Décision n° 87-D-14 du 26 mai 1987 relative aux pratiques de certains producteurs dans le secteur de l’électroménager

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la lettre du 1er juin 1979 par laquelle l’Union fédérale des consommateurs a, en application de l’article 15 de la loi du 19 juillet 1977, saisi la Commission de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l’électroménager ;

Vu la décision de la Commission de la concurrence en date du 13 octobre 1983 ;

Vu les ordonnances n°s45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu la loi n°77-806 du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante, ensemble le décret n°77-1189 du 25 octobre 1977 ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence et le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application ;

Vu les observations présentées par les parties intéressées sur le rapport qui leur a été communiqué le 18 septembre 1986 ;

Le commissaire du Gouvernement, le rapporteur général et les parties entendus,

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - Constatations

a) Le champ de la saisine et de l’enquête.

Le dossier de l’Union fédérale des consommateurs annexe à la lettre du 1er juin 1979 susvisée décrivait des pratiques générales concernant la production et la commercialisation des produits électroménagers et considérées par la partie saisissante comme anticoncurrentielles.

S’agissant des producteurs, l’U.F.C. dénonçait notamment la multiplication des références et des sous-marques ainsi que les conditions dans lesquelles les producteurs distribuaient leurs produits dans le circuit commercial. S’agissant des distributeurs, l’U.F.C. dénonçait des ventes en solitaire, des alignements de prix dans quelques agglomérations et la pratique de la guelte.

b) Les caractéristiques des produits et des marchés.

Cinq catégories de gros appareils électroménagers ont été étudiées : les lave-linge, les lave-vaisselle, les réfrigérateurs, les congélateurs et les cuisinières qui représentent ensemble une part significative de la consommation des ménages (0,4 p. 100 en 1983, soit environ onze milliards de francs).

Ces produits sont des biens d’équipement des ménages dont le coût unitaire est relativement élevé mais dont l’usage est désormais assez banalisé. Ainsi, plus de 80 p.100 des ménages français disposent de cuisinières, réfrigérateurs et lave-linge. Le pourcentage de ménages équipés est cependant plus faible pour les congélateurs (30 p. 100) et surtout les lave-vaisselle (20 p. 100).

Ce fort taux d’équipement est le résultat d’une très forte croissance du marché national de 1959 à 1982.  Sur ces vingt-trois années, la demande française a été multipliée par près de cinq pour les réfrigérateurs et congélateurs et par plus de six pour les lave-linge. Durant cette même période les prix relatifs de ces appareils étaient divisés par 5,7 pour les premiers et par 4,4 pour les seconds.

La production domestique. de ces appareils a baissé sensiblement de 1980 à 1984 cependant que l’importation se développait et représentait une part croissante et importante de la consommation des ménages (46 p. 100 en 1983).

Pour chaque catégorie d’appareils, une très grande diversité de machines est offerte au choix des clients. L’accroissement du niveau de vie et le développement des quantités vendues se sont en effet accompagnés d’une forte différenciation des appareils.

c) Les producteurs.

En 1983, trois groupes industriels (Electrolux-Zanussi, Philips et Siemens-Bosch) réalisaient la moitié des ventes des produits considérés dans la C.E.E. En outre, trois autres groupes (A.E.G., Thomson et Indesit) réalisaient 15 p. 100 des ventes.

Selon le Centre d’étude des revenus et des coûts, la part de marché cumulée des trois principaux groupes intervenant en France, Thomson, Philips et Electrolux, était en 1981 égale à 57,9 p. 100 pour les réfrigérateurs, 40,3 p. 100 pour les congélateurs, 72,9 p. 100 pour les lave-linge, 53,3 p. 100 pour les lave-vaisselle et 44,9 p. 100 pour les cuisinières.  Ces parts se sont encore accrues depuis cette date, compte tenu des nombreux rapprochements opérés par les entreprises, notamment : Thomson-C.E.P.E.M. (ancienne filiale de la C.G.E.), Electrolux-Zanussi et Philips-Bauknecht.

C’est d’ailleurs principalement par croissance externe et, en particulier, par la prise de contrôle de marques de distribution et la rationalisation de leur outil de production au plan européen que les trois principaux groupes industriels présents en France ont développé leurs parts de marché depuis plusieurs dizaines d’années.

