La Cour Pénale Internationale face à la France

Demain, les députés examineront en première lecture le projet de loi autorisant la ratification du statut de la Cour Pénale Internationale. Adopté en juillet 1998, ce statut a su hanter les couloirs de nos assemblées en raison du suivi minutieux du processus constitutionnel. Après que le Conseil Constitutionnel se soit prononcé sur l’incompatibilité de certaines dispositions du statut avec le texte alors en vigueur, les députés et sénateurs revêtant leur tenue de pouvoir constituant dérivé, prirent le chemin de Versailles, et révisèrent notre loi fondamentale en indiquant que la France peut reconnaître la compétence de la Cour Pénale Internationale.

Mais cette révision n’opérait pas pour autant autorisation de ratification du Traité. C’est pourquoi, le gouvernement a été dans l’obligation de déposer un projet de loi - ce qui a été fait le 31 décembre - afin que le Parlement autorise le Président de la République à ratifier le traité portant statut de la Cour Pénale Internationale. C’est ce texte qui devrait être adopté cette semaine par les députés mais d’ores et déjà la politique française est mise en cause notamment par la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale. Dans son rapport sur ce projet de loi, Pierre Brana critique un article : l’article 124. L’article 124 de la Convention introduit à l’initiative de la France, à la fin de la négociation de Rome permet à un Etat qui devient partie au Statut, de décliner pendant sept ans la compétence de la Cour pour les crimes de guerre lorsqu’il est allégué qu’un tel crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Cette déclaration peut être retirée à tout moment.

En cédant à l’influence du ministère de la défense craignant de voir des poursuites engagées contre les militaires français en opérations extérieures [notamment au sein de mission des Nations Unies], la France a annoncé qu’elle utiliserait cette faculté et, à ce jour elle est le seul signataire à avoir manifesté une telle intention. Une note d’orientation de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme du 15 février 1999 condamnait ce recours à l’article 124. La Commission des Affaires Etrangères indique notamment que «  L’utilisation de l’article 124 par la France serait néfaste, elle conférerait une fausse protection aux militaires français, protection qui pourrait se retourner contre eux et heurter leur sens de l’honneur. ».

En outre, l’argument des Ministères selon lequel un risque d’encombrement de la juridiction serait possible ne tient pas. En effet, il existera au sein de la Cour Pénale Internationale une Chambre préliminaire, sorte de chambre d’accusation à la française, chargée de filtrer les requêtes et notamment d’écarter celles ouvertement non fondées. Néanmoins, les ministères restent sur leur position. Hélas, cela risque d’être le premier accroc au fonctionnement de cette future cour criminelle au niveau international.

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Citation : La Cour Pénale Internationale face à la France, in Rajf.org, brève du 21 février 2000
http://www.rajf.org/spip.php?breve104