Décision n° 87-D-53 du 1er décembre 1987 relative à la situation de la concurrence dans le domaine des honoraires d’architectes

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la lettre de saisine du ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de la privatisation, en date du 12 décembre 1986  ;

Vu les ordonnances n°s 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées, respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, et notamment son article 22, ainsi que le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application ;

Vu la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, modifiée  ;

Vu la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée ;

Vu le décret n°73-207 du 28 février 1973 relatif aux conditions de rémunération des missions d’ingénierie et d’architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé ;

Vu le décret n°80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes ;

Vu les observations présentées par les parties ,

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - Constatations

La loi du 3 janvier 1977, déclarant l’acte de construire d’intérêt public, a rendu obligatoire le recours à l’architecte pour l’élaboration du projet architectural objet de la demande du permis de construire.  Parmi les exceptions à ce recours obligatoire, la plus importante concerne les petites constructions d’une surface de plancher inférieure à un maximum fixé par décret.

Le monopole dont bénéficient les architectes est donc restreint au domaine de la conception du projet lorsqu’il est soumis à permis de construire et ne s’étend pas à l’ensemble des missions de maîtrise d’oeuvre, pour lesquelles se trouvent en compétition, outre les architectes, de nombreux opérateurs : corps technique de l’Etat et des collectivités locales, bureaux d’études, vendeurs de maisons sur catalogue, maîtres d’oeuvre agréés.

Par ailleurs, les architectes exerçant à titre libéral, individuellement ou en société, s’ils constituent la grande majorité de la profession, trouvent en face d’eux, pour les commandes publiques qui représentent 60 p. 100 du chiffre d’affaires de cette profession, des architectes fonctionnaires ou agents publics.

Enfin, le nombre des architectes s’accroît de façon régulière et importante : de 9 000 en 1962, il est aujourd’hui de 24 000.

Les architectes libéraux exercent donc leur mission dans un environnement assez fortement concurrentiel.

La rémunération des architectes

La rémunération de l’architecte s’établit selon trois modalités principales - « au pourcentage » lorsqu’elle est proportionnelle au coût de la réalisation de l’ouvrage, « au déboursé » lorsque les frais réels s’ajoutent aux honoraires, « au forfait » lorsqu’elle est fixée en début de mission.

Cette rémunération est, pour les architectes exerçant à titre libéral, soumise à un régime différent selon que leur prestation s’effectue pour le compte d’un maître d’ouvrage public ou pour celui d’un maître d’ouvrage privé.

Dans le premier cas, la rémunération des mission d’ingénierie et d’architecture pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé a longtemps relevé, et relève encore partiellement, des dispositions du décret n°73-207 du 28 février 1973 qui pose le principe d’une rémunération forfaitaire tenant compte de la complexité de l’ouvrage, de l’étendue de la mission et du coût prévisionnel des travaux, ces trois critères comportant des éléments normalisés fixés par arrêté et présentés sous forme de barèmes.

Le décret du 28 février 1973 ne s’impose plus aux collectivités locales à la suite de l’intervention de la loi de décentralisation du 2 mars 1982. Il cessera de recevoir application lorsque auront été pris les textes d’application de la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée, qui renvoie le calcul de la rémunération à des accords entre maîtres d’ouvrage et maîtres d’oeuvre.

Dans le second cas, le principe est celui de la libre détermination de la rémunération par accord entre l’architecte et le client.

La loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture avait toutefois prévu qu’un code des devoirs professionnels aurait à préciser les règles générales de la profession d’architecte et, parmi celles-ci, les règles relatives à la rémunération.

Ce code, pris par décret n°80-217 du 20 mars 1980, a effectivement consacré son chapitre III aux « règles relatives à la rémunération ». L’article 46 du décret dispose qu’elle doit être calculée en fonction des missions confiées et l’article 47 précise que, pour les missions rendues obligatoires par la loi sur l’architecture, doivent être retenus les critères relatifs aux difficultés de la mission, au coût de réalisation de l’ouvrage et à sa complexité, ce par référence aux barèmes annexés au décret relatif aux conditions de rémunération des missions d’ingénierie et d’architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par les prestataires de droit privé.

Différents documents ont été élaborés pour l’évaluation du montant des honoraires des architectes.  C’est ainsi que, jusqu’en 1980, l’ordre des architectes a publié un « contrat d’architecte » comportant barèmes et taux horaires des vacations présentés comme des minima en dessous desquels les missions ne pouvaient être convenablement assurées.