Il ne subsiste actuellement en France qu’une douzaine d’unités de fabrication de gros appareils électroménagers, dont sept appartiennent aux groupes Thomson, Philips et Electrolux. Seul le groupe Thomson fabrique les cinq catégories de machines considérées  ; Philips ne produit que des lave-linge à chargement par le dessus  ; Electrolux des lave-linge et des cuisinières. On compte, en outre, quelques entreprises moyennes dans la fabrication de cuisinières.

La rationalisation des productions et le faible nombre des établissements au niveau européen conduisent chacun des principaux groupes présents sur le territoire français à commercialiser notamment des appareils qui ont été produits par des filiales étrangères du même groupe ou par des établissements d’un autre groupe.

Si la pratique d’échanges entre fabricants de produits finis est très répandue dans ce secteur d’activité, l’essentiel des approvisionnements de chacun des trois principaux groupes industriels présents sur le marché français provient des filiales du même groupe. Les achats à d’autres fabricants sont très limités et concernent pour l’essentiel des appareils de coût unitaire faible.

Chaque groupe commercialise les produits qu’il vend sous un grand nombre de marques de distribution. Les marques actuellement utilisées par les groupes Thomson, Philips et Electrolux pour commercialiser leurs gros appareils électroménagers sont entrées dans leur patrimoine depuis longtemps ou au cours du processus de concentration évoqué précédemment. En outre, ces groupes ont procédé depuis une quinzaine d’années à une réduction sensible du nombre des marques qu’ils utilisent.

d) Les distributeurs.

Il existe, en premier lieu, une grande diversité de formes et de circuits de distribution : commerces indépendants, commerces associés, multispécialistes, grands spécialistes, grands magasins, hypermarchés, vente directe des producteurs, vente par correspondance, etc.

En deuxième lieu, les politiques commerciales suivies par les distributeurs, tant dans le choix des collections proposées (nombre d’appareils et gammes de prix) que dans la nature et la qualité des services offerts : conseil, aprèsvente... sont très diverses.
En troisième lieu, le poids relatif des différentes formes de commerce a beaucoup évolué depuis une vingtaine d’années.  Selon des évaluations du Centre d’étude des revenus et des coûts, de 1966 à 1981, les parts de marché seraient passées de 1,5 à 16,5 p. 100 pour les hypermarchés, de 81,5 à 48,5 p. 100 pour les commerçants indépendants et associés. Ces derniers auraient connu, comme les grands magasins, une baisse sensible de leur chiffre d’affaires en francs constants depuis une dizaine d’années, ce qui expliquerait, au moins en partie, les tensions existant dans ce secteur.

Enfin, diverses enquêtes réalisées par l’administration sur les marges commerciales pour plusieurs classes de produits et les principales formes de distribution permettent de constater, d’une part, que les taux de marge des commerçants en équipement ménager sont parmi les plus faibles, nettement inférieurs à ceux constatés dans la distribution des articles d’habillement, du meuble ou des articles de ménage, et d’autre part, que ce taux a baissé de 1972 à 1984 malgré la forte réduction du prix relatif des appareils concernés.

e) La commercialisation de produits similaires sous des noms de marque différents.

Pour diverses raisons, liées notamment à la concurrence internationale, les producteurs proposent des gammes très étendues d’appareils à partir du nombre le plus limité possible de sous-ensembles ou de « modèles de base ». Des appareils similaires du point de vue technique, mais de présentation non identique, peuvent ainsi être vendus, sous des marques différentes, à des prix variés.

Les différences d’esthétique, d’accessoires, de service après-vente, peuvent entraîner des différences de coût difficilement chiffrables entre appareils techniquement similaires mais vendus sous des marques différentes. Les différences de prix de base ou de cession pratiqués par les producteurs pour des appareils identiques vendus sous des marques différentes sont généralement faibles et sensiblement inférieures à celles observées au stade de la revente entre les prix pratiqués par les distributeurs.

f) Les produits solitaires.

