En cas de conséquences d’une extrême gravité, l’extradition doit être refusée

Par une décision du 11 février 2002 (Mlle G.), le Conseil d’Etat est venu annuler un décret en se fondant sur la convention européenne d’extradition et notamment sur l’obligation de la refuser en cas de conséquences d’une extrême gravité.

Aux termes de l’article 1er des réserves et déclarations émises par le Gouvernement de la République française, lors de la ratification de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, "l’extradition pourra être refusée si la remise est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge ou de son état de santé".

En l’espèce, un décret du 31 mai 2000 a autorisé l’extradition de Mlle G. vers la République de Moldavie sur le fondement d’un mandat d’arrêt établi le 2 août 1999 par le président du Tribunal de Secteur de Hancesti. L’acte d’inculpation reproche à la requérante, alors âgée de 18 ans, d’avoir dérobé à un particulier des billets de banque libellés en lei moldaves et en dollars américains pour un montant d’environ cent euros.

Or, il ressort également du dossier que la requérante - qui nie avoir commis le vol - a été soumise à des pressions d’agents de la police moldave. Ces derniers l’ont mise en contact avec des personnes appartenant à un réseau de prostitution ayant des ramifications dans plusieurs pays d’Europe occidentale et orientale.

Face à ces circonstances particulières, le Conseil d’Etat a annulé le décret autorisant l’extradition. Il estime en effet qu’en "s’abstenant de faire usage de la faculté de refuser l’extradition, ainsi que le permettent les réserves et déclarations (...), l’auteur du décret a, eu égard à la gravité des risques courus par la requérante, entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation".

Ainsi, pour la première fois, le juge administratif se fonde sur les réserves d’interprétation émises par le Gouvernement français lors de la ratification de la Convention européenne d’extradition pour annuler un décret prononçant l’extradition. Ainsi, le Conseil d’Etat reconnaît une pleine valeur juridique à ces réserves d’interprétation unilatérales émises par les divers Gouvernements et surtout, permet aux citoyens de les invoquer directement - sous réserve qu’elles visent les citoyens et non pas les Etats.

A noter qu’auparavant, dans une décision du 13 octobre 2000 (M. Kozirev), le Conseil d’Etat avait élevé au rang de "principe général du droit de l’extradition", la possibilité de refuser une extradition si elle est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge et de son état de santé. (BT)

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Citation : En cas de conséquences d’une extrême gravité, l’extradition doit être refusée, in Rajf.org, brève du 25 février 2002
http://www.rajf.org/spip.php?breve214