Le Conseil national de l’ordre ayant estimé qu’il ne lui appartenait plus, après la publication du code des devoirs professionnels, de s’occuper des problèmes économiques de ses ressortissants, d’autres documents d’origine professionnelle ont vu le jour.
Le ministre chargé de l’économie a, dans sa lettre de saisine, soumis à l’appréciation du conseil de la concurrence plusieurs de ces documents.

1°) Les contrats types de l’Union nationale des syndicats français d’architectes

L’Union nationale des syndicats français d’architectures (U.N.S.F.A.) est la plus importante des organisations nationales regroupant les syndicats d’architectes. Elle est la seule à avoir publié des modèles de contrats.

En 1980, l’U.N.S.F.A. a établi un contrat type dont l’un des chapitres était réservé à la rémunération.  Ce contrat était édité avec la mention de l’avis favorable de l’ordre des architectes. En effet, le Conseil national de l’ordre, dans sa séance du 8 mai 1980 tenue en présence du directeur de l’architecture, commissaire du Gouvernement, avait approuvé le contrat type en ce qu’il constituait notamment un document de référence non obligatoire et n’imposant pas de minima, et avait permis qu’il soit fait état de son avis sur le document.

A partir de 1982, des contrats types ont été consacrés à différentes catégories de constructions (maisons individuelles, lotissements ... ). Chaque contrat type se présente en deux cahiers, consacrés l’un aux clauses d’ordre général relatives aux droits et obligations des parties, à la définition de la mission et à l’établissement de la rémunération, l’autre aux clauses particulières comprenant les termes de l’accord.  Aucun de ces cahiers ne porte plus la mention d’un avis de l’ordre.

Le cahier des clauses générales définit l’honoraire au pourcentage comme le produit du montant hors taxes des travaux par un coefficient déterminé lui-même par le produit de trois sous-coefficients. Pour les résidences particulières par exemple, le premier sous-coefficient, qui représente l’importance de la mission, est compris entre 0,35 et 1,30 selon la prestation demandée  ; le deuxième traduit le critère de complexité de l’ouvrage sur un tableau graphique où un segment de plage compris entre 0,85 et 1,47 correspond à une nature des travaux ; il est modulable selon qu’un certain nombre de difficultés se présentent ou non ; le troisième est fonction de l’importance de l’ouvrage  : il est donné par tranches de coûts et est dégressif.

Pour l’honoraire au déboursé, il est notamment indiqué que l’ensemble des vacations horaires, des charges sociales, des frais généraux et du bénéfice est, « à défaut de convention contraire », calculé en multipliant par 2,5 la somme des deux premiers postes et qu’en janvier 1982, «  la vacation est couramment estimée de 330 à 590 F HT » par heure.

Pour l’honoraire au forfait, le cahier recommande de se référer aux modalités de calcul présentées pour les deux autres types d’honoraires.

Le cahier des clauses générales traite également des intérêts moratoires, qui sont calculés «  au taux des obligations cautionnées augmenté de trois points  », et des frais divers, qui comportent une majoration en pourcentage des frais réels ou d’une référence analogique.  C’est ainsi, par exemple, que les frais de déplacement s’établissent, à défaut de comptabilité, « selon le barème de la direction générale des impôts majoré de 30 p. 100 ».

Le cahier des clauses générales indique à plusieurs reprises, mais non de façon systématique, que les composantes de l’honoraire sont fournies à titre indicatif et à défaut de convention contraire. Il rappelle également, dans l’un des articles consacrés à l’honoraire au pourcentage, que « l’honoraire est fixé librement entre le maître d’ouvrage et l’architecte ».

Dans le cahier des clauses particulières, le chapitre réservé aux clauses dérogatoires est cependant placé avant ceux consacrés à la rémunération et aux délais.

Les documents établis par l’U.N.S.F.A. sont vendus par cette organisation. Ils sont également déposés aux sièges des conseils régionaux de l’ordre, où professionnels et particuliers peuvent se les procurer. Ils sont joints aux réponses que le président du Conseil national de l’ordre adresse aux demandes nombreuses qui lui sont faites touchant à la rémunération des architectes ; à cette occasion, le président du Conseil national rappelle le principe de la libre négociation de l’honoraire et présente les contrats types comme n’ayant qu’une valeur indicative ou de référence.