La multiplication et la diversité des appareils similaires du point de vue technique mais non identiques du point de vue de leur présentation, les traditions et les réussites variables des marques et des filiales de distribution des groupes industriels et, surtout, les politiques de différenciation des distributeurs, qui peuvent d’ailleurs avoir leurs propres marques, expliquent les raisons pour lesquelles, dans de nombreuses zones de chalandise, une proportion importante des appareils n’est proposée à la vente que dans un seul magasin.  Dans de tels cas, un client intéressé par un modèle particulier, caractérisé par sa marque et sa référence commerciale, se trouve souvent dans l’impossibilité de comparer les prix et les services de plusieurs revendeurs.

En outre, l’analyse des résultats d’une enquête administrative de 1982 dans 156 magasins de plusieurs villes avait mis en évidence que certaines entreprises, particulièrement les grands spécialistes, prélevaient des marges nettement plus élevées sur les produits solitaires que sur les produits concurrencés.

g) Les tarifs et conditions générales de vente des producteurs.

g 1. Les barèmes d’écart.

La présentation et le contenu des barèmes d’écarts des groupes en cause varient considérablement d’une société à l’autre ou même d’une année à l’autre pour certaines sociétés. La détermination des ristournes accordées à différents types de distributeurs résulte d’un mélange complexe entre des considérations de coûts ou de services rendus, d’évolutions des rapports de force entre les divers agents économiques, notamment entre formes de commerce, et de contraintes de tactique commerciale à court terme ou «  d’habillage » : chaque société chercherait à se situer par rapport aux barèmes des concurrents.

g 2. Les références absentes des tarifs.

De nombreuses références sont absentes des documents tarifaires des sociétés concernées durant certaines périodes de vente. Outre les cas où ces manquements sont dus à des erreurs matérielles, à des changements de dénomination d’appareils ou à des fins de série, ils peuvent résulter de deux circonstances particulières :

-le lancement de nouveaux modèles est un motif fréquemment évoqué : le fournisseur teste pendant quelques mois plusieurs variantes d’un même appareil avant d’inscrire aux tarifs officiels les références des variantes les mieux accueillies par les distributeurs. Très souvent ces lancements d’appareils absents des documents tarifaires s’accompagnent d’actions promotionnelles.  Cependant l’administration n’a signalé aucune plainte pour refus de vente dans la période récente ce qui pourrait être dû au fait que les distributeurs ne sont pas tous intéressés par les nouveaux produits où une marge plus élevée correspond généralement à des risques supérieurs (taux de rotation des produits et surtout service après-vente) ;

-les séries spéciales, également dénommées références réservées, sont des modèles réalisés sur les directives d’un distributeur qui commande un nombre important de pièces, vendues sous la marque du fabricant.  Les motivations, lors de la négociation de ces contrats peuvent être variées : plan de charge ou pénétration d’un nouveau marché pour l’industriel, esthétique particulière, insertion dans une campagne promotionnelle ou politique de segmentation du marché pour le distributeur.

g 3. Les promotions.

Au-delà des opérations ponctuelles ou saisonnières, des actions promotionnelles quasi-permanentes, décidées par les responsables d’une marque mais dont les conditions ne figurent pas sur les documents officiels destinés à l’ensemble des distributeurs, sont courantes. Durant la période étudiée, les principales marques des groupes ’Thomson et Philips ont utilisé cette méthode pour la vente d’une proportion considérable de leurs gros appareils ménagers, avec des rabais pouvant atteindre sous des formes très variées, 6 à 8 p. 100 du prix de vente, c’est-à-dire comparables au taux de profit net attendu par le producteur et le distributeur.

Les responsables des sociétés commerciales considèrent que ces rabais constituent une marge de négociation indispensable à leurs représentants et un moyen nécessaire pour gérer correctement leurs stocks. lis affirment de plus que ces promotions sont portées à la connaissance de tous les revendeurs.

h) Les accords de coopération commerciale proposés par les producteurs.

Dans le cadre de la distribution sélective, et non exclusive, choisie par la plupart des fabricants de gros appareils électroménagers, outre les tarifs et conditions générales de vente, les relations contractuelles entre producteurs et distributeurs sont fondées sur des accords de coopération commerciale qui régissent des relations plus étroites entre certains partenaires sur la base du volontariat.

h1. Les filiales de commercialisation du groupe Thomson.

