Les services accomplis dans l’Union européenne doivent être pris en compte

Par un arrêt du 13 mars 2002 (M. Courbage, n° 209938), le Conseil d’Etat vient d’apporter des précisions utiles en matière de prise en compte des activités professionnelles exercées par agents publics sur le territoire de divers Etats de l’Union européenne.

Aux termes de l’article 4 du décret du 26 avril 1985 relatif aux règles de classement des personnes nommées dans les corps d’enseignants chercheurs des établissements d’enseignement supérieur et de la recherche relevant du ministre de l’éducation nationale, "les personnes nommées (dans un corps visé par le décret) qui, avant leur nomination, avaient la qualité d’agent non titulaire de l’Etat, des collectivités locales ou de leurs établissements publics, sont classées à un échelon de corps déterminé en prenant en compte, sur la base des durées de service fixées pour l’avancement à l’ancienneté dans chacun des échelons du corps, une fraction de leur ancienneté de service". Certaines conditions sont néanmoins posées. Ainsi, les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu’à 12 ans et à raison des trois quarts au-delà. Les services pris en compte doivent obligatoirement avoir été accomplis de façon continue en qualité d’agent non titulaire.

Mondialisation et surtout Europe obligent, plusieurs agents dans le domaine de l’enseignement supérieur ont effectué une partie de leur service dans les autres pays de l’Union européenne. Le problème posé était, dans leur cadre de leur titularisation, la prise en compte de cette ancienneté.

Opérant une lecture très stricte des dispositions réglementaires, le ministre de l’éducation nationale refusait de prendre en compte les services accomplis en dehors de la France. Ainsi, en l’espèce, M. Courbage avait travaillé en tant que chercher et professeur des universités entre 1974 et 1982 en Belgique. Demandant à bénéficier de la prise en compte de cette période, le ministre lui a opposé son refus, contesté devant le Conseil d’Etat.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l’article 39 du traité de la Communauté européenne qui dispose que "la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté". En outre, le juge administratif suprême se fonde sur l’interprétation donnée par la CJCE à ces dispositions, notamment dans un arrêt du 23 février 1994 (affaire C-419/92). Dans cette décision, le juge communautairea estimé que "le refus de prendre en considération la période de travail accomplie par la partie demanderesse au principal dans le service public d’ un autre État membre, dans l’attribution des points additionnels prévus, en vue de son classement final, constitue une discrimination indirecte non justifiée".

Reprenant à son compte l’interprétation donnée par la CJCE, le Conseil d’Etat en a conclut que "lorsqu’un Etat membre prévoit, à l’occasion du recrutement du personnel, de prendre en compte des activités professionnelles antérieures exercées par les candidats au sein de l’administration publique, il ne peut, à l’égard des ressortissants communautaires, opérer de distinction selon que ces activités ont été exercées dans le service public de ce même Etat membre ou dans celui d’un autre Etat membre".

En conséquence, le Conseil d’Etat a estimé que les dispositions de l’article 4 du décret du 26 avril 1985 qui prennent en compte, pour le classement des personnes recrutées dans l’enseignement supérieur, les services accomplis antérieurement en qualité d’agent non titulaire de l’Etat, "ne peuvent être regardées comme excluant la prise en compte de services de même nature lorsqu’ils ont été accomplis dans un Etat membre de la Communauté européenne".

Cette décision, outre en ce qu’elle confirme l’intégration complète du droit communautaire sous tous ses aspects (textes, mais également jurisprudence) par le juge administration, permet de donner une dimension totalement communautaire et globale aux carrières des agents publics. (BT)

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Citation : Les services accomplis dans l’Union européenne doivent être pris en compte, in Rajf.org, brève du 26 mars 2002
http://www.rajf.org/spip.php?breve227