L’enquête administrative a montré que les contrats types de l’U.N.S.F.A. n’étaient pas utilisés couramment par les architectes qui, dans leur grande majorité, appliquent des règles propres, tirées de leur façon de faire personnelle, de précédents ou des indications de leur comptabilité.

S’agissant plus particulièrement de l’institution ou de la tenue d’une comptabilité qui doit permettre aux architectes de savoir quels sont leurs coûts réels, l’U.N.S.F.A., parallèlement à la publication des contrats types qui viennent d’être examinés, a mis au point et tient à la disposition des architectes des «  feuilles d’heures » ainsi qu’un devis d’études au déboursé destiné au contrôle de la gestion des cabinets.

2°) Le cahier des coûts horaires facturables du Gelirec

Le groupe d’études et de liaison de la rémunération de la conception (Gelirec) est un groupement sans personnalité morale réunissant quatre organisations représentatives de professions associées dans les missions de maîtrise d’oeuvre, dont l’U.N.S.F.A.

Cet organisme a élaboré en janvier 1986 un cahier du coût horaire de l’intervention de divers opérateurs sur le marché des logements aidés et a dégagé des prix moyens d’intervention.

L’instruction a fait apparaître que ce document était intervenu dans un domaine réglementé, celui de la réalisation des logements aidés par l’Etat et réalisés par les organismes privés d’habitations à loyer modéré, et qu’il avait été établi à la demande du président de l’Union nationale des fédérations d’organismes d’habitations à loyer modéré pour servir de document de travail à une commission chargée de proposer de nouvelles définitions des missions et rémunérations pour l’application de la loi n°85-704 du 12 juillet 1985.

Le document de travail n’a été diffusé ni parmi les professionnels, ni dans le public.

3°) L’état des honoraires et frais établi pour 1983 par la compagnie des experts architectes près la cour d’appel de Paris

La compagnie des experts architectes près la cour d’appel de Paris est une association réunissant la plupart des experts architectes inscrits sur la liste des experts dressée par cette juridiction.  Elle a fait imprimer pour 1983 un « état des honoraires et frais » destiné à servir de modèle aux demandes que les experts présentent au juge taxateur en fin de mission.  Cet état comprend notamment une estimation forfaitaire des heures de vacation et des frais. Il se présente comme un véritable barème.
La compagnie des experts n’a plus édité d’états postérieurement à celui-ci. Elle considère aujourd’hui la diffusion de barèmes comme tombant sous le coup de la loi et comme inutile, les juges taxateurs se référant à leurs règles propres pour fixer le montant de la rémunération de l’expert.

Il n’est pas établi que ce document ait été diffusé après le 19 février 1983, date en deçà de laquelle la prescription est acquise aux faits contenus dans le dossier.

II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence

Considérant que les faits constatés sont antérieurs à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 et que les articles 50 et 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 demeurent applicables en l’espèce  ;

Considérant que la publication et la diffusion par la compagnie des experts architectes près la cour d’appel de Paris d’un état des honoraires et frais pour l’année 1983 sont couvertes par la prescription ;

Considérant que le cahier des coûts horaires facturables établi en 1986 par le Gelirec est un document préparatoire rédigé à la demande de l’Union nationale des fédérations d’organismes d’habitations à loyer modéré pour servir d’élément de discussion à une commission réunie pour la mise en oeuvre des dispositions de la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 ; que ni sa rédaction ni son utilisation n’ont eu pour objet et n’ont pu avoir pour effet d’affecter le jeu de la concurrence ;

Sur la publication et la diffusion des contrats types établis en 1982 par l’U.N.S.F.A.

Considérant que, dans le chapitre consacré à la rémunération, le cahier des clauses générales inclus dans les contrats types élaborés par l’U.N.S.F.A. propose aux architectes de calculer le montant de leurs honoraires au pourcentage en affectant le montant hors taxes des travaux de coefficients obtenus, soit directement par choix entre des données chiffrées pour prendre en compte l’importance de la mission, soit en se reportant à un tableau ou à une grille pour traduire la complexité et l’importance de l’ouvrage ; que, pour l’honoraire au déboursé, l’architecte est invité à utiliser un multiplicateur unique pour tenir compte de ses frais généraux et de son bénéfice  ; qu’il lui est recommandé, pour l’honoraire au forfait, de s’inspirer des mêmes données et, pour ses frais divers de mission comme pour les intérêts moratoires, d’utiliser des majorations préfixées  ;