Les accords de coopération commerciale proposés ces dernières années aux détaillants par les sociétés S.D.R.M., S.O.D.A.M.E. et Surmelec, commercialisant respectivement les marques Thomson, Brandt et Vedette, comprenaient un même paragraphe 1.9 aux termes duquel le détaillant s’engage « à s’abstenir de toute pratique ayant pour objet ou effet d’attirer la clientèle en se servant de la marque Thomson (ou Brandt, ou Vedette), sans l’intention sincère d’augmenter au maximum les ventes d’appareils Thomson (ou Brandt, ou Vedette), et à ne pas affecter aux appareils Thomson (ou Brandt, ou Vedette) un coefficient de marge inférieur à celui pris sur la moyenne des autres marques vendues au cours de la période considérée ».

Le groupe Thomson affirme que cette clause avait pour seul objet d’éviter la vente à prix coûtant des seuls produits de ce groupe et donc d’éviter la dérive des ventes à son détriment, il affirme également n’avoir procédé à aucun contrôle ni à aucune sanction en ce domaine ; il a enfin fait savoir à l’administration que la dernière partie de la phrase  : « et à ne pas affecter aux appareils... » serait supprimée à compter de 1986.

h2. Les filiales de commercialisation du groupe Philips.

Le contrat de coopération proposé par la Radiotechnique, filiale de Philips industrielle et commerciale, aux revendeurs de la marque Radiola prévoit en son paragraphe 13 que ses distributeurs devront être en mesure de lui fournir des documents permettant de connaître le nom et l’adresse des clients à qui ils livrent le matériel de cette marque. Selon le groupe Philips, cette disposition est «  destinée à permettre de rémunérer le représentant Radiola pour le chiffre d’affaires réalisé par celui-ci auprès d’un groupement chevauchant le secteur de plusieurs représentants  ».

Par ailleurs, l’accord de distribution proposé par Schneider R.T., également filiale du groupe Philips, aux revendeurs de la marque Laden comprend les passages suivants :

« Le revendeur spécialiste Laden s’interdit de se livrer, sous peine de résiliation immédiate du présent accord, à une vente qui serait assimilable à une pratique de prix d’appel qui consiste pour un détaillant à offrir ou à vendre des articles choisis également pour la notoriété de leur marque :

« - soit en prélevant une marge bénéficiaire nettement inférieure à celle qu’il applique aux articles de marques concurrentes ;

« - soit avec une marge anormalement basse, compte tenu à la fois de la nature du produit et de la forme du commerce, et ce à seule fin d’attirer la clientèle dont le choix est ensuite orienté vers l’achat de produits vendus avec un bénéfice normal.

« Les appareils, objets du présent accord, ne devront être vendus qu’à la clientèle particulière et uniquement dans le secteur à l’intérieur duquel le revendeur spécialiste Laden est en mesure d’assurer le service dans les conditions prévues ci-dessus. »

La définition donnée par Schneider R.T. du prix d’appel ne fait pas référence à une éventuelle action de promotion et diffère donc de celle de l’administration (circulaire du 22 septembre 1980). De plus, les éventuels manquements à la réglementation de la part des distributeurs seraient appréciés par la seule société Schneider R.T.

h3. Les filiales de commercialisation du groupe Electrolux.

La société des usines et fonderies Arthur Martin (U.F.A.M.), Filiale du groupe Electrolux, proposait en 1983 un « contrat de concessionnaire agréé » à ses vendeurs, grossistes et détaillants.  En contrepartie des avantages consentis par les U.F.A.M. au-delà des conditions générales de vente, ce contrat prévoyait

« 1. Territoire.

« La concession de vente est accordée au concessionnaire agréé :

« - au détail (vente exclusivement à des usagers) pour les seuls points de vente suivants :...

« - en gros (vente exclusivement à des installateurs officiels agréés par les U.F.A.M.) pour le territoire défini ci-dessous : ...

« 2. Promotion de la marque Arthur Martin.

« 2. 1. Le concessionnaire agréé accepte :

« a) De respecter la politique commerciale Arthur Martin.  Celle-ci lui est exposée par l’inspecteur des ventes et par la direction régionale ;

« b) De ne pas faire figurer, sauf accord préalable des U.F.A.M., le nom Arthur Martin dans une publicité sous quelque forme que ce soit, portant sur des rabais consentis au public (à l’exception d’appareils soldés ne figurant pas au tarif).

