Le Conseil d’Etat délimite les contours du journalisme professionnel

Dans un arrêt en date du 24 octobre 2001 (Mme Chenot-Jeandot à paraître), le Conseil d’Etat a déterminé les conditions destinant à donner le caractère de journalisme professionnel à une activité. L’intérêt est la possibilité ou non d’obtenir la fameuse carte de presse, permettant l’attribution de nombreux avantages.

L’article L.761-2 du Code du travail dispose que "le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publication quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources". L’article R.761-3 du Code précise que la carte d’identité professionnelle des journalistes "ne peut être délivrée qu’aux personnes répondant aux conditions fixées par l’article L.761-2".

Les questions les plus délicates se situent au niveau de la détermination de l’activité de journaliste professionnel. En l’espèce, la requérante demandait l’annulation de la décision de la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels qui lui avait refusé l’attribution de sa carte de journalisme. La Commission se fondant sur le fait que les activités de l’intéressée comportait un aspect promotionnel prédominant puisque exerçant les fonctions de rédacteur en chef des magazines Canal + et Canal satellite.

De manière générale, le juge administratif exige pour accorder le statut de journaliste professionnel que les activités aient un rapport assez proche avec l’actualité. Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé le 24 octobre 1997 (Mme Eyraud) qu’une personne employée "en qualité d’illustrateur par une revue peut se voir reconnaître la qualité de reporter-dessinateur au sens de l’article L761-2 du code du travail si les illustrations qui lui sont confiées présentent un caractère suffisant de rapport avec l’actualité".

Dans une affaire similaire de l’espèce, le Conseil d’Etat avait jugé le 21 octobre 1996 (Mme Fouillaud) que "la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes n’a pas fait une inexacte application des dispositions de l’article L761-2 du code du travail en estimant que les fonctions de responsable de la rédaction dans une publication périodique éditée par une société exploitant une chaîne de télévision et destinée d’une part à faire connaître à la presse les programmes de cette chaîne, d’autre part à être diffusée à l’intérieur des services de la société, ne présentaient pas le caractère d’une activité de journaliste professionnel au sens de ces dispositions".

En l’espèce, les magazines en question sont adressés aux personnes abonnés à Canal + ou Canal Satellite et consistent en une présentation des programmes assortie, d’un bref résumé ou d’une notice bibliographique voire d’une interview. On ne se situait donc pas dans le cas de la revue présentant exclusivement les programmes télévisés, et d’autre part, un certain lien avec l’actualité était présent en raison de ces articles de fond.

Seulement, le juge administratif a validé le refus d’attribution de la carte de journaliste professionnel. Le juge relève en effet que les publications en cause "n’ont pas pour objet de proposer aux personnes auxquelles elles sont adressées des articles d’information et d’opinion, mais de fournir un service de présentation et de promotion des programmes des chaînes de télévision du groupe Canal +". En conséquence, le juge administratif a estimé que l’activité de rédacteur en chef de ces publications ne présentait pas le caractère d’une activité de journaliste professionnel.

Ainsi, de nouveaux critères sont dégagés par le juge administratif afin de déterminer l’activité même de journalisme. Les articles rédigés devront répondre à deux critères cumulatifs : constituer des articles d’information (intégrant en conséquence une dominante d’actualité) et présenter une opinion. Par ce deuxième critère, le juge exige un engagement positif de l’auteur dans ses écrits et exclut du bénéfice de ce statut la simple diffusion (ou rediffusion) de communiqués de presse. Ce deuxième critère est également assez intéressant dans le domaine des agences de presse, qui par définition, doivent éviter d’émettre une opinion. Leurs salariés peuvent-ils, en conséquence, encore bénéficier du statut de journaliste professionnel ? (BT)

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Citation : Le Conseil d’Etat délimite les contours du journalisme professionnel, in Rajf.org, brève du 3 décembre 2001
http://www.rajf.org/spip.php?breve156