Considérant que les modes de calcul préconisés dans le cahier des clauses générales de l’U.N.S.F.A. ne tiennent pas compte des coûts de revient réels des prestations réalisées par les architectes, de la différence de taille, d’organisation et de rentabilité de leurs cabinets ; qu’ils ne peuvent être considérés comme des études propres à aider les architectes à établir une politique de gestion ;

Considérant qu’il ressort des explications fournies que l’élaboration du cahier des clauses générales avait, entre autres fins, celle d’harmoniser les pratiques professionnelles en donnant aux architectes une méthode, un cadre et des références permettant en particulier d’éviter l’accomplissement de missions « au rabais » considérées par l’U.N.S.F.A. comme nuisibles à la qualité de l’acte architectural ; que la publication d’un tel document a donc bien eu pour objet, sinon d’empêcher ou de fausser, du moins de restreindre le jeu de la concurrence ;

Considérant, certes, que les méthodes de calcul sont parfois présentées comme indicatives et que la clause « à défaut de convention contraire » est mentionnée à plusieurs reprises ;

Mais considérant, d’une part, que nombre des dispositions des contrats types présentent un caractère normatif marqué, notamment celles qui concernent les frais et les intérêts moratoires, et que, d’autre part, le fait que des dérogations aient été prévues implique par lui-même qu’elles ne sont qu’une exception à la règle qui est l’application des données proposées ; qu’au surplus, la place réservée aux clauses dérogatoires dans le document signé par le client les fait apparaître comme déjà discutées lorsque la question des honoraires est abordée ; que les représentants de l’U.N.S.F.A. admettent dans leurs observations que l’emplacement réservé aux clauses dérogatoires est de nature à faciliter cette interprétation que le caractère incitatif du contrat type en est renforcé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’outre leur objet, les contrats types peuvent avoir un effet anticoncurrentiel, particulièrement en ce que, s’adressant aux architectes ne pratiquant pas la comptabilité analytique, ils les détournent du soin de déterminer eux-mêmes leurs prix en fonction de leurs coûts propres ; que cet effet potentiel est indépendant du plus ou moins grand nombre des architectes qui utilisent les contrats types, comme aussi du fait que la conception et la maîtrise d’oeuvre peuvent être assurées par d’autres intervenants, professionnels ou occasionnels  ;

Considérant qu’en diffusant, même avec les précautions qui viennent d’être rappelées, les documents de l’U.N.S.F.A., le Conseil national de l’ordre des architectes apporte son concours à l’entente réalisée au sein de l’organisation syndicale ; que cette diffusion est susceptible d’avoir un effet anticoncurrentiel en ce qu’elle revêt lesdits documents de l’autorité ordinale et ne procure aux particuliers qu’un seul système de référence  ;

Sur l’application de l’article 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945

Considérant, en ce qui concerne l’article 51 (1°), qu’il est avancé que les méthodes de calcul préconisées par les contrats types de l’U.N.S.F.A. résultent de l’application d’un texte réglementaire, en l’occurrence l’article 47 du décret du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes  ;

Mais considérant que, d’une part, en matière de rémunération, comme l’imposait la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, le décret invoqué n’a traité que du seul cas de la mission rendue obligatoire à l’égard des personnes privées, c’est-à-dire l’élaboration du projet soumis à permis de construire, alors que les contrats types de l’U.N.S.F.A. recouvrent la totalité des prestations fournies par l’architecte, sans distinguer entre elles ; que, d’autre part, les indications précises et chiffrées relatives au calcul de l’honoraire au déboursé ou au forfait et à la détermination des intérêts moratoires et des frais n’entrent pas dans le champ d’application du texte auquel se réfère l’article 47 du décret du 20 mars 1980 ,

Considérant, en ce qui concerne l’article 51 (2°), qu’il est prétendu que les contrats types ont eu pour effet d’assurer le développement du progrès économique à la fois en donnant aux architectes les moyens d’assurer la qualité architecturale par la prise en compte des coûts de recherche et de perfectionnement jusqu’alors négligée, et en apportant au client occasionnel de l’architecte des éléments d’information le mettant à même d’apprécier l’étendue et la complexité de la mission et de mieux négocier le montant de la rémunération ;

Considérant, sur le premier point, que, contrairement à ce qui est allégué, les contrats types sont de nature à dispenser l’architecte d’une recherche de la vérité de ses coûts plutôt qu’à l’inciter à un effort en ce sens ;