« g) D’afficher ou d’annoncer, pour chaque appareil, un prix qui inclut les services auxquels a droit le consommateur. »

En outre, le chapitre III de l’avenant annuel prévoyait une bonification de 2 p. 100 conditionnée par « la réalisation de l’objectif défini au chapitre 1er dans le respect de la politique commerciale d’Arthur Martin ».

II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le conseil de la concurrence :

Considérant que les faits visés étant antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986, les articles 50 et 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 demeurent applicables ;

Considérant qu’aucune des entreprises de fabrication ou de commercialisation en cause ne détient une position dominante sur le marché des gros appareils électroménagers ;

En ce qui concerne les politiques de production et les politiques tarifaires des producteurs :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les échanges entre fabricants dans ce secteur ont pour origine les économies d’échelle à la production des matériels considérés et le souci des producteurs, notamment ceux de taille comparativement modeste, de disposer d’une large gamme de produits ; que ces échanges s’assimilent à des relations entre sous-traitants et donneurs d’ordres et ne s’accompagnent d’aucune contrainte quant à la liberté commerciale de ces derniers ,

Considérant qu’il n’est établi par l’instruction ni que les trois principaux groupes présents dans le secteur du gros équipement électroménager ont segmenté artificiellement le marché par le moyen d’une multiplication délibérée des marques et sous-marques sous lesquelles leurs filiales de commercialisation vendent les appareils, ni que chacun de ces groupes a utilisé la différenciation de ses marques de distribution pour mettre en oeuvre des discriminations de prix ; qu’au demeurant des variations de parts de marché entre les groupes et entre les marques ont été constatées  ;

Considérant que, dans ce secteur, la diversification des goûts des consommateurs favorise la commercialisation d’un grand nombre d’appareils techniquement similaires mais différents dans leur présentation ou dans leur marque ; qu’ainsi, chaque distributeur est incité, afin de différencier une partie de son offre de celle de ses concurrents, à présenter à la vente ou, dans certains cas, à faire fabriquer, des produits dits « solitaires » sur lesquels il peut prélever un taux de marge supérieur à celui pratiqué sur les autres appareils, qu’il n’est, cependant, pas établi que la vente de produits « solitaires » par certains distributeurs résulte nécessairement ou même généralement d’ententes entre les distributeurs ;

Considérant que si la pratique de la guelte différenciée des vendeurs constitue l’un des moyens par lesquels le choix des consommateurs peu informés des caractéristiques des appareils est orienté vers ceux sur lesquels les offreurs pratiquent les taux de marge les plus élevés, il n’est cependant pas établi que cette pratique résulte, sur un plan général, d’ententes ;

Considérant qu’en ce qui concerne les différences de barèmes d’écarts entre les sociétés de commercialisation, l’instruction n’a révélé aucun élément précis permettant de conclure à l’existence d’une entente ou action concertée entre certaines d’entre elles ;

Considérant qu’une meilleure information des distributeurs et des consommateurs serait de nature à améliorer la concurrence sur le marché des gros appareils électroménagers ; qu’à cet égard, il serait souhaitable, d’une part, que figurent, sur les tarifs et conditions générales de vente destinés aux distributeurs, les références de tous les produits commercialisés ainsi que les conditions d’attribution et les montants des rabais ou ristournes proposés au titre des actions promotionnelles de longue durée pour certains d’entre eux et, d’autre part, que les consommateurs soient mieux informés des similarités techniques des appareils offerts, notamment par l’indication, sur chaque appareil, de la référence du modèle de base dont il est issu ; qu’il n’est cependant pas établi que les lacunes constatées dans l’information résultent d’ententes ou d’actions concertées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les pratiques susmentionnées ne sont pas visées par les dispositions de l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945.

En ce qui concerne les contrats et accords de coopération proposés par les sociétés de commercialisation filiales des fabricants :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les sociétés susmentionnées pratiquent la distribution sélective ; que ces diverses sociétés représentent une part substantielle du marché des gros appareils électroménagers , que dès lors les conventions de distribution sélective qu’elles proposent sont susceptibles d’affecter la concurrence sur le marché ,

Considérant qu’il n’est pas établi par l’instruction que la clause du contrat de coopération commerciale de la Radiotechnique imposant aux revendeurs de la marque Radiola d’être en mesure de fournir le nom et l’adresse des clients auxquels ils livrent des produits de la marque aît, au cas particulier, eu pour objet ou pu avoir pour effet de limiter la concurrence entre ces revendeurs ;

Considérant que diverses dispositions du contrat de distribution sélective proposé en 1983 par la société des Usines et Fonderies Arthur Martin limitaient les conditions d’activité de ces revendeurs quant à leur champ territorial d’activité à la clientèle à laquelle ils pouvaient s’adresser et à leur publicité en matière de rabais ; que ces dispositions pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence entre ces distributeurs et étaient, dès lors, visées par les dispositions de l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945 ; qu’il n’est pas établi par l’instruction que les dispositions de l’article 51 de cette ordonnance leur aient été applicables ; que les contrats proposés par la société des Usines et Fonderies Arthur Martin (U.F.A.M.) ont été remplacés en 1986 par des contrats de distributeurs agréés dans lesquels ces dispositions ne figurent plus.

Considérant que les clauses figurant, de 1983 à 1985, dans les contrats de coopération commerciale des sociétés S.D.R.M., S.O.D.A.M.E. et Surmelec du groupe Thomson, visant à empêcher les distributeurs de diminuer leurs marges sur les appareils fournis par rapport à la marge pratiquée sur les produits d’autres marques, avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de restreindre la liberté de Fixation des prix de revente de ces distributeurs et de limiter la concurrence entre eux ; que si la société Thomson Electroménager a fait savoir à l’administration, par lettre en date du 20 décembre 1985, que les dispositions contraires à l’article 50 précédemment citées ne figureraient pas dans les conditions commerciales de 1986 des sociétés S.D.R.M., S.O.D.A.M.E. et Surmelec, elle a, par ailleurs, fait valoir en 1986 que ces sociétés disposent de toute latitude dans le choix de leur politique et qu’elle n’a aucun rôle direct dans la distribution en France ; que, dans ces conditions, il n’est pas établi que ces clauses aient été supprimées  ;

Considérant que des clauses analogues à celles mentionnées ci-dessus figurent dans les accords de distribution proposés aux revendeurs de la marque Laden par la société Schneider R.T.  ; qu’en outre d’autres clauses de ces accords imposent à ces revendeurs de ne vendre qu’à la clientèle particulière et limitent le secteur d’intervention de chacun d’eux ; que ces clauses limitent la concurrence entre ces revendeurs ; que, par lettre en date du 17 novembre 1986, la S.A. Philips industrielle et commerciale a déclaré que, depuis 1985, elle était aux droits de la société Schneider R.T. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les contrats de coopération commerciale des sociétés S.D.R.M., S.O.D.A.M.E. et Surmelec et les accords de distribution proposés aux revendeurs de la marque Laden par la S.A. Philips industrielle et commerciale contiennent des clauses qui sont visées par les dispositions de l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945 ; qu’il n’est pas établi par l’instruction que les dispositions de l’article 51 de cette ordonnance sont applicables à ces clauses ;

Considérant que l’insertion de telles clauses dans ces contrats constitue également une pratique contraire aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ; que, dès lors, il y a lieu d’enjoindre aux sociétés concernées de mettre fin à leurs pratiques ;

D E C I D E :

Article premier. : Il est enjoint .

1°) Aux sociétés S.D.R.M., S.O.D.A.M.E., Surmelec de supprimer dans les accords de coopération commerciale qu’elles proposent aux revendeurs des marques Thomson, Brandt, Vedette, la clause limitant la liberté de ces revendeurs en matière de prix de revente ;

2°) A la société Philips industrielle et commerciale de supprimer, dans les accords de distribution proposés par Schneider R.T. aux revendeurs de la marque Laden, toute clause de résiliation liée à la politique de prix ou de marge du revendeur ainsi que la limitation de la vente à la clientèle particulière ou dans un secteur géographique donné.

Délibéré en formation plénière, sur le rapport de M. LE FOLL, dans sa séance du 26 mai 1987 où siégeaient : MM. LAURENT, président, BETEILLE, PINEAU, vice-présidents  ; MM. AZEMA, CORTESSE, FLECHEUX, FRIES, GAILLARD, MARTIN-LAPRADE, SCHMIDT, URBAIN, membres.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article787