèmes d’extradition qui sont un exemple du travail encore à faire au niveau européen en matière d’entraide judiciaire - est bien la promesse faîte par la Ministre de la Justice que Sid Ahmed Rezala ne sera pas condamné à plus de trente ans de réclusion criminelle. En effet, la Constitution portugaise interdit l’extradition d’une personne dans un pays dès lors que cette personne risquerait la réclusion criminelle à perpétuité. La seule solution était donc de garantir les autorités portugaises que Sid Ahmed Rezala ne serait pas condamné à plus de 30 ans de réclusion. Mais, concernant justement cette promesse, une décision de justice est passée totalement inaperçu.

Les avocats de Rezala ont en effet, formé un recours pour excès de pouvoir contre la promesse de la ministre qu’ils qualifiaient d’acte administratif. Seulement, lundi 22 mai, le Tribunal administratif de Paris s’est déclaré incompétent pour statuer sur la requête. En effet, il a estimé que ce courrier, inséparable de la procédure de demande d’extradition, ne «  constitue pas un acte administratif détachable  » et, en conséquence, «  n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. ». Or, il est admis par le Conseil d’Etat depuis 1993 [Arrêt Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord] que les actes touchant à l’extradition sont soumis au contrôle juridictionnel. Juridiquement, la seule solution acceptable aurait été que le Tribunal administratif estime que cet acte est détachable de la procédure d’extradition et se rattache aux relations internationales et constitue en conséquence, un acte de gouvernement.

Maintenant, la décision finale est entre les mains du Tribunal constitutionnel qui statuera sur des moyens touchant au droit constitutionnel.

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Citation : Rezala et son extradition, in Rajf.org, brève du 25 mai 2000
http://www.rajf.org/spip.php?breve74