Considérant, sur le second point, que la situation de la concurrence est loin d’apparaître clairement au particulier qui recourt aux services d’un architecte et qui, pénétrant dans un domaine de grande technicité à l’occasion d’un investissement à long terme, recherche chez l’homme de l’art des qualités d’indépendance et de compétence particulières ; que ce consommateur ne dispose pas d’éléments de comparaison adéquats en raison de la multiplicité des conditions dans lesquelles s’exerce l’acte de construite ;

Considérant qu’une meilleure information du consommateur est en principe de nature à améliorer la concurrence ; que cette information ne peut cependant consister en la fourniture par une organisation professionnelle de données chiffrées telles qu’elles puissent revêtir un caractère directif dans la négociation contractuelle sur les prix ;

Considérant en l’espèce que, par la clarté de l’exposition de la mission de l’architecte en phases successives et par le recensement des difficultés diverses qui en modifient l’accomplissement, le cahier des clauses générales peut contribuer à lever les incertitudes du consommateur et à lui procurer tant une base de discussion que des éléments de comparaison ;

Considérant toutefois que les clauses des contrats types relatives à la rémunération de l’architecte préconisent des modes de calcul précis pour fixer l’honoraire au déboursé, l’honoraire au forfait, le montant des frais divers et le taux des intérêts moratoires, et proposent pour déterminer l’honoraire au pourcentage des indicateurs qui ne sont pas uniquement le reflet de considérations techniques concernant le champ de la mission ou la complexité des opérations ; que leur contenu excède dès lors les limites ci-dessus posées en ce qui concerne l’information du consommateur et revêt le caractère d’une limitation à la concurrence qui ne contribue pas au progrès économique ; que ces clauses ne peuvent, dans ces conditions, bénéficier de l’exonération prévue à l’article 51 (2o) de l’ordonnance du 30 juin 1945  ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’élaboration et la diffusion par l’U.N.S.F.A. et l’Ordre des architectes des clauses susvisées tombent sous le coup des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 sans pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 51 de ladite ordonnance  ; que de telles pratiques sont également visées par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986,

D E C I D E :

Article premier. - Il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure en ce qui concerne :

La publication et la diffusion par la compagnie des experts architectes près la cour d’appel de Paris d’un « état des honoraires et frais pour l’année 1983 » ;

L’élaboration en 1986, par le groupe d’études et de liaison de la rémunération de la conception, d’un « cahier des coûts horaires facturables ».

Article 2. - La publication et la diffusion par l’Union nationale des syndicats français d’architectes de contrats types tombent, en tant qu’ils comportent des clauses aboutissant à une détermination chiffrée de la rémunération de l’architecte, sous le coup des dispositions de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 sans que l’article 51 de ladite ordonnance soit applicable.

Il en est de même de la diffusion de ces contrats types par le Conseil national de l’ordre des architectes.

Article 3. - Il est enjoint à l’Union nationale des syndicats français d’architectes de modifier comme suit, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, les dispositions des contrats types qu’elle publie :

1°) Dans le cahier des clauses générales :

a) Placer en tête du chapitre consacré à la rémunération l’indication que l’honoraire est librement fixé entre le maître de l’ouvrage et l’architecte ;
b) Dans les clauses relatives à l’honoraire au déboursé, supprimer le coefficient multiplicateur ainsi que toutes référence chiffrée au montant de la vacation horaire ;
c) Dans les clauses relatives à l’honoraire au pourcentage, supprimer la formule de détermination de l’honoraire et toutes indications chiffrées autres que celles concernant l’importance de la mission et la complexité de l’opération ; d) Dans les clauses relatives aux frais et aux intérêts moratoires, supprimer toute référence chiffrée.

2°) Dans le cahier des clauses particulières : rappeler au chapitre consacré à la rémunération le principe de la libre discussion de l’honoraire entre l’architecte et son client.

Article 4. - Le Conseil national de l’ordre des architectes et l’Union nationale des syndicats français d’architectes communiqueront au conseil de la concurrence, dans un délai de huit mois, les dispositions qu’ils auront arrêtées et diffusées en application de la présente décision.

Délibéré en commission permanente, sur le rapport de M. J. GOURLET, dans sa séance du 1er décembre 1987, où siégeaient : MM. LAURENT, président, BETEILLE et PINEAU, vice-présidents